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Gilets jaunes. Un an après, qu’avons-nous gagné ? Qu’avons-nous appris ?

Paul Morao

Crédit photo : Johan Px

Gilets jaunes. Un an après, qu’avons-nous gagné ? Qu’avons-nous appris ?

Paul Morao

A un an du mouvement des Gilets jaunes un bilan d’étape s’impose. Le mouvement a permis de rompre avec le scepticisme généré par l’offensive néolibérale, il a démontré la capacité de la lutte de classe à imposer des rapports de force, à déboucher sur une créativité et une vitalité débordante. Dans le même temps, célébrer sa première année d’anniversaire invite à s’interroger sur la façon dont il convient de préparer les combats à venir, à seulement quelques semaines du coup d’envoi de la bataille des retraites.

Crédit photo : Johan Px

Il y a un an, en octobre 2018, les signatures d’une pétition en ligne « Pour une Baisse des Prix du Carburant à la Pompe ! », lancée en mai par Priscilla Ludosky, s’envolent. L’engouement que suscite ce texte incite alors deux chauffeurs-routiers de Seine-et-Marne à appeler à bloquer les routes au travers d’un événement Facebook.

Rapidement, cette initiative connaît un franc succès et se diffuse au travers d’événements locaux. La dynamique impressionnante s’appuie notamment sur le réseau de groupes Facebook « Colère », créés dans le cadre de l’opposition à la limitation à 80km/h sur les routes secondaires annoncée par le gouvernement. Sur Facebook, les événements cumulent des dizaines de milliers de participants qui s’organisent et font du Gilet jaune, placé en évidence sur le tableau de bord, un signe de ralliement préparatoire aux mobilisations prévues quelques semaines plus tard.

Dans les mois qui suivent, le mouvement des Gilets jaunes va bousculer le gouvernement et les formes prises par la lutte des classes en France. L’entrée en action des masses rompt en effet avec des décennies de luttes policées par les directions des organisations syndicales, totalement subordonnées aux contraintes du « dialogue social » et affaiblies par l’offensive néolibérale. Spontané, radical, dépassant l’opposition entre économique et politique, mettant en jeu des franges traditionnellement peu mobilisées de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie pauvre, le mouvement des Gilets jaunes a fait vaciller le gouvernement autant qu’il est venu bousculer les formes classiques de la contestation sociale et politique en France, déstabilisant le champ politique et social traditionnel y compris jusqu’à l’extrême gauche.

Pourtant, un an après le début du mouvement, alors qu’une partie des Gilets jaunes reste toujours mobilisée comme l’ont démontré les mobilisations de l’Acte 53, quels enseignements tirer de ce mouvement ? Qu’avons-nous gagné, qu’avons-nous appris ? Voilà ce que pourraient être les questions que la célébration du premier anniversaire du mouvement invite à poser, et qui ont guidé la rédaction de ce dossier. Nous chercherons ici à y répondre en nous concentrant sur trois aspects : la rupture avec le scepticisme hérité de la période de « restauration bourgeoise » [1], les décantations qui s’opèrent dans le mouvement ouvrier organisé sous l’influence des Gilets jaunes, enfin la nécessité de rompre avec tout spontanéisme et de commencer à construire un outil politique pour préparer les futures batailles.

Gilets jaunes : une rupture avec le narcissisme de la défaite

Avec l’annulation de la hausse de la taxe carbone puis la série de mesures concédées par le gouvernement en décembre – gel des tarifs du gaz et de l’électricité, primes et heures supplémentaires défiscalisées, etc. – les Gilets jaunes ont rompu avec la série de défaites qui caractérisaient les derniers épisodes de la lutte de classe en France depuis 2006. Cette victoire obtenue dans le cadre d’un mouvement offensif, qui a perduré après l’obtention de sa revendication initiale jusqu’à contraindre le gouvernement à proposer un ensemble de concessions pour tenter d’apaiser la colère, est un acquis pour l’ensemble des travailleurs et démontre que la victoire, même limitée, est possible.

Mais cette victoire prend une dimension encore supérieure lorsque l’on prend en considération les franges de la population que le mouvement a mobilisées. Comme l’a noté Stathis Kouvelakis dans Contretemps : « La véritable surprise de ce mouvement réside dans l’irruption d’un nouvel acteur issu des couches parmi les plus « invisibilisées », et acculées jusqu’alors à la passivité, de la société française : la classe ouvrière (en col bleu ou blanc) des petites et moyennes entreprises, des fractions de la petite-bourgeoisie non-diplômée et proche (socialement et spatialement) des classes populaires, ainsi que des retraités issus des mêmes catégories. Extérieures tant à la représentation politique, violemment rejetée, qu’au mouvement syndical (depuis longtemps absent de ces secteurs du salariat) et à ses formes d’action, il unifie salariés et indépendants sur le seul terrain autorisé par sa composition organique, celui d’une protestation dirigée contre l’État. »

Précaires, salariés du privé dans de petites structures, non syndiqués, chômeurs, retraités, le portrait des Gilets jaunes dessine le visage d’une classe ouvrière atomisée par le néolibéralisme. Or si ce visage a servi pendant bientôt quatre décennies à légitimer le triomphalisme de la bourgeoisie autant que le scepticisme de l’extrême-gauche, il a pris depuis le 17 novembre un autre aspect. Les travailleurs paupérisés des zones rurales et semi-rurales ont montré l’envers de leur précarité sur le terrain de la lutte de classe : une radicalité à toute épreuve, incontrôlable par les mécanismes traditionnels, ainsi qu’une capacité à mêler étroitement revendications économiques et politiques dans un mouvement éloigné de tout corporatisme.

C’est dans le cours même de cette lutte qu’a pu émerger une conscience collective que nombre de prophéties sur l’indépassable « individualisme » néolibéral semblait reléguer à une période mythifiée du mouvement ouvrier. Une conscience plurielle et contradictoire, marquée par la prédominance de motifs « citoyens » ou « populistes » mais colorés – du fait de la sociologie des Gilets jaunes - d’une radicalité très supérieure à celle que l’on pouvait retrouver dans d’autre mobilisations de ce type, à l’image des Indignés espagnols de 2011 ou de Nuit Debout.

Par-delà les ambivalences du mouvement - mêlant références au peuple contre les élites, symboles nationaux, demandes de redistribution à l’Etat, aspirations à moraliser le système politique ou à le détruire, volonté de changer la vie et désir de revenir à la « normale » - sa combativité, sa créativité, son caractère offensif ont contribué à briser le scepticisme comme aucune mobilisation ne l’avait fait jusque-là. A travers les occupations de ronds-points, les actions de blocages festives, les assemblées générales, la construction de sociabilités populaires dans des zones où celles-ci étaient minées par la pauvreté, la politisation de larges franges de la classe ouvrière le mouvement a démontré la capacité de la lutte de classes à mettre en branle les oppressions imposées par le capitalisme pour les retourner en leur contraire.

Cette vitalité du mouvement est une des formes qu’a pris le « retour du spectre de la révolution ». Evoquant la « nouvelle sensibilité » que Herbert Marcuse décrit comme celle qui « surgit à ce moment du combat contre la violence et l’exploitation où apparaissent la revendications de types et de formes de vie nouveaux », Max Demian évoque ainsi cette dimension des gilets jaunes qui a dérouté certains militants au début du mouvement : « Celui qui prend de haut ces gens qui dansent ici depuis des jours et jours autour des ronds-points, se réunissent et bâtissent, physiquement, sur les débris du vieux monde en décomposition, avec leurs cabanes, leurs barricades, leurs chansons, leur humour, une autre forme de vie, celui qui prend de haut cette fête perpétuelle dans les ronds-points n’a pas vu que c’est ici que nait, de façon balbutiante, cette « nouvelle sensibilité » évoquée par Marcuse ».

Un « 1905 à la française ? » ? Les leçons des Gilets jaunes au mouvement ouvrier organisé

La victoire des Gilets jaunes contre le scepticisme a également permis de démontrer l’inanité des stratégies mobilisées par les directions du mouvement ouvrier lors des derniers affrontements. En décembre, ces directions ont activement contribué à empêcher la convergence de leurs bases avec les Gilets jaunes en refusant d’appeler à de véritables journées de grève et de mobilisations pour appuyer la dynamique du mouvement, et en justifiant cette attitude par le caractère trop « politique » du mouvement. Pour autant, cette stratégie traître n’a pas empêché que le mouvement infuse dans de nombreux secteurs du monde du travail.

En effet, comme le notait Juan Chingo en janvier dernier, établissant une analogie avec la révolution russe de 1905, « Les leçons partielles que l’on peut tirer du soulèvement des Gilets jaunes – à savoir ce grand mouvement spontané des secteurs les moins contaminés par la routine syndicale –, peuvent servir à redynamiser l’ensemble du monde du travail. Ce soulèvement marque un avant et un après. Il a d’ores et déjà remis en question les formes habituelles de la lutte de classe en France. Il a mis en crise les modalités de contrôle des luttes mais il a également cassé le tabou de l’intervention politique des exploités, les modalités des négociations avec le pouvoir, mettant aussi en cause les bases du pouvoir constitué, sa légitimité, son rôle central et régulateur ».

Depuis, diverses formes de « gilet-jaunisation » semblent venir confirmer cette hypothèse d’une redynamisation de l’ensemble du monde du travail. Grève du bac dans l’Éducation nationale, mobilisation record le 13 septembre à la RATP, appels à la grève illimitée, droit de retrait à la SNCF et grève surprise au technicentre de Châtillon : diverses tendances à la combativité, souvent en dehors voire contre les directions syndicales, se font jour dans différents secteurs.

Outre le mouvement ouvrier, c’est l’extrême-gauche qui a été bousculée. Bien sûr, le mouvement n’a pas suffi à lui seul à briser toutes les routines, à l’image de Lutte ouvrière qui n’aura pas dérogé à son abstentionnisme politique, en dépit de son appel du 14 novembre à « ne pas laisser le terrain à l’extrême droite ». Un attentisme qui a parfois viré au sectarisme : on se rappelle à ce titre des propos de Nathalie Artaud, porte-parole de l’organisation, affirmant lors de la campagne des européennes : « Je ne serai jamais Gilet jaune, je suis communiste révolutionnaire ». Le NPA a, lui, participé au mouvement, initiant des convergences progressistes. Mais sa capacité d’intervention dans la lutte de classes est fortement limitée par une indétermination stratégique qui caractérise le projet même de l’organisation, et qui a donné lieu à de fortes divisions en interne qui ont rendu difficile une intervention cohérente.

Néanmoins, le mouvement des Gilets jaunes pourrait permettre d’opérer des décantations stratégiques importantes pour préparer la suite. A condition cependant de ne pas s’en tenir à une vision acritique du mouvement, qui semble prévaloir dans une partie des analyses que l’on retrouve chez différents courants de la gauche autonome qui réactivent pour l’occasion les thématiques alter-mondialistes de la « révolution sans prendre le pouvoir », et de l’initiative locale comme substitut à la révolution « stato-centrée », vouée à reproduire des formes de domination.

S’il s’agit d’un travail à mi-chemin entre l’étude sociologique et l’essai politique, l’ouvrage In Girum de Laurent Jeanpierre, qui fait de la forme rond-point l’essence même du mouvement des Gilets jaunes pour tracer la perspective d’une « localisation » du politique, pourrait témoigner d’une certaine forme de fétichisation des formes du mouvement, et empêcher in fine d’en interroger les limites stratégiques. Sa théorie d’une relocalisation du politique repose par ailleurs sur une minimisation de tout un pan du mouvement – la revendication du RIC comme les montées nationales sont loin de coller à la thèse de la localisation de la politique – et tend à délier et autonomiser l’organisation sur les ronds-points de ses objectifs, pourtant explicites, à savoir la lutte frontale contre le gouvernement pour conquérir des conditions économiques dignes ainsi qu’une véritable démocratie.

De même dans l’analyse de la « politique expérientielle » que déploie le sociologue Michalis Lianos dans Lundi Matin, lorsqu’il décrit le rapport au politique qui caractérise selon-lui les Gilets jaunes et l’inscrit dans la continuité d’une dynamique initiée « sur le plan international en 1999 par les protestations lors de la conférence de l’OMC à Seattle. » Pour Lianos, chez les Gilets jaunes, la politisation vient « de cette source commune d’expérience sans intellectualisation ou médiation idéologique. Vous n’avez pas besoin de décider si le monde est juste ou injuste, si le marché libre est une bonne chose, si la faute revient à tel parti politique, si l’Europe peut ou ne peut recevoir plus de migrants (…). » Lianos voit ainsi dans les Gilets jaunes une forme supérieure de politique marquée par le refus « de trahir leur expérience de vie en la diluant dans une voie politique qui l’efface, dans des rapports de pouvoir qui la neutralisent. Il ne s’agit donc pas de réussir le rêve de l’ascension sociale en s’imposant aux autres mais de rendre les places modestes respectées, dignes, vivables. Or, dans un mouvement qui a conscience que l’unité d’expérience compte plus que la divergence des avis, cet objectif d’une vie digne ne peut s’atteindre par la suffocation de la pluralité ».

Son analyse – qui ne fait finalement que refléter la volonté du mouvement « de refouler les contradictions, son refus affiché de les gérer, qui conduit à la dénégation de sa propre dimension politique » relevée par Stathis Kouvelakis – se transforme parfois en une apologie de l’anti-politique, négligeant l’importance de la résolution de certaines contradictions pour permettre au mouvement d’avancer. Faisant de l’indétermination idéologique une vertu, Michalis Lianos néglige ainsi l’importance des batailles politiques dans le mouvement dont les composantes sont loin de se situer en dehors de toute « intellectualisation ou médiation idéologique » comme il le suggère. A l’inverse, le mouvement des Gilets jaunes a été le lieu d’une bataille constante entre diverses influences, dans les manifestations ou sur les ronds-points, entre idées d’extrême-gauche et d’extrême-droite, RIC et volonté de renverser le système, refus des syndicats et appels à la convergence. Son analyse le conduit finalement à dévaloriser l’importance des perspectives du mouvement et à minimiser le danger que celui-ci conduise – en dépit du fait qu’il n’a rien à voir avec les propositions de l’extrême-droite – à une capitalisation par le RN, lorsque l’épuisement de la révolte conduira à chercher des issues sur un autre terrain [2].

Pourtant prendre au sérieux le mouvement et les objectifs qu’il s’est donné - conquérir une vie digne, construire une véritable démocratie, mettre fin aux privilèges d’une minorité – n’implique nullement d’adopter une vision enchantée des Gilets jaunes, mais incite au contraire à s’interroger et à discuter de ses limites. Une telle démarche nous semble être la condition pour que la dynamique enclenchée par les Gilets jaunes puisse développer toutes ses potentialités

Ce qu’il a manqué

Si les deux premiers mois du mouvement ont démontré qu’il était possible de remporter des victoires contre le gouvernement sur le terrain de la lutte de classes, les dix mois suivants ont aussi souligné la difficulté à franchir un cap supplémentaire malgré la détermination, les mobilisations locales, les actions diverses et manifestations le samedi, ou encore l’exposition énorme du mouvement à une répression sans précédent.

En dépit de leur radicalité les manifestations du samedi et les diverses actions de blocage menées dans toute la France n’ont pas suffi à imposer un rapport de force à même de faire plier le gouvernement et la bourgeoisie. Face à cette difficulté, les Gilets jaunes ont peiné à discuter ensemble des perspectives et d’une stratégie pour le mouvement qui aurait exigé un niveau d’auto-organisation supérieur. Au niveau local, régional (Coordination du Grand Est) ou national (Assemblée des assemblées), les Gilets jaunes ont cherché à se doter des outils qui auraient pu permettre d’élaborer un plan de bataille commun, mais ceux-ci se sont généralement subordonnés aux assemblées locales, refusant de devenir une véritable direction du mouvement. La politique ayant horreur du vide, l’absence de véritable coordination nationale des assemblées locales, perçue comme une aliénation de leur souveraineté, aura paradoxalement été comblée par l’intervention « par en haut » des figures du mouvement, appelant ponctuellement à des montées nationales.

De même, en l’absence de dialogue national, aucune plateforme de revendications claire véritablement portée par les Gilets jaunes n’aura émergé, et les propositions du « Vrai débat » initié par Priscilla Ludosky sont restées relativement marginales malgré le nombre important de votes affichés par la plateforme. Comme le résume bien Stephen Bouquin dans Contretemps : « Le refus de se lancer dans une aventure électorale pour les européennes – piège tendu par la Macronie – reflétait une certaine intelligence stratégique « organique » au sein du mouvement. Mais l’absence d’une plateforme élaborée démocratiquement, exigeant des mesures d’urgence sur le plan social (SMIC, retraites, minimas sociaux), de justice fiscale et une démocratisation radicale d’un Etat manifestement au service d’une oligarchie financière, s’est traduit par une incapacité grandissante à maintenir le rapport de force. La contestation continuait à mettre en évidence que le pouvoir restait sourd aux attentes des Gilets jaunes, mais l’absence de plateforme et le vide stratégique quant au devenir de la mobilisation réduisait sa capacité d’imposer des reculs et d’ouvrir la perspective d’un débouché politique. Pendant que les affrontements avec des forces de l’ordre se poursuivaient de samedi en samedi, Macron a repris l’initiative. »

Finalement, une limite importante aura été que le mouvement ne s’est jamais exprimé sur le terrain des entreprises et de l’opposition capital-travail. Certains secteurs autonomes se sont empressés de voir dans cette spécificité le signe de la fin de la validité de l’hypothèse stratégique de la grève générale [3]. Or, on peut aisément expliquer ce refus de se battre sur le terrain des entreprises, noté par de nombreux observateurs, qui a constitué une des faiblesses du mouvement. S’interrogeant sur « la marginalité des revendications portant sur le rapport salarial » dans le mouvement, Stefano Palombarini y voit ainsi l’expression « d’un rapport de force à tel point favorable au capital que pour une fraction du salariat la partie, cette partie-là, celle qui l’opposait aux employeurs, est désormais jouée et perdue. ». Une expression redoublée par la composition sociale des Gilets jaunes, moins enclins à la grève comme salariés de petites entreprises du privé ou artisans, mais aussi par le refus des directions syndicales de mobiliser les bataillons concentrés de la classe ouvrière. De fait, si l’on a pu croiser de nombreux militants ouvriers et syndicalistes dans les manifestations de Gilets jaunes, ceux-ci s’y sont dilués et ne sont pas intervenus depuis leurs positions stratégiques dans l’économie, au travers de la grève. Or, à nouveau, cette situation reflète moins l’impuissance de la grève en tant que telle que la stratégie consciente des directions syndicales, dans un contexte où l’intervention de la classe ouvrière par ses méthodes de luttes aurait pu faire basculer la situation. Car si les Gilets jaunes ont montré qu’il était possible de remporter des victoires, ils ont également montré le niveau très important de rapport de forces que celles-ci, même minimes, exigeaient. Une leçon importante à la veille du 5 décembre et pour les luttes à venir.

Tirer les bilans, préparer les luttes à venir

Les Gilets jaunes marqueront l’avenir de la lutte de classe, et les bilans du mouvement doivent être tirés et médités par tous ceux qui veulent renverser le gouvernement et transformer la société. A rebours de tout spontanéisme, ou de toute analyse qui se contenterait d’une apologie du mouvement, celui-ci montre les enjeux que soulèvent l’affrontement avec gouvernement, la lutte contre les politique néolibérales, et, plus encore, la perspective d’une transformation radicale de la société.

A ce titre, et à la veille du 5 décembre, les défis que sont la lutte contre les bureaucraties syndicales, la nécessité d’accélérer les décantations du mouvement des Gilets jaunes dans le mouvement ouvrier organisé ou l’enjeu d’articuler les luttes de tous les secteurs exploités et opprimés au travers d’un programme hégémonique mettent en lumière le rôle que devrait jouer l’extrême-gauche, autant que sa faiblesse actuelle. En filigrane, ils soulignent dès lors l’urgence de construire un parti révolutionnaire pour répondre à ces tâches et préparer les futurs affrontements.

Notes :

[1] Nous appelons « restauration bourgeoise » pour désigner la période néolibérale de « contre-offensive que l’impérialisme a entamée dans toute la planète après la poussée révolutionnaire du cycle 1968-1981 et à laquelle il met un terme par une combinaison de défaites physiques et de déviations. ». Voir Les limites de la restauration bourgeoise de E. Albamonte et M. Maiello.

[2] Michalis Lianos est pourtant conscient que le mouvement des Gilets jaunes pourrait être « contenu par une alliance spontanée et implicite de toutes les forces qui craignent un changement sociopolitique important. (…) La seule voie qui restera alors ouverte sera la voie électorale où ceux qui surenchérissent en crainte ou en identité récolteront les bénéfices de l’impasse. ».

[3] A l’image de Lundi Matin qui, interrogeant Michalis Lianos, notait en décembre : « C’est tout un vocable de la gauche classique qui semble être mis à mal, la ’grève générale’ ne semble intéresser personne », et dans un article intitulé Toulouse implose affirmait que « le blocage a décidément supplanté la grève générale, la représentation cède sa place à l’organisation et le soulèvement rompt avec les codes de la manifestation. ».

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