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Les enfants nés d’une mère porteuse enfin reconnus par l'Etat civil

Gestation Pour Autrui. Les contours du débat

Marah Macna{{}} Le 3 juillet dernier, la Cour de Cassation a rendu son jugement validant la reconnaissance à l'Etat civil d'enfantsnés dans le cadre d'une Gestation Pour Autrui (GPA) à l’étranger.Un jugement qui relance un débat au cœur de multiples polémiques, de son instrumentalisation par les courants les plus réactionnaires aux questionnements profonds qu'il soulève dans les milieux féministes.

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L’intérêt supérieur de l’enfant défendu par la Cour

Cet arrêt de la Cour de Cassation provient directement d’une décision prise il y a plus d’un an par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, chargée de veiller aux respects des droits fondamentaux parmi les Etats signataires de la Convention européenne des droits de l’Homme). Celle-ci faisait suite à un recours de deux couples français concernant l’inscription à l’Etat civil de leurs enfants nés à la suite d’une GPA. En effet, l’Etat français refusait toute inscription à l’Etat civil pour ces enfants depuis la décision prise en 1991 par la Cour de Cassation - puis renforcée par la loi de bioéthique de 1994 - d’interdire toute « Maternité pour Autrui » (entendue comme tous les cas où une femme prend en charge in utero le développement d’un embryon puis remet l’enfant à la naissance aux parents « commanditaires »,qu’ils soient hétéro ou homosexuels). La Cour de Cassation, reprenant à son compte les arguments de la CEDH, en a décidé autrement vendredi dernier, en autorisant l’inscription à l’Etat civil pour répondre à l’« intérêt supérieur de l’enfant », c’est à dire permettre son accès aux droits quelle que soit la manière dont il a été conçu.

Suite au rendu de cette décision, le gouvernement, par la voix de Manuel Valls, a insisté sur le fait que ceci ne remettait pas en cause le fait que « le recours à la GPA demeure un interdit absolu en France ». Marisol Tourraine, ministre de la Santé, a repris à son compte l’argument central de la Cour, estimant que les enfants nés de la GPA ne pouvaient pas être « des fantômes de la République », tout en se disant « résolument hostile à la GPA ». Du côté de la droite radicale, les réactions ne se font évidemment pas fait attendre, Christine Boutin jugeant que désormais « il n’y a plus d’Etat de droit en France », et Jean-Fréderic Poisson, actuel président du parti chrétien-démocrate affirmant qu’il s’agissait là de « l’instauration de l’esclavage », faisant référence à la situation des mères porteuses.

D’après les chiffres, 2000 enfants seraient concernés par cette situation de vide juridique en France, conduisant à de nombreux problèmes pour accéder à leurs droits. Il nous faut bien admettre, une fois n’est pas coutume, que cette nouvelle jurisprudence émise par la Cour de Cassation, possède bien quelques côtés progressistes : en premier lieu, celui de dire que les enfants n’ont pas à être responsables des choix de leurs parents, contrairement à ce que la jurisprudence précédente avait pour conséquence ; ensuite, elle approfondit l’idée, avancée par le droit à l’IVG, selon laquelle la naissance et la filiation peuvent être des phénomènes bien moins « naturels » et beaucoup plus choisis que ce que nous apprend cette société patriarcale. Ce sont, à n’en pas douter, bien plus ces questions qui énervent et chagrinent nos politiciens français, et notamment ceux de la droite la plus radicale, prompts à nous redonner des leçons sur la « nature » plus ou moins divine mais toujours réactionnaire, bien plus que le sort des femmes dont ils prétendent s’émouvoir.

Pour ou contre la GPA ? Une question biaisée par les règles du capitalisme

Il est certain que le débat sur la GPA a agité et agite encore les milieux féministes pour de bonnes raisons. Dans une société où les femmes subissent partout dans le monde l’oppression patriarcale (que ce soit sous le visage des salaires les plus bas, des mariages forcés, de la traite des femmes, ou bien des formes de violences sexuelles et sexistes), comment penser que ce « don » de son corps puisse se passer dans des conditions respectueuses du corps et du choix des femmes ? Le cas tristement célèbre de l’Inde, où l’autorisation de la GPA conduit à une véritable exploitation de femmes poussées à faire ce choix par la misère ou par les velléités financières de leur mari (elles sont rémunérées selon le poids de l’enfant né...), au profit de couples fortunés venus des pays capitalistes centraux, est un exemple des misères engendrées par l’impérialisme.

Pour tenter de donner des réponses face à ces problèmes, certains pays ont autorisé la GPA sous plusieurs conditions, notamment l’interdiction de rémunération de la mère porteuse (mis à part les frais liés à la grossesse), et la possibilité pour celle-ci de décider du sort de l’enfant, même après la naissance (le Royaume-Uni demandant à ce que la mère porteuse donne son accord plus de six semaines après la naissance).

Une GPA totalement respectueuse du droit des femmes serait-elle donc possible ? Dans le monde d’exploitation et d’oppression que nous connaissons, nous ne nous faisons guère d’illusions. Nous ne pouvons nier les formes de pressions plus ou moins violentes vécues par des millions de femmes. Elles sont à prendre en compte dans ce débat, et ce même s’il existe certainement des cas de femmes totalement bénévoles, prêtes à aider ponctuellement un couple ne pouvant concevoir d’enfants ou ne pouvant en adopter du fait des règles contraignantes de l’adoption (être de préférence un couple marié, hétérosexuel, aisé, etc., donc répondant aux normes établies pour la parenté). Quoiqu’il en soit, tant que la misère capitaliste et l’oppression patriarcale régiront nos choix, nous ne pourrons pas faire confiance aux hypocrites donneurs de leçons, qui maintiennent in fine ces ordres dominants tout en cherchant à se présenter comme les défenseurs de la dignité humaine.


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