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CAMPAGNE ELECTORALE ILE DE FRANCE

Front de gauche : unanimisme de façade pour les régionales

Claire Manor Pierre Laurent (PC), Eric Coquerel (PG), Clémentine Autain (Ensemble), ont lancé lundi dernier la campagne de leur liste commune aux régionales en Ile de France. Tout sourire et tout humour affichés devant les caméras et un auditoire de près de 400 personnes, ils ont joué le scenario du « tous unis » vers la conquête d’un « score à deux chiffres ». Pourtant, cette liste ne s’est pas constituée sans mal et l’unité tactique au second tour n’est pas du tout garantie. Quant aux divergences de fond, elles demeurent entières.

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Une ambition déclarée malgré une unité fragile

Un accord des trois composantes du FG a été trouvé in extremis le 1er octobre, après des mois de désaccords. Principale pomme de discorde, la candidature de Pierre Laurent dont Mélenchon voit d’un mauvais œil la possible ascension, et à qui on reprochait de cumul des mandats de sénateur et de conseiller régional. Le candidat du PC a fini par se résoudre à des concessions : « Je ne cumulerai pas, je choisirai si je siège au conseil régional en fonction des résultats » a-t-il promis.
A l’ouverture du meeting d’investiture à Paris, lundi 5 octobre, les deux co-listiers de Pierre Laurent ont tenté de faire oublier ces dissensions résolues de fraîche date en recourant à l’humour. Eric Coquerel, rigolard, a filé la métaphore sportive en déclarant : « C’est comme pour une coupe du monde de rugby. Pour aller loin, il faut prendre le temps de créer la sélection. Pierre va talonner pour récupérer la balle, on va plaquer et créer des brèches ». Quant à Clémentine Autain, elle y est allée d’une forte sentence : « On a mis le temps, mais mieux vaut partir tard que finir décimés en cours de route ».

En avant, donc, mais sur quel programme ?

Un minimum de crédibilité étant ainsi en principe rétabli, il fallait, comme l’exige un lancement de campagne, galvaniser l’auditoire. Clémentine Autain engage la mobilisation en annonçant : « Oui, le score à deux chiffres est à notre portée ». Pierre Laurent lui emboîte le pas en ajoutant : « La dynamique est déjà enclenchée, nous sommes la seule liste en progrès ». Il justifie son optimisme par le score de 8% dont est créditée leur liste « nos vies d’abord » contre les 6,5% obtenus par le Front de Gauche au dernier scrutin régional de 2010.

Pierre Laurent, lorsqu’il prend la parole ne se contente pas de faire miroiter le score électoral, il met en avant leur dénominateur politique commun : « Je n’ai jamais douté qu’on arriverait à cet accord » dit-il, « je le souhaitais depuis le départ, tout le monde nous attendait pour mener le combat anti-austérité ».

Mais après cet énoncé fédérateur, les quelques éléments de programme lancés de la tribune par « le trio » ont commencé à faire apparaître des divergences.

Dans le droit fil du slogan « nos vies d’abord », la défense de « réformes de justice sociale dans une région la plus riche de France et la plus inégale » recueille un vaste consensus. Le nom de Macron est conspué par la salle et Clémentine Autain en profite pour dénoncer la « macronisation des esprits ». Prenant le relais, Coquerel vitupère contre « la course à l’échalote » à laquelle se livrent, selon lui, le ministre de l’Economie et le premier ministre avec leur discours qu’il estime digne de « la droite la plus libérale ».

Pourtant, Pierre Laurent, se montre beaucoup plus prudent vis-à-vis du gouvernement et préfère retenir les côtés positifs : Il déclare : « On nous dit qu’avec ce gouvernement rien n’est possible mais il a fallu convaincre la région et faire voter le Parlement pour mettre en œuvre le "pass unique" ». Sachant que derrière les régionales se profilent les présidentielles, il invite chacun à la responsabilité et dissimule à peine ses intentions lorsqu’il affirme : « sans unité, sans rassemblement, ces combats sont impossibles, je ne me suis jamais résolu à la désunion ».

Des stratégies différentes de conquête du pouvoir

Derrière ce programme à dimension régionale, se masquent les divergences profondes qui se creusent chaque jour davantage entre les deux partenaires historiques du Front de Gauche. Depuis les dernières municipales, les tensions ont été très vives autour de la stratégie d’alliances électorales. Un peu calmées lors des départementales, elles sont reparties de plus belle au moment des régionales et les composantes du FG se sont avérées incapables de se mettre d’accord sur une règle nationale.

Pour le PC en chute libre, la stratégie d’alliance électorale avec le PS a toujours constitué une issue pour maintenir, autant que possible, une implantation et des postes d’élus très au-delà de son influence nationale. Mettre une frontière intangible entre le FG et le PS est une contradiction difficilement acceptable. Pour Mélenchon par contre, se fixer une nette délimitation par rapport au PS lui permet de légitimer son positionnement « à la gauche de la gauche ». Il n’est que de voir la radicalité du discours – parfaitement justifié d’ailleurs – que Mélenchon a tenu hier à propos de la lutte des salariés d’Air France pour s’en convaincre. Notons d’ailleurs qu’Europe Ecologie les Verts ne figure pas dans la liste « nos vies d’abord ».

Les récentes expériences grecque et espagnole de Syriza et de Podemos n’ont fait que renforcer les tensions entre PC et PG. La question du rapport à l’Union européenne et à ses institutions européennes, qui avait pu être évitée jusque-là, se trouve directement posée. Elle révèle plus ouvertement les différences de projet politique. La direction du PCF continue d’apporter son soutien à Tsipras malgré sa capitulation devant la troïka, la trahison de ses promesses électorales, et sa transformation en promoteur actif des politiques d’austérité. Le PG, de son côté veut tirer les leçons de l’expérience Syriza et s’aligne sur le « plan B » de sortie de l’euro et des institutions européennes.

Une certitude, unité ou pas, c’est un autre rendez-vous que les travailleurs attendent

Les trois têtes de liste se sont donné rendez-vous à la Halle Georges Carpentier, dans le sud de Paris, le 4 novembre, pour un nouveau meeting, L’alliance tiendra probablement jusque-là voire un peu plus longtemps si leur ambition d’un score à deux chiffres est atteinte. Mais le plus vraisemblable est qu’il faille se désister au second tour si les 10% requis pour rester en lice ne sont pas atteints ; les dissensions feront alors très vraisemblablement leur retour en force.

Quelles que soient les tribulations du front de Gauche et de ses composantes dans les prochaines échéances et les configurations électorales qu’ils parviendront ou non à mettre en place, il ne sera pas possible de sortir de l’austérité grâce à un nouveau gouvernement sorti des urnes. Les travailleurs sont de plus en plus conscients que le capitalisme qui leur fait rendre gorge a engagé un combat mortel contre les travailleurs et leurs intérêts de classe. Les conflits violents qui agitent actuellement notre camp comme celui d’Air France, nous montrent que les enjeux pour l’avenir sont dans la lutte des classes plus que dans les urnes.


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