×

Interview

Florent Grimaldi, CGT Renault : "Il faut coordonner nos luttes pour qu’elles fassent tâche d’huile"

Nous avons interviewé Florent Grimaldi, travailleur et militant CGT Renault, sur les dernières attaques patronales et les débuts de riposte des salariés face aux mesures de régression sociale que veut imposer le groupe Renault et ses sous-traitants.

9 avril 2021

Facebook Twitter

Crédits photo : AutoCritique, secteur automobile NPA

Propos recueillis par Vincent Duse, ouvrier ex-PSA à Stellantis Mulhouse et militant CGT

Révolution Permanente : Le 30 mars il y eut la grève très suivie chez Renault Lardy dans l’ingénierie et sur d’autres sites du groupe, avec des suppressions d’emplois dans le cadre du plan du Groupe Renault. Mais aussi dans le cadre de la mise en sous-traitance de la maintenance, peux-tu nous dire comment cela s’est organisé ? 

Florent Grimaldi : Renault a annoncé un vaste plan « d’économies » début 2020 : 2 milliards d’euros par an. Cela a même été aggravé à l’arrivée du remplaçant de C. Ghosn, L. De Meo. Cela s’est traduit par une première vague de suppression d’emplois sur notre site de Lardy qui a concerné les salariés les plus précaires dans l’ingénierie : les salariés d’entreprises sous-traitantes, qui font le même travail que les salariés Renault, et constituent jusqu’à la moitié de l’effectif. Rien que sur 2020 à Lardy, 400 d’entre eux se sont faits sortir du site du jour au lendemain, de nombreux étant licenciés ou forcés à faire une rupture conventionnelle par leur boîte.

Chez les salariés Renault, la direction a engagé un plan de départs dits « volontaires » début 2021 dont l’objectif est le départ de 20% de l’effectif de l’ingénierie en 10 mois ! Bien sûr, en pleine crise économique et sanitaire, ils n’ont trouvé que bien peu de « volontaires ». La direction a donc commencé à désigner des "volontaires" : nous avons appris par des bruits de couloir qu’elle préparait l’externalisation de la maintenance des moyens d’essais. En utilisant une disposition du code du travail qui peut imposer le transfert du contrat de travail d’un salarié à une entreprise sous-traitante, elle veut donc sortir 27 salariés de Renault sans qu’ils ne puissent rien dire : s’ils refusent, ils sont licenciés sans indemnités !

Cela a conduit tous les syndicats du site, même les plus proches de la direction, à appeler à la grève : un premier débrayage le 18 mars qui a été historique puisque, malgré le télétravail massif, nous nous sommes retrouvés 300 devant le centre pour protester contre ce projet (à Aubevoye également, un autre site de Renault, la mobilisation a été très forte). Le deuxième débrayage du 30 mars a été encore plus fort avec 330 salariés devant le centre.

Révolution Permanente : Quel est le sentiment des salariés des différents secteurs de l’usine et des catégories socio-professionnelles qui ont participé à la grève ?

Ce projet a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les salariés Renault côtoient tous les jours des salariés sous-traitants et ils savent bien dans quelle précarité professionnelle ils sont contraints de vivre : du jour au lendemain, ils peuvent voir leur mission sur un site s’arrêter, être obligés de déménager pour aller sur le site d’un autre constructeur voire même en ce moment, se faire licencier pour des motifs variés sans pouvoir se défendre collectivement car l’entreprise est plus petite et n’a pas de tradition de lutte ou de syndicat.
Se voir « transformer » en sous-traitant sans voie de sortie possible chez Renault (par une mobilité ou une formation pour changer de métier), cela provoque une énorme souffrance sociale pour les salariés directement concernés et une énorme prise de conscience pour tous : le « statut » de salarié Renault ne protège pas de la casse sociale que la direction prépare. La mobilisation collective apparaît comme la seule réponse possible face à ces menaces.

Pour bon nombre de salariés qui ont débrayé les 18 et 30 mars, c’est la première grève, la première lutte. L’ambiance n’est pas explosive mais tous sont conscients que ce qui se joue en ce moment ne concerne pas seulement les 27 salariés de la maintenance mais tous les salariés de l’ingénierie.

RP : Le site de Lardy est menacé de fermeture sans projet alternatif proposé et plus généralement sur l’ensemble du groupe Renault avec un plan de suppression d’emplois. Comment vois-tu les suites et quelles réponses des travailleurs du groupe Renault et des sous-traitants, et comment pouvez-vous avec les organisations syndicales passer à l’offensive ?

Le site de Lardy, dont l’activité est axé sur le développement des moteurs de Renault, est particulièrement menacé puisque la direction utilise la transition « écologique » des moteurs thermiques vers les moteurs électriques pour justifier des suppressions d’emplois. Cela ressemble étrangement aux arguments que Total peut utiliser pour menacer la raffinerie de Grandpuits. En réalité, les changements technologiques devraient ouvrir de nombreux travaux de recherche et développement pour un site comme Lardy (sur les batteries et leur recyclage, la pile à combustible, les moteurs hybrides, etc.). Il ne s’agit donc pas d’une rupture technologique mais d’une rupture dans la course aux profits que se livrent les constructeurs automobiles. Ils doivent investir massivement dans l’électrique sans être sûr que cela leur rapportera autant qu’avant : dans leur logique, cela veut dire qu’ils doivent accroître encore la pression sur les salariés pour dégager des milliards de bénéfices.
Du côté de Lardy, il va falloir faire monter la pression sur la direction en engageant un bras de fer sur la durée. Nous avons déjà proposé lors du débrayage du 30 mars de poursuivre la grève, au moins sur la journée. Une cinquantaine de travailleurs l’a fait et s’est constitué en groupe qui se réunit régulièrement. Notre objectif est de convaincre que la direction ne cédera que si nous arrivons à bloquer les projets qu’elle considère comme prioritaires, et cela devra passer par la grève.

RP : Aujourd’hui il y a des attaques partout dans l’automobile Renault et PSA avec la fermeture du site PSA Douvrin et bien entendu tous les sous-traitants seront également attaqués, une mobilisation de toute la filière automobile ne serait-elle pas à l’ordre du jour ? Qu’en penses-tu ?

Dans le contexte économique du secteur, dans tous les sites, usines comme centres d’ingénierie, chez tous les constructeurs et les équipementiers, les coups vont pleuvoir et il y en aura un qui sera l’étincelle de la prise de conscience et de la mobilisation, comme l’externalisation de la maintenance à Lardy et Aubevoye. Il va falloir faire converger ces luttes et les coordonner pour qu’elles fassent tâche d’huile. Il faudra alors convaincre les sites pas encore directement menacés qu’il faut engager une lutte d’ensemble de tous les travailleurs. Car aucun site ne se sauvera tout seul. L’offensive patronale est globale, il faudra construire une riposte globale.

RP : Aujourd’hui les crises sanitaire et économique vont avoir des conséquences pour l’ensemble de la classe ouvrière avec des milliers de suppressions d’emplois et de fermeture d’usines ; ne faudrait-t-il pas un vrai plan de bataille des directions syndicales pour arrêter le massacre ? Comment verrais-tu un tel plan et reprendre l’initiative partout sur le territoire ?

Oui, la situation dépasse largement le secteur automobile, ce sont tous les travailleurs qui sont concernés par les attaques. Nous voyons que les directions syndicales ne proposent pas ce plan de bataille, même à l’échelle d’un groupe comme Renault. Au contraire, elles freinent plus qu’elles ne construisent. Ce plan de bataille, il va donc falloir le construire nous, à la base. En allant soutenir les sites en lutte, comme nous l’avons fait à Lardy en soutenant la lutte des Total-Grandpuits. En coordonnant nos actions, comme tentent de le faire les militants combattifs des différents sites d’ingénierie de Renault : c’est ce qu’ont fait les syndicats CGT et SUD de l’ingénierie Renault avec un rassemblement jeudi 8 avril devant le Siège de Renault à Boulogne. En prenant des initiatives comme le font les militants de TUI qui ont déjà appelé à des manifestations contre les licenciements et les suppressions d’emplois. La tâche paraît énorme mais ce sont nos vies et celles de nos familles qui sont en jeu. Nous sommes déterminés à ne rien lâcher !


Facebook Twitter
Scandale : l'inspection du travail refuse le licenciement de Christian Porta, InVivo tente de passer en force

Scandale : l’inspection du travail refuse le licenciement de Christian Porta, InVivo tente de passer en force

Grève massive des conducteurs de bus de Montesson et Argenteuil pour les salaires

Grève massive des conducteurs de bus de Montesson et Argenteuil pour les salaires

Pour un 1er mai contre leurs guerres et l'austérité : rejoins les cortèges de Révolution Permanente !

Pour un 1er mai contre leurs guerres et l’austérité : rejoins les cortèges de Révolution Permanente !

Casse sociale chez Casino : plus de 3000 postes supprimés !

Casse sociale chez Casino : plus de 3000 postes supprimés !

Contre la répression de Siham Touazi, la CGT 95 appel à un rassemblement le 7 mai à Pontoise

Contre la répression de Siham Touazi, la CGT 95 appel à un rassemblement le 7 mai à Pontoise

Toulouse. Les ingénieurs de CS Group en grève contre le « flex office »

Toulouse. Les ingénieurs de CS Group en grève contre le « flex office »

Victoire ! L'inspection du travail refuse le licenciement d'Alexandre, délégué syndical à la Fnac

Victoire ! L’inspection du travail refuse le licenciement d’Alexandre, délégué syndical à la Fnac

Éducation : la grève du 22 avril ne peut rester isolée, il faut un plan pour élargir la lutte !

Éducation : la grève du 22 avril ne peut rester isolée, il faut un plan pour élargir la lutte !