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Crise économique

Fonderie MBF. « On veut le maintien de l’emploi » : les salariés menacent de faire exploser l’usine

Après plusieurs semaines de mobilisation contre la fermeture de leur usine et la suppression de 280 emplois, les ouvriers de la fonderie MBF dans le Jura ont installé des bouteilles de gaz et d’oxygène dans leur usine et menacé de faire sauter l’usine en cas de fermeture. Alors que les travailleurs redoutent le pire, le tribunal de commerce de Dijon doit se prononcer sur la seule offre de reprise de l’usine.

Margot Vallère

24 mai 2021

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Crédits photo : AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

La fermeture de cette fonderie située près de Dijon avait été annoncée depuis 2018 mais est en train de devenir une triste réalité pour ses 280 ouvriers qui, pour certains, y travaillaient depuis plus de trente ans. Selon Médiapart, le secteur de la fonderie pèse pour près de 14 000 emplois en France et subit une « crise sociale à bas bruit ». Fin 2020, la fonderie de Poitou avait déjà annoncé la fin de son activité, menaçant ses 292 salariés, peu après c’était le tour de la fonderie FVM en Meurthe-et-Moselle, concernant cette fois 130 salariés. Comme nous l’expliquions dans un précédent article, au début du mois de mai 2021, les salariés de la fonderie de Bretagne ont mené une grève dure contre la vente de leur usine par Renault en occupant les locaux. N’ayant pas trouvé de repreneur, l’usine risque de licencier ses 350 salariés.

Que ce soit dans le bassin lorientais ou à Saint-Claude dans le Jura, la fermeture de tels pôles industriels employant quelques centaines de personnes et faisant vivre indirectement des centaines d’autres mettrait un coup d’arrêt à la vie économique de ces lieux. Concernant Saint-Claude, la ville encaissée dans le Jura, dont le principal employeur industriel reste MBF a déjà perdu deux à trois mille habitants en dix ans, s’est vue privée de sa maternité et de son service de chirurgie ainsi que d’une ligne de TER en 2017. Une travailleuse de MBF depuis 35 ans inquiète pour son futur et celui de sa ville témoigne au micro de Médiapart : « Faudrait pas que ça ferme parce que Saint-Claude c’est foutu. Si Manzoni [ancien nom de MBF] ferme, la ville coule. »

Dans cette usine qui produit des pièces pour Renault et Peugeot, des moteurs de voiture et notamment avec une toute nouvelle presse adaptée aux moteurs hybrides. Ces presses de haute technicité sont en dernière instance menacées par les ouvriers de MBF qui, épuisés et désemparés, ont annoncé qu’ils feraient sauter l’usine si leurs revendications n’étaient pas entendues : « En tant que syndicaliste, je ne suis pas d’accord, l’intersyndicale non plus, mais on ne peut pas gérer la détresse de tout le monde, poursuit Valerio. Si l’usine ferme, ils n’auront pas les machines. Ces machines sont propres et prêtes à tourner. »

Alors que les travailleurs sont en grève depuis cinquante-quatre jours et ue l’usine est occupée, le tribunal du commerce de Dijon doit se prononcer ce mardi sur la seule offre de reprise de la fonderie. Lors de la dernière audience qui remonte à la fin du mois de mars, le tribunal avait demandé davantage de garanties au candidat à la reprise et il est probable que son offre soit rejetée. Pour les travailleurs en lutte, la menace d’un licenciement n’a jamais été aussi proche.

En plus de la grève menée par les travailleurs, quatre délégués syndicaux de l’usine s’étaient rendus à Bercy et avaient fait la grève de la faim sur le porche pour attirer l’attention de Bruno Lemaire sur leur situation. Après quatre longs jours et aucune nouvelle du ministre, les délégués dénoncent « l’immobilisme » de ce dernier et se sont résolus à retourner dans le Jura.

« Quand on ne voit pas de solution, on devient pessimiste. Après une grève si longue, on broie du noir, explique Koray, délégué SUD. Cette entreprise a soixante-dix ans et on sait qu’il y a des vautours qui attendent de pouvoir faire leur marché et de rafler nos machines. Les bonbonnes de gaz, c’est une façon de dire à ces gens qu’ils n’y comptent pas. Ceux qui ont posé les bonbonnes y mettront le feu et les machines deviendront obsolètes. »

Le 26 avril, Bruno Lemaire avait tenu une réunion à Bercy avec les principaux acteurs de la filière et annoncé la mise en place d’un fonds de cinquante millions d’euros pour « aider à la reconversion des salariés de l’ensemble du secteur automobile avec un maître-mot : l’anticipation. » Alors que la plupart des salariés de la fonderie qui approchent de la cinquantaine voire de la soixantaine entendent y « finir leur carrière », Lemaire veut « donner à la fonderie française la capacité de se réinventer et à se projeter vers l’avenir. » Un discours creux qui laisse de marbre les travailleurs de ladite fonderie. Ces derniers affirment ne pas vouloir se contenter des quelques indemnités ou d’un chèque de départ mais veulent à tout prix sauvegarder l’emploi dans leur région, pour eux comme pour les générations futures : « On ne demande pas de chèque, on veut le maintien de l’emploi ».

A bout de nerfs devant l’injustice de ce plan social et devant la fermeture très probable de leur usine, les travailleurs et les travailleuses assument être prêts à des méthodes radicales et ne laisseront pas les grands noms de l’automobile gagner, eux qui demain délocaliseront en Espagne ou dans les pays à plus faibles coûts de production toujours selon les salariés. Face à une telle situation et dans un contexte de crise économique généralisée, il est nécessaire de construire un plan de bataille à hauteur de la gravité de cette crise, avec le soutien des directions syndicales et contre le patronat qui entend bien faire payer la crise aux travailleurs et aux travailleuses.


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