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Présidentielle

« Front Républicain » contre Marine Le Pen. Macron cherche à éteindre les braises sur lesquelles il a soufflé

« Moi je n’ai jamais banalisé le Front National » : à la veille des présidentielles Macron cherche à ressusciter le « Front Républicain » contre Marine Le Pen, une façon de se relancer tout en continuant à se projeter dans un hypothétique deuxième tour. Mais quoi qu’en dise Emmanuel Macron, le président sortant a largement contribué à légitimer son discours.

Nathan Deas

8 avril 2022

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L’écart avec Marine le Pen se resserre

Après avoir dicté le ton de cette campagne présidentielle en refusant tout débat et en bénéficiant de la posture de chef de guerre, Macron, même s’il reste en tête dans les sondages, traverse une période plus compliquée alors que Marine Le Pen en premier lieu, mais aussi dans une moindre mesure Jean-Luc Mélenchon connaissent une dynamique positive. Si ce dernier est largement en tête, à gauche, avec environ 17% des intentions de vote, le second tour semble promis à une redite de 2017, quoique les marges d’erreurs des instituts de sondage comme la teneur de l’abstention laissent encore planer une certaine incertitude.

A deux jours du premier tour, l’avance d’Emmanuel Macron fond comme neige au soleil. Selon le dernier sondage Elabe Opinion 2022 publié ce vendredi pour BFMTV, l’Express et SFR, le président sortant, désormais crédité de 26% d’intentions de vote, serait au coude-à coude avec la candidate d’extrême-droite, estimée à 25%.

Dans le cadre d’un hypothétique second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l’écart se réduit également, avec seulement deux points d’écart : le président sortant est à 51% et Marine Le Pen à 49% selon Elabe. Si la situation sondagière est en fait assez confuse du fait notamment des incertitudes quant à l’ampleur de l’abstention, quatre sondages parus en début de semaine plaçaient la candidate du RN entre 2 et 6,5 points en dessous d’Emmanuel Macron. Ce qui pour la première fois laisse ouverte la possibilité d’une victoire de Marine Le Pen.

Macron cherche à ressusciter le « front républicain »

Dans ce contexte, depuis plusieurs jours, Emmanuel Macron s’est employé à rediaboliser Le Pen. «  Je les combats avec force, mais je ne les banalise pas, a-t-il affirmé le 31 mars, en marge d’un déplacement à Fouras (Charente-Maritime). Collectivement, le monde politico-médiatique a changé. Il y a vingt ans, les médias disaient : “c’est terrible, front républicain, etc.” ; et les forces républicaines disaient “jamais”. Il n’y a plus cette réaction, elle n’est plus là. […] Moi, je n’ai jamais banalisé le Front national. ».

Et jeudi 7 avril, à l’occasion d’un échange avec les lecteurs du Parisien, à nouveau le chef de l’Etat a ciblé celle qui semble devoir être sa principale rivale :« le débat a complètement banalisé le discours de Marine Le Pen parce qu’elle a eu un formidable directeur de campagne, qui a été encore plus outrancier qu’elle : M. Zemmour Dans cette droite lignée, vendredi cette fois dans Le Figaro, il est monté en gamme,« elle ment aux gens », renvoyant l’extrême-droite à ses « fondamentaux », « l’antisémitisme » et la « xénophobie ».

En arrière-plan de l’opération de « diabolisation », Macron s’est attelé à tenter de ressusciter le « front républicain ». Dans cette optique, samedi, 2 avril, lors de son unique meeting, le président-candidat, qui aura besoin des voix de la droite et la gauche le 24 avril, a appelé « toutes celles et ceux, de la social-démocratie au gaullisme, en passant par les écologistes, qui ne nous ont pas encore rejoints, à le faire ». Dans le Figaro, jeudi, il persiste, vantant le rassemblement de la « sociale démocratie au gaullisme », sorte de « front républicain permanent ».
Sur ce terrain, le président-candidat aura fort à faire. Le ressort du « front républicain » est « érodé » note à juste titre le directeur de la Fondation, Jean-Jaurès, Gilles Finchestein.« Cela fait un moment que le front républicain n’est plus ce qu’il était. Il a été érodé par le haut et par le bas » poursuit-il. A peine un électeur sur trois (35%) de la France Insoumise voterait dans le cadre d’un deuxième tour Macron-Le Pen pour le candidat sortant. Les électeurs de Yannick Jadot et d’Anne Hidalgo sont eux aussi très tentés par l’abstention en cas de duel Macron/Le Pen, et un sur deux pensent choisir Macron. A droite, c’est encore pire : seulement 42 % des électeurs de Valérie Pécresse s’apprêtent à voter Macron.

Bref, Emmanuel Macron a bien compris que l’effritement du « bloc républicain » menaçait sa candidature. Mais quoi qu’il en dise, le président sortant a largement contribué à légitimer les discours de l’extrême-droite.

Le quinquennat Macron : une rampe de lancement pour l’extrême-droite

Depuis que face aux balbutiements du mouvement des Gilets Jaunes, le président candidat a choisi de déplacer les revendications sociales sur un terrain xénophobe -« Je veux aussi que nous mettions d’accord la Nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter » avait-il indiqué dans son allocution du 10 décembre 2018-, Emmanuel Macron ne s’est pas arrêté en si bon chemin et son quinquennat a foncé à droite toute.

Incapable, face à la polarisation sociale, et la multiplication des crises, sanitaire et économique, de proposer autre chose qu’un imaginaire qui sente le renfermé, le président-candidat et son entourage n’ont eu de cesse d’enchaîner les attaques et discours réactionnaires et xénophobes, généralement associés à l’extrême-droite. Lois Sécurité Gobale et Séparatisme, dissolutions autoritaires d’organisations militantes et politiques, notamment anti-racistes et antifascistes, procès en « islamo-gauchisme » et en « wokisme », surenchère sur l’ « ensauvagement », etc. ; sur le terrain sécuritaire comme idéologique, Emmanuel Macron n’a jamais manqué de sauter sur la moindre polémique lancée par la fachosphère à condition qu’elle concerne les musulmans et les libertés démocratiques.

Force est de constater enfin, que si les prétextes ont varié, des attentats islamistes à la pandémie, le tour de vis sécuritaire et l’amputation méthodique des droits fondamentaux -notamment de manifester ou de couvrir les violences policières- n’a lui jamais dévié du droit[e] chemin. Quant à savoir, si Macron a préparé le terrain à l’extrême-droite, il suffit de considérer l’importance historique de celle-ci dans les sondages pour s’en convaincre.

Une situation qui malgré les cris d’orfraie du président-candidat sur la « banalisation de l’extrême-droite » doit réveiller des sourires en coin du côté de la macronie, tant on s’est attelé à préparer depuis cinq ans le scénario d’un duel Macron-Le Pen. Et ce dès les élections européennes, en désignant la candidate d’extrême-droite comme son unique adversaire, le président sortant a contribué à maintenir l’extrême-droite au centre de l’échiquier politique et à l’installer comme une alternative possible.

En 2022 un programme sécuritaire aux accents xénophobes

De ce point de vue, 2022 ne déroge pas à la règle. En guise de programme, en sus de la guerre sociale annoncée, le président-candidat nous a contacté un programme à la fois sécuritaire et autoritaire.

Dans le détail, il faudra compter entre autres sur le terrain sécuritaire avec des investissements massifs dans la police, le président candidat entend notamment « achever le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique » et créer un corps répressif dédié pour les quartiers populaires. Pour ce qui est du terrain judiciaire le chef de l’Etat va jusqu’à proposer « une privation de droits civiques pour ceux qui s’en prennent aux dépositaires de l’opinion publique ».

Dans une interview au Figaro le président-candidat, questionné sur la montée de l’extrême-droite, explique : « on a toujours une part de responsabilité. Dans le domaine de l’immigration, les résultats sont insuffisants mais nous avons renforcé la protection des frontières et durci fortement les conditions d’entrée sur notre territoire dans un contexte où les flux ont considérablement augmenté suite à la dégradation du contexte international ». Et d’ajouter « le projet que je porte permet de renforcer la lutte contre l’immigration clandestine et de faciliter le retour vers leur pays d’origine des étrangers sans titre ». Un programme que Marine Le Pen, qu’un certain ministre de l’intérieur qualifiait encore de « trop molle » il y a peu, ne renierait pas.

Bref, loin de constituer un quelconque « barrage » à l’extrême-droite, le macronisme a contribué à la renforcer, d’une part en imposant un climat sécuritaire et réactionnaire sur lequel le RN et Zemmour ont prospéré – l’extrême-droite cumule ainsi aujourd’hui près de 35% des intentions de vote dans les derniers sondages contre 26% au premier tour des présidentielles de 2017 – d’autre part en faisant du duel Macron-Le Pen un incontournable en mettant en scène cette bipolarisation.

A quelques jours du 1er tour de la présidentielle, il nous semble décisif de ne pas laisser planer l’idée que Macron pourrait constituer une quelconque alternative face à l’extrême-droite. Lutter contre toute ambigüité sur ce plan est central pour se préparer dès maintenant à lutter contre celui qui a mené des offensives violentes, et continuera vraisemblablement à le faire, contre les ouvriers, les personnes racisées et habitants des quartiers populaires, la jeunesse, les femmes et les personnes LGBTI.

En cela, lutter contre l’extrême-droite, c’est aussi combattre Macron, ses offensives sociales et son tournant liberticide, sécuritaire et raciste. Il faut pour cela conclure, en insistant sur le fait que si le résultat du premier tour des élections sera vraisemblablement défavorable aux exploités et aux opprimés, il convient d’en éviter toute lecture unilatérale et catastrophiste. Si faute de candidature révolutionnaire issue du monde du monde du travail suffisamment audible, cela ne s’exprime pas dans ces présidentielles, le quinquennat Macron, des gilets jaunes à la loi travail en passant par BLM, a été traversé par une forte combattivité de notre classe.

C’est cela qu’il s’agira de reproduire dans la rue quel que soit le résultat du premier tour et le candidat élu. Cela implique l’indépendance vis-à-vis du régime, le refus absolu de participer à la moindre tentative de front républicain en soutien à Macron, mais aussi une bataille contre les illusions placées dans une victoire électorale qui se substituerait à l’auto-organisation et aux luttes à venir. En ce sens, nous appelons à soutenir les deux candidatures d’extrême-gauche qui, malgré leurs limites, portent une volonté de transformation sociale par en bas et de lutte sans concession contre le patronat.


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