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« Premiers de corvée »

Fernande Bagou : « pendant cette pandémie on a travaillé en risquant notre vie »

Nous avons interviewé Fernande Bagou, salarié d’Onet, en « première ligne » pendant la pandémie, qui nous raconte les risques qu’elle et ses collègues ont passés. Et cerise sur le gâteau : ils doivent encore se battre pour toucher la prime dont parle le gouvernement.

14 mai 2020

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« Pourquoi on nous a laissé mettre nos vies en péril dès le départ de la pandémie ? », voilà la question que pose Fernande Bagou, déléguée Cfdt des travailleurs d’Onet, dans cet entretien. En première ligne depuis le début de la pandémie, les travailleurs du nettoyage des gares ont assuré leurs missions essentielles sans aucune protection, mais ils restent oubliés des primes promises aux personnels mobilisés face à l’épidémie.

Samedi dernier, plusieurs centaines de lecteurs et lectrices de Révolution Permanente ont pu visionner en direct le film « Les Petites mains (in)visibles ». Ce film raconte la lutte victorieuse menée par les travailleurs d’Onet fin 2017, qui est devenu un de plus célèbres combats des secteurs précarisés de notre classe. Lors de la présentation de l’évènement, RP a pu interviewer Fernande Bagou sur les conditions de travail de ces salariés qui, avec de petits salaires et des contrats pour la plupart précaires, ont été en première ligne face à la pandémie.

RP : Il y a eu un dispositif spécial à Onet avec l’apparition du Covid-19 et le confinement ?

Fernande Bagou : Avec mes collègues, on a travaillé pendant cette pandémie comme d’habitude, mais c’était très difficile parce qu’on n’avait pas assez de trains, pas assez de bus pour se rendre au travail. De chez moi, il fallait marcher 25 minutes pour arriver à prendre le train à l’heure, parce qu’il y avait beaucoup moins de trains et de bus. Il fallait faire rapidement pour pouvoir avoir un train. Moi, j’ai trois gares à nettoyer, je dois me déplacer de gare en gare, donc ça a été vraiment très difficile. En plus, comme les gares étaient fermées, les toilettes aussi, et pendant ces huit semaines, on a eu du mal, parce qu’on n’avait même pas où faire nos besoins pendant le travail.

Etant donné que votre métier vous expose tout particulièrement, vous avez reçu l’équipement de protection nécessaire ?

FB : Dès le départ de cette pandémie, on n’a pas reçu d’équipement, on n’a pas reçu des masques ni de gants jetables, on n’avait pas non plus du gel pour laver les mains, on a travaillé en risquant notre vie. Ce qui m’étonne, est qu’à plusieurs fois on a demandé des masques et de gants, et on nous a dit que ce n’était pas nécessaire, que c’était que pour les malades et pas pour les biens portants. Mais vous savez que dans les gars il y a toute sorte de choses, il y a des gens qui viennent et touchent partout ; on devait y aller pour balayer, pour nettoyer les poubelles, et sans compter qu’on prenait aussi les transports en commun, avec tout ça on avait la trouille pour rentrer à la maison, on se demandait si quand on rentrait on n’était pas en train de ramener le virus à notre famille. Donc, pendant tout ce temps on a travaillé sans équipement de protection. C’est mercredi dernier (6 mai), qu’on a reçu le gel et le masque, donc il fallait faire soi-même son masque.

Et comment vous avez fait ?

FB : Pendant un mois et demi, il n’y avait pas de masques ni rien du tout, on était sans protection. On ne pouvait même pas acheter de masques dans les supermarchés ni dans les pharmacies, parce qu’il n’y en avait pas. Et on était obligés d’aller travailler. D’autres collègues ont travaillé sans masque. Moi, je me suis fait moi-même un masque avec une chaussette et du sopalin. J’ai coupé une chaussette et j’ai ajouté du sopalin que je changeais de temps en temps.

Comment ça se passait dans les transports pour se rendre au travail ?

FB : Il y avait très peu de transports, et, au début, il y avait très peu de personnes, mais dès la deuxième semaine, il a commencé à y avoir plus de monde, et ces derniers temps il y avait bcp de personnes dans le bus et dans le train…

A la télé on voulait faire croire que les gens des quartiers populaires prenaient les transports pour se balader…

FB : Les gens allaient au travail le matin ! Ce sont ceux qui, comme moi, étaient obligés d’aller travailler. Nous, on ne pouvait pas laisser les ordures dans les gares, avec les gens qui venait prendre le train, on ne pouvait pas laisser les gares toutes sales, ça allait faire augmenter encore la maladie, donc on était obligés d’aller au travail, mais dommage qu’on n’était pas équipés comme il fallait.

Pourquoi penses-tu qu’Onet ne vous a pas fourni l’équipement de protection nécessaire ?

FB : Onet s’est appuyé sur le gouvernement. Dès le départ, quand le gouvernement nous a dit que les masques n’étaient que pour les malades et pas pour les biens portants, Onet s’est appuyé sur ça pour nous dire que les masques ne sont que pour les malades, donc, nous, on était obligé d’aller travailler et comme ça on a mis notre vie en péril, voyez-vous, c’est ça qui me donne la rage. Nous, on est des salariés, notre travail est vraiment difficile à faire, je pense que nous sommes des ouvriers, personne ne considère notre travail ! Ce n’est pas normal qu’on nous dise que les masques ne sont que pour les malades et au dernier moment ça change, maintenant on nous dit que tout le monde doit porter les masques, si vous ne portez pas de masque vous risquez d’avoir une amende… pourquoi on nous a laissé mettre nos vies en péril dès le départ de la pandémie ? Nos vies ne sont rien ? On pouvait se prendre le virus et venir contaminer nos familles ? Quand je pense à ça, j’ai vraiment la colère.

Etant donné que vous avez travaillé pendant le confinement, vous allez recevoir la prime promise par le gouvernement ?

FB : Sur la prime, je pense que le gouvernement a cité des entreprises, les éboueurs, les infirmiers et tant d’autres, mais de ceux qui font le nettoyage dans les gares, on n’en a pas parlé. Donc, pour Onet, nous, on n’est pas concerné et là, franchement, ça me donne la colère parce que je sais que le travail que nous faisons n’est pas facile, nous sommes comme les éboueurs, c’est des poubelles qu’on vide dans les gares, on peut se prendre des microbes, le virus, donc, pourquoi nous sommes oubliés ? pourquoi la société nous oubli ? pourquoi ils ne pensent pas à nous ? C’est la question que je me pose jusqu’aujourd’hui.


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