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Georges Floyd : La mascarade des hommages de la police américaine

Sur les réseaux sociaux, les images venus des Etats-Unis montrant de policiers qui s'agenouillent en hommage à George Floyd avoisinent celles d'une répression toujours plus brutale. Une simple histoire de bons et de mauvais flics ?

Adrien Balestrini

5 juin 2020

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Crédits : BRYAN R. SMITH / AFP VIA GETTY IMAGES, JOHN MOORE / GETTY IMAGES

Les réseaux sociaux en sont inondés. Depuis dimanche dernier, des vidéos affluent sur internet montrant des policiers poser un genou à terre pendant l’hommage à Georges Floyd aux côtés de manifestants. Plusieurs médias américains cherchent à partager leurs émotions attendries face à ces images. Le message derrière celles-ci : Chauvin et ses trois autres collègues, responsables du meurtre par asphyxie de Georges Floyd, ne seraient que des pommes pourries dans un panier sain. Pas de raison de se mobiliser contre les violences policières si le problème n’est l’affaire que de quelques individus. Attendons que les quatre policiers responsables soient coffrés et le dossier est clos. Ce serait si simple !

C’est là que commence la mascarade. Si nous nous intéressons davantage à ce qu’il se passe une fois que les caméras arrêtent de filmer, nous découvrons que ces mêmes policiers qui rendent hommage à Georges Floyd en singeant le « take a knee » n’ont pas hésité à gazer ceux avec qui ils posaient leurs genoux à terre quelques secondes plus tôt. A l’image la police de Desmoines dans l’Iowa ou encore celle de la ville de New-York.

Ce geste a été popularisé par le footballeur américain Colin Kaepernick qui, pour dénoncer les violences policières, posa en 2016 son genou à terre en plein match. Si poser un genou à terre est devenu le symbole de la lutte anti-raciste contre les violences policières, son imitation par la police ne renvoie qu’aux images atroces de Georges Floyd asphyxiant, maintenu au sol par le genou de son bourreau, Derek Chauvin.

Les bons et les mauvais manifestants : une division bien connue des mobilisations des opprimés.

Mais là vient un autre problème, selon les démocrates, les médias et tout ce que l’Amérique comporte de bien-pensance et de réaction, si des violences policières ont eu lieu pendant les manifestations, c’est qu’elles étaient remplies de pilleurs, de casseurs et de vandales (« Racailles » dirait Trump). D’un coup de baguette magique, la contradiction serait résolue. La répression n’aurait lieu que pour empêcher les mauvais manifestants de ceux qui sont « pacifiques ». Une manière de séparer le bon grain de l’ivraie. Un thème qui ne nous est pas étranger en France tant il occupait les plateaux télé et les unes des journaux bourgeois. C’est cette logique qui a irrigué d’un côté les appels au pacifisme des États démocrates qui, tout en imposant un couvre-feu strict et particulièrement répressif restreignant le droit à manifester, a lâché les flics sur ceux et celles qui se soulevaient contre les violences policières.

Le contrôle policier aux États-Unis : un héritage de l’esclavage ?

Nous l’avons déjà dit, la tentative d’amadouer les manifestants en se « prêtant au jeu » de l’hommage ne relevait que de la performance théâtrale, faisant les choux gras de la presse dominante internationale, y voyant une opportunité de redorer le blason ensanglanté de la profession, n’était qu’un coup de com’. Et nous le répétons, ce n’est pas l’affaire de quelques hommes malveillants mais bien de la police comme institution défendant l’ordre du capitalisme, dont le racisme est un pilier essentiel.

Dans un article publié sur le site The Conversation, Connie Hassett-Walker, chercheuse en sociologie et en études judiciaires, explique la filiation de la police avec le passé esclavagiste des États-Unis. En reprenant les études de Gary Potter, professeur à l’école de criminologie dans le Kentucky, elle retrace l’origine de la police américaine jusqu’aux patrouilles d’esclaves, mis en place formellement en 1704 dans les États du Sud, qui avait pour rôle de chasser, arrêter et ramener les esclaves qui fuyaient, d’imposer un terrorisme organisé pour empêcher toute révolte ainsi que de discipliner ceux qui ne respectaient pas les règles des plantations.

Après la guerre de sécession en 1865 et l’abolition « formelle » de l’esclavage dans la loi (dans la réalité, les choses étaient différentes) la même année, les patrouilles blanches esclavagistes ont évolué pour contrôler le travail dans les champs des noirs devenus des travailleurs agricoles salariés et renforcer la ségrégation mis en place par les démocrates ayant repris le contrôle du Sud à travers les lois Jim Crow. Ces dernières obstruaient l’accès des noirs à la sphère politique en interdisant le droit de vote et le droit de se présenter aux élections. Les lois Jim Crow servaient aussi à renforcer la ségrégation spatiale en délimitant les espaces publics pour les blancs et pour les noirs, comme les écoles, les bibliothèques, les restaurants etc...

Faire respecter ces règles était la fonction qu’occupait la police. Police qui jouait d’ailleurs un rôle important dans la perpétuation des lynchages des afro-descendants comme le montre l’histoire de Ell Persons qui a été lynché et assassiné le 22 mai 1917. Ce bûcheron noir de 50 ans a été accusé d’avoir violé et décapité une jeune fille de 15 ans. Quand les policiers ont obtenu des aveux de sa part après l’avoir passé à tabac, il a été capturé par une groupe de suprématistes blancs connu des autorités et amené à Memphis. Il y a été brûlé vif et démembré dans un lynchage auquel ont assisté des milliers de spectateurs dans un ambiance décrite par les journaux locaux comme « festive ». Ses restes dont sa tête et son pied ont été jetés sur Beale Street, principale artère commerçante de la ville de Memphis, pour effrayer les passants noirs.

Pas de réforme pour la police, une institution meurtrière pour les noirs et les travailleurs 

De cet affreux retour historique, nous pouvons tirer plusieurs conclusions. Premièrement, les origines de la police états-uniennes que nous avons explicitées plus haut font d’elle une institution qui puise ses racines dans le contrôle des esclaves exploités dans les plantations. Ensuite, les événements actuels, le meurtre de Georges Floyd, de Breonna Taylor ainsi que les victimes de répression dans les manifestations, confirme son rôle de maton du système capitaliste.

Au même moment où la police et la garde nationale blessent, mutilent et tuent des manifestants, Donald Trump continue ses appels à restaurer la « Loi et l’Ordre » en menaçant d’envoyer l’armée contre la population qui se soulève. De son côté, le candidat démocrate, Joe Biden, conseille aux flics de tirer dans la jambe pour immobiliser une personne, plutôt que dans une zone vitale, et déclare nécessaire des réformes de la police pour résoudre les violences policières.

Ces hésitations à attaquer durement l’institution policière et le système qu’elle défend n’ont qu’une seule conséquence, celle de légitimer le contrôle répressif de la population, de la jeunesse et des travailleurs à l’aune d’une crise économique sans précédent dont les conséquences se font déjà ressentir avec le chômage de masse aux États-Unis. Avec plusieurs dizaines de millions de nouveaux chômeurs depuis le début de la crise du Covid-19, les mobilisations anti-racistes pourraient bien se poursuivre et augmenter en radicalité. Pour se débarrasser du racisme, les réformes sur une institution raciste et meurtrière sont un vœu pieu lancé dans le vide. La lutte contre le racisme se fera en affrontement contre le capitalisme, système cannibale qui alimente l’oppression des populations noires et afro-descendantes ainsi que celle des minorités raciales, des femmes et des LGBTQI aux USA et dans d’autres pays impérialistes comme la France.


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