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1 an et demi après l'exclusion de RP

Explosion du NPA, un premier bilan

Après un week-end mouvementé à gauche, une scission a eu lieu au sein du NPA. Ayant été les premiers à se faire pousser dehors il y a un an et demi, après plus de douze ans dans ce parti, nous souhaitons apporter ici quelques éléments d'éclairage sur cet événement important au sein de l'extrême gauche.

Daniela Cobet

15 décembre 2022

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Un parti polarisé entre deux tendances de taille pratiquement équivalente qui se séparent au milieu de leur congrès et le finissent dans des salles séparées, des déclarations et des conférences de presse concurrentes annonçant chacune de son côté la légitimité de « continuer le NPA » : le scénario peut paraître un peu ubuesque. Mais il constitue le dénouement d’un long processus.

Un parti aux délimitations « inachevées » : retour sur l’histoire du NPA

Créé en 2009, le NPA avait comme projet fondateur la construction d’un parti anticapitaliste large, censé faire disparaître les barrières entre la gauche révolutionnaire et la gauche de la gauche. L’objectif : occuper l’espace laissé à la gauche d’un PS qui venait de se compromettre dans l’expérience de la gauche plurielle de Jospin, et qui avait entrainé avec lui une partie de ses alliés comme le PCF. De quoi laisser une place au courant incarné par le jeune postier Olivier Besancenot, qui venait d’arracher à deux reprises d’assez bons scores aux élections présidentielles.

Afin de s’élargir, la direction du NPA a alors renoncé à une partie considérable des délimitations stratégiques et des références idéologiques qui avaient été celles de la LCR, fondant un parti sur des bases volontairement floues. Des délimitations présentées à l’époque par certains comme « inachevées », assumant de « perdre en substance pour gagner en surface » selon une formule de Daniel Bensaïd.

Ce projet, qui a signifié un fort recul dans l’importance accordée à l’intervention dans la lutte des classes et à la centralité de la classe ouvrière, a été très vite percuté par la création du Parti de Gauche, puis du Front de gauche. Ces organisations se sont interposées entre le NPA et une grande partie du « peuple de gauche » déçu du PS auquel il avait voulu s’adresser initialement. Les effectifs du NPA ont alors fondu comme neige au soleil et, dès 2012, la moitié de la direction de l’ex-LCR scissionnait pour rejoindre la coalition de Jean-Luc Mélenchon.

Depuis, la direction du NPA refuse de tirer le bilan de cet échec et tente à tout prix de garder la main sur une organisation affaiblie et balkanisée. Sans bilan collectif du projet initial et en absence de projet pour refonder le NPA, les différentes sensibilités internes ont eu tendance à se cristalliser, voire à expérimenter de plus en plus leur propre politique là où le NPA était paralysé par les dissensions internes et la coexistence de plusieurs projets à l’intérieur d’un même parti.

Lire aussi : Lutte Ouvrière et le NPA dans le dernier cycle de lutte des classes

Comme cela fait presque une décennie que la direction historique de la LCR n’a pas réussi à obtenir une majorité absolue pour une de ses plateformes lors des congrès du NPA, l’objectif de garder la main sur le parti s’est réalisé par des méthodes de plus en plus bureaucratiques. Après 2018, elle a par exemple réussi à obtenir une « majorité de travail » au sein du comité exécutif, qui ne correspondait pas à ses résultats dans le congrès, et ne respectait donc pas le vote des militants. Cela a malheureusement été possible grâce au soutien des camarades de l’Étincelle, qui ont accepté le chantage de la direction historique sur ce point.

Une accélération de la crise du parti depuis un peu plus de 2 ans

Ce processus s’est accéléré dans la dernière phase, lorsqu’une partie de cette direction s’est embarquée dans une série de compromissions politiques avec La France insoumise, notamment lors des élections régionales. Dans deux régions, les membres de la direction ont en effet constitué des listes communes en Nouvelle Aquitaine et en Occitanie, sur la base d’un programme de conciliation de classes ouvert.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu, en 2021, le débat sur le candidat du NPA à l’élection présidentielle. La direction historique était alors divisée entre le choix de ne pas se présenter pour ne pas gêner le succès de la candidature de Mélenchon et celui de présenter un des deux camarades ayant été à la tête de ces listes, à savoir Philippe Poutou et Pauline Salingue. C’est à cela que nous avons opposé la proposition de candidature d’Anasse Kazib. Dans une lettre envoyée aux tendances de la gauche du parti nous disions à l’époque :

« Il est évident que le fait de présenter à la présidentielle un des camarades porte-parole des listes communes avec La France Insoumise (LFI) c’est déjà en grande partie un choix d’orientation et de profil pour les prochaines années. D’autant plus que le choix unilatéral de l’ancienne majorité d’imposer au parti ces listes constitue une politique de compromission avec la gauche institutionnelle qui remet en cause même les délimitations déjà insuffisantes qui étaient celles du NPA à sa fondation, à savoir une indépendance ferme à l’égard de la gauche dite sociale-libérale, c’est à dire le Parti Socialiste (PS) et Europe Ecologie - Les Verts (EELV). L’ancienne majorité s’est engagée dans un tournant politique majeur, probablement sans retour en arrière possible. »

Ce qui s’est passé lors des élections législatives, où le NPA n’a jamais fait de la présence du PS et de EELV dans la Nupes un obstacle pour intégrer cette coalition, dont il est resté à l’extérieur du fait du refus de LFI de lui offrir les circonscriptions qu’il demandait, nous aura donné raison, de même que la récente explosion du NPA. Car comme l’ont exprimé très clairement les porte-paroles du NPA issu de la plateforme B (Olivier Besancenot, Philippe Poutou, Christine Poupin et Pauline Salingue) dans leur conférence de presse dimanche, l’objectif central de ce qu’ils appellent par euphémisme une « séparation » est de « se rendre disponibles » vis-à-vis de la Nupes et en particulier de LFI.

L’échec de la plateforme B à obtenir une majorité à l’origine d’un triste spectacle

La brutalité de cette « séparation » s’explique par l’échec de leur courant lors du Congrès. Après avoir exclu les militants de Révolution Permanente, leur projet était de profiter de cette échéance pour exclure l’ensemble des autres courants oppositionnels. Mais ils n’ont pas réussi à arracher la majorité absolue qui leur aurait permis d’imposer cette politique par un vote, n’obtenant que 48,5% des suffrages malgré le recours à de très nombreuses procurations (environ un tiers selon les membres de la plateforme C).

C’est ce qui explique la nécessité de faire un coup de théâtre. D’abord, en se servant des médias et notamment d’une interview de Philippe Poutou sur BFM TV vendredi soir, pour court-circuiter le Congrès. Ensuite, en quittant la salle samedi après-midi avant que tout vote ait pu avoir lieu, pour le finir dans une autre salle, en se proclamant les seuls militants légitimes à incarner une suite du NPA et en s’accaparant l’essentiel des ressources communes du parti (journal, site internet, réseaux sociaux) pour tenter d’imposer leur récit. Le cynisme des porte-paroles justifiant cette manœuvre dans une conférence de presse, petit sourire aux lèvres, au nom du « droit à la séparation pour tout être humain », ou en évoquant des « raisons psychologiques » ne fait qu’aggraver les choses.

Il s’agit d’un véritable coup de force, inadmissible, et nous ne pouvons à ce titre qu’être solidaires de l’ensemble des militants ayant voté pour la plateforme C dans le but de tenter d’éviter la liquidation du NPA au profit d’alliances avec le néo-réformisme. Un projet qui vise à ancrer toujours plus le centre de gravité du NPA vers les institutions, au détriment de l’intervention dans la lutte des classes. Cependant, la scission étant désormais irréversible, nous souhaitons en même temps entamer un dialogue avec ces camarades sur la nécessité de tirer un réel bilan de l’expérience du NPA et sur les limites de la politique imprimée par la direction des principaux courants qui ont impulsé cette plateforme, l’Étincelle et Anticapitalisme et Révolution.

L’explosion du NPA marque l’heure des bilans

Tout d’abord, nous espérons sincèrement que les camarades auront compris, même si c’est au terme d’une expérience difficile, qu’il y a plusieurs façons d’exclure un ou des courants et qu’en général ceux qui excluent ne le reconnaissent pas. Ceci est important lorsqu’on sait à quel point ces mêmes camarades ont relativisé, voire nié l’exclusion de Révolution Permanente, en croyant peut-être pouvoir se sauver individuellement en se tenant à distance de « la plus méchante des tendances ».

Dans la lettre citée plus haut, nous disions à ce propos, un peu avant notre exclusion :

« Nous ne pouvons que regretter (...) votre refus d’adopter dans certains comités des motions, même minimales, s’opposant à notre exclusion. Cela témoigne de notre point de vue d’une certaine adaptation à la pression que tente d’exercer l’ancienne majorité dans le sens de nous ostraciser, voire de nous exclure, et à une tentation de vous situer comme une sorte de “bloc du centre”, équidistant dans les faits des “deux démons” que représenteraient l’ancienne majorité et Révolution Permanente. Au-delà même du fait qu’après notre départ, votre propre exclusion ne serait qu’une question de temps, il nous semble que nous sommes devant la possibilité de constituer, ensemble et malgré nos divergences, un bloc pour défaire l’orientation de l’ancienne majorité et pour imposer une candidature révolutionnaire et lutte de classe à la présidentielle. »

Là aussi le temps nous aura donné raison, non seulement sur le fait que notre exclusion préparait celle des autres tendances de gauche, mais aussi sur le fait qu’aucun gage donné à la direction n’allait être suffisant pour inverser le cours des choses. Malgré le choix des initiateurs de la plateforme C, et de l’Étincelle en particulier, de ne pas s’opposer frontalement à notre exclusion puis de soutenir la candidature menée par Philippe Poutou, ils font aujourd’hui l’objet de la même offensive que RP.

Nous avons, de notre côté, tout fait pour tenter d’éviter ce scénario, en allant jusqu’à proposer de retirer la candidature d’Anasse au profit d’une candidature unitaire des courants de la gauche du parti. Nous disions notamment, toujours dans la même lettre :

« Tout en étant convaincus qu’Anasse, en tant que jeune ouvrier combatif et racisé et une des principales figures qui ont émergé de la lutte de classes des dernières années, est probablement le meilleur camarade pour incarner cette orientation, nous restons ouverts à discuter de toute autre proposition de nom de camarade avec un profil semblable ou comparable, et à porter alors cette candidature.

Mais cela impliquerait de votre part la reconnaissance qu’il ne pourrait y avoir de candidature consensuelle de tout le NPA. L’ancienne majorité a déjà été en partie contrainte de dire qu’elle veut un candidat du NPA (ce qui ne veut pas toute une partie de ses militants et dirigeants), mais elle n’acceptera jamais un candidat qui ne soit pas issu de ses rangs. En réalité, leurs pré-candidats sont de fait déjà désignés. En campagne en ce moment même en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, ils s’appellent Philippe Poutou et Pauline Salingue, ce qui implique que quels que soient les discussions et les textes adoptés avant l’été, si c’est une de ces candidatures qui est adoptée, elle portera le signe du rapprochement (une “ouverture”, diraient les camarades de l’ancienne majorité) à l’égard de LFI et d’une rupture sur la droite avec les délimitations, même insuffisantes, du NPA vis-à-vis de la gauche institutionnelle. Une telle candidature, qui non par hasard serait incarnée par des camarades parmi les plus scissionnistes du NPA, serait un outil vers la construction d’autre chose que le NPA, en tout cas dans ses définitions actuelles. C’est la vraie menace qui pèse sur l’avenir du NPA, plutôt que la pré-candidature d’Anasse.

Faire croire que la politique des législatives était une rupture avec la campagne Poutou à la présidentielle, voire faire de cette dernière une espèce de socle commun à l’ensemble du NPA qui démontrerait qu’il n’y a pas de désaccords qui justifient la scission c’est tout simplement se voiler la face. Or on touche ici à une limite sérieuse de la politique de la direction de la plateforme C : le refus de tirer le moindre bilan, en niant tout échec du projet du NPA et en embellissant le contenu de la campagne Poutou.

« Continuer le NPA ? » Vraiment ?

Ici on touche au problème central de la plateforme C, dont nous voyions déjà le risque au moment de notre départ : la tentation, au nom de la défense de l’outil NPA contre ceux qui veulent le liquider, de passer à une défense du status quo. Ou dit autrement d’opérer un glissement de la gauche vers le centre, en réduisant de plus en plus le combat contre la politique de la direction historique à l’idée de « continuer le NPA » tel qu’il est, pour reprendre le titre de la motion soumise au vote des assemblées générales de congrès.

Une telle orientation conduit non seulement à refuser tout bilan sérieux du NPA, mais aussi à minimiser de fait les désaccords avec la plateforme B, allant jusqu’à dire, comme l’a fait Gaël Quirante dans une de ses interventions publiée sur ses réseaux sociaux, que la scission « n’a pas de bases politiques ». Or, même si les méthodes sont affreuses, la scission a bel et bien une base politique, celle de « rester disponibles » à l’égard de LFI, c’est à dire de rompre avec la politique de construction d’une organisation révolutionnaire, délimitée de la gauche institutionnelle, qui se prépare à intervenir dans les principaux événements de la lutte des classes et les phénomènes politiques à venir. A l’image de ceux qui ont marqué les dernières années en France, des grèves et mobilisations contre la loi travail en 2016 à la grande grève contre la réforme des retraites en 2019, en passant par le mouvement des gilets jaunes ou les mobilisations antiracistes, féministes et écologistes qui ont mobilisé une partie importante de la jeunesse.

Lire aussi : Bases politiques d’une nouvelle organisation révolutionnaire

Pour cela, les révolutionnaires n’ont aucun intérêt à mettre sous le tapis les désaccords stratégiques qui traversent le NPA depuis des années. Plutôt que de continuer le NPA, il devrait s’agir aujourd’hui de le dépasser dans le cadre d’un combat plus global pour la refondation d’une extrême-gauche révolutionnaire à la hauteur des enjeux de la situation politique et de la lutte de classes, qui puisse constituer une véritable alternative au néo-réformisme de LFI et à la recomposition de la gauche institutionnelle permise par la Nupes.

A notre petite échelle, nous essaierons d’apporter une petite pierre à cet édifice le week-end prochain, au travers de la fondation d’une nouvelle organisation révolutionnaire autour de Révolution Permanente. Une organisation dont nous espérons qu’elle pourra offrir un cadre militant à de nombreux camarades, et qui restera disponible au débat et à des collaborations pratiques avec les courants et les militants de la plateforme C du NPA.


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