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Le "boulet" de Macron

Face à la grève, le gouvernement décide de repousser la réforme des APL

Alors que le gouvernement joue sur le pourrissement de la lutte contre la réforme des retraites, il a annoncé jeudi dernier repousser l’entrée en vigueur de la réforme controversée des APL. Une expression de la crainte du gouvernement de voir la colère s'étendre ?

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1,2 milliards d’économies sur le dos des plus précaires : une réforme très controversée

Jeudi 26 décembre dernier, l’entrée en vigueur de la réforme des APL (aides personnalisées au logement) a une nouvelle fois été repoussée au motif avancé depuis plusieurs mois : la Cnaf (la Caisse nationale des affaires familiales) aurait besoin de plus de temps pour sa mise en œuvre. En effet, la nouvelle réforme exige de la Cnaf de reconfigurer en grande partie le mode de calcul des aides. Une « révolution » au sein de la Cnaf que le gouvernement veut mener à la hâte depuis plus d’un an au risque de se mettre à dos les acteurs concernés par la réforme, les associations et bien sûr les allocataires à peine tenus au courant des changements à venir et de qui en sera pénalisé.

Le grand changement va être le suivant. A partir du 1er avril 2020, les APL sont réévaluées chaque trimestre en prenant en compte les revenus des douze derniers mois. Auparavant, les APL ainsi que les allocations de logements familiales (ALF) et les allocations de logements sociales (ALS) étaient calculées sur la base des revenus d’il y a deux ans (année n-2). Simple sur le papier, cette réforme est techniquement complexe à mettre en œuvre parce qu’elle va reposer sur le modèle du prélèvement à la source et exiger de la Cnaf de calculer le montant de l’aide « au plus près de la situation de vie des allocataires en prenant en compte leurs ressources en temps réel ». En juillet dernier, la présidente de la Confédération nationale du logement (CNL) confiait au journal Marianne que « Demander à la Cnaf de réécrire tous ses logiciels en moins de deux mois pour pouvoir recueillir les informations et calculer les aides en temps réel, c’était une requête particulièrement osée ».

Il s’agit donc d’une réforme toute à la fois osée, bancale et risquée. Une réforme difficile à mettre en œuvre pour le gouvernement d’un point de vue technique mais aussi parce qu’il est évident qu’il s’agit d’une réforme destinée à faire des économies sur le dos des plus précaires qui ne s’assume pas comme telle. A ce titre, la directrice de l’USH (l’Union Sociale pour l’Habitat), ulcérée par le manque d’information et de communication notamment vis-à-vis des allocataires, témoignait de la situation en ces termes en juillet dernier « Dans le parc social, un nouvel allocataire sur deux est sous le seuil de pauvreté. Si ces aides baissent, ils doivent être prévenus en amont pour qu’ils puissent s’organiser tant bien que mal. Ce n’est pas la même chose d’annoncer 900 millions d’économies par an et de dire aux gens qu’ils vont perdre 10, 20, 100 ou 200 euros par mois. Quand on baisse les APL, qu’on s’attaque aux foyers les plus modestes, il faut l’assumer, pas le faire en catimini et par-dessus la jambe »

Le gouvernement a beau essayer de mettre les formes, difficile pour lui de cacher que l’objectif de cette réforme est simple : faire des économies en renforçant le contrôle sur les revenus des plus précaires, et en les rognant. Ainsi, selon des estimations obtenues par Le Canard enchaîné auprès de la Cnaf en juillet 2019, ce sont 1,2 millions de personnes qui devraient voir le montant de leurs APL baisser, sur plus de 6,5 millions de bénéficiaires. Parallèlement, 600 000 bénéficiaires perdront totalement leurs aides au logement. Dans le même temps, le second chiffre qui circule depuis quelques mois est le montant d’1,2 milliards d’euros. Un chiffre qui figure dans le projet de loi de finances 2020 et qui serait l’économie réalisée par le gouvernement grâce à cette réforme pour l’année qui vient.

Repousser la réforme pour éviter de mettre de l’huile sur le feu ?

Le 26 décembre dernier, Julien Denormandie, le ministre chargé de la ville et du développement, a indiqué, dans le communiqué ministériel, que le report devait permettre d’appliquer la réforme « avec un meilleur niveau de sécurité et de fiabilité pour les allocataires ». Il a ainsi justifié le report en insistant sur le fait que la réforme n’était nullement remise en cause mais qu’il s’agissait d’assurer aux allocataires le versement de leurs aides. Une rhétorique qui laisse songeuse quand on sait la précipitation qui a été celle du gouvernement à mettre en œuvre cette réforme, et qu’on connait le cœur du projet qui est de conduire à la suppression ou à la baisse des aides pour des centaines de milliers de personnes.

En réalité cet énième report peut être relié à la difficulté qu’a le gouvernement à avancer sur son agenda de réformes depuis l’affaire Benalla et surtout le mouvement des Gilets Jaunes qui est venu le percuter en octobre 2018. Alors que le gouvernement fait face depuis maintenant 27 jours à un mouvement de grève contre la réforme des retraites, rejetée majoritairement par la population, on peut ainsi voir dans la décision de repousser l’échéance de sa réforme une expression de la crainte de voir la colère s’étendre. Une manœuvre pour éviter d’alimenter la colère de celles et ceux qui sont aujourd’hui mobilisés, et éviter que d’autres ne les rejoignent, mais qui n’empêchera pas que la réforme des APL n’apparaisse comme un nouveau symbole des politiques anti-sociales menées par le gouvernement.

Crédits photo : Ludovic Marin/AFP


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