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Sommet de l'UE

Europe forteresse : l’UE acte un durcissement des contrôles aux frontières et de la traque des migrants

Ces 9 et 10 février se tenait un sommet de l’Union européenne à Bruxelles. Sur la question migratoire, les 27 ont pris une série de mesures sécuritaires et xénophobes afin de rendre les frontières de l’Europe toujours plus impénétrables, tout en facilitant le système de traquage et d’expulsion des migrants.

Léo Stella

13 février 2023

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Le sommet de l’UE, qui s’est déroulé les 9 et 10 février, marque un nouveau tournant de l’Europe-forteresse. Les principaux axes de discussion indiquent les grandes lignes du pacte européen sur les migrations qui devrait être discuté et voté en 2024. Derrière la reprise de la logique du « bon migrant » et du « mauvais migrant », l’UE s’apprête à passer un nouveau cap dans les offensives racistes et sécuritaires avec une politique migratoire toujours plus meurtrière.

Drones, tour de guets, murs aux frontières… la surenchère sécuritaire des 27

Alors que rien que la semaine dernière, douze migrants perdaient la vie en tentant de rejoindre l’Europe, les 27 avec Ursula Von Leyen en tête ont proposé une série de mesures plus mortifères les unes que les autres. Celles-ci tournent autour de trois grands axes : renforcer les frontières, durcir le pistage des migrants, et simplifier et accélérer les expulsions.

Le premier point qui a été le plus « urgent » pour les 27 a été la question des frontières et de leur renforcement. En effet, comme on peut le lire dans un article de TV5 Monde, l’UE, dans sa déclaration finale, appelle la Commission européenne à « financer des mesures qui contribuent directement au contrôle des frontières extérieures de l’UE » et à « immédiatement mobiliser des fonds européens substantiels et des moyens pour aider les Etats membres à renforcer les capacités et les infrastructures de protection des frontières, les moyens de surveillance, notamment aérienne, et les équipements ».

Cette annonce s’accompagne de plusieurs mesures. La première vise un renforcement de la police privée de l’Europe, Frontex, notamment sur la route des Balkans, un des principaux trajets pour atteindre l’Europe que l’UE compte sécuriser et bloquer. Frontex, qui dispose déjà de moyens militaires importants pour jouer son rôle de garde-frontière (radars thermiques, satellites, caméras à vision nocturne, etc...) va être de nouveau renforcé par de nouveaux équipements, notamment grâce à des entreprises européennes comme Thalès.

Cela signifie un renforcement des moyens des policiers de Frontex mais surtout une amélioration des outils de surveillance, notamment avec des drones de dernière technologies fournis par l’UE. Durant le sommet, les 27 ont réaffirmé leur soutien à Frontex en décrivant l’agence comme une arme essentielle de l’UE dans sa politique migratoire, tout en couvrant au passage ses méthodes meurtrières. La violence des pratiques Frontex ont en effet déjà été mises en lumière, notamment lors de l’expulsion illégale aux frontières de 40 000 personnes durant le confinement avec la technique du « pushback » causant ainsi la mort de plusieurs centaines migrants.

Le deuxième point qui caractérise cette offensive est la mise en place de murs et de clôtures aux frontières de l’UE. Si commission européenne préfère le terme flou d’« infrastructure » pour éviter d’éventuelles polémiques, elle encourage déjà les pays à renforcer par eux même leurs frontières, mais aussi à en construire avec des fonds de l’UE. Le journal espagnol El Pais évoque même « deux projets pilotes, en Bulgarie et en Roumanie aux frontières avec la Turquie, qui combineront des financements européens, bilatéraux et nationaux afin d’examiner les éléments pour améliorer la gestion des frontières. ».

Ces projets en Bulgarie et Roumanie vont ainsi allonger les 2.000 km de clôtures qui traversent déjà 13% des frontières externes de l’UE, de la France à la Grèce. Ce saut sécuritaire va multiplier les meurtres policiers aux frontière comme ce fut le cas àMellila ou en Hongrie, mais aussi ceux des camps de misère aux frontière comme c’est déjà le cas à Calais.

Enfin le dernier point dans le renforcement des frontières mis en avant par la commission a été d’accentuer les accords internationaux afin de « prévenir » les départs. Là encore l’UE ne fait qu’accentuer sa politique répressive qui cause la mort de milliers de personnes chaque année en faisant des accords avec des pays frontaliers ou se trouvant sur le passage de migrants. Cette politique, conclue avec la Turquie ou encore la Libye, a causé de nombreux morts, que ce soit par la sauvagerie des gardes côtes Libyens ou par la « sécurisation » des voies de passages par la police, ce qui force les migrants à utiliser des voies plus dangereuses. Les 27 prévoient d’étendre ce genre d’accords avec des pays comme l’Égypte et la Tunisie, quitte à utiliser des leviers commerciaux pour les faire accepter.

« Assurer le retour effectif des migrants irréguliers est essentiel »

En même temps que l’UE prévoit un renforcement des frontières pour empêcher la libre circulation des migrants, elle met en place un système pour mieux traquer et expulser ces derniers.

Le sommet a en effet mis l’accent sur le renforcement d’Eurodac, et sur une meilleure « coopération » entre les États pour toujours mieux traquer les migrants. Eurodac est un système biométrique mis en place en 2003 qui permet l’identification de toute personne entrant dans l’espace Schengen, afin de pouvoir identifier le pays d’entrée dans l’UE, seul pays dans lequel ces personnes auront droit de faire une demande d’asile. Le but de la coopération des pays de l’UE est donc de faire équipe pour mieux traquer, interpeller les migrants, les envoyer dans les pays d’entrée pour ensuite les expulser. Cette coopération nauséabonde est particulièrement dynamique chez les dirigeants européens, comme le montre la création d’une police commune entre la France et l’Allemagne pour surveiller et réprimer les migrants qui traverseraient leur frontière commune.

La continuité de cette politique est de systématiser et accélérer les expulsions. Pour cela, l’UE demande à tous ses membres de faire des efforts, à l’image des propos tenu par Ursula Von Leyer dans une lettre envoyée aux 27 fin janvier : « Des mesures rapides qui sont nécessaires pour garantir des retours effectifs de l’Union européenne vers les pays d’origine en utilisant comme levier toutes les politiques, tous les instruments et tous les outils pertinents de l’UE ». Là encore l’UE n’hésitera pas à utiliser des pressions économiques pour obliger des pays comme l’Afghanistan ou le Pakistan à accepter les expulsions et les renvois des migrants dans des charters.

Ce sommet aura montré que l’impérialisme européen a décidé de passer à la vitesse supérieure dans sa politique migratoire raciste et xénophobe. Pour justifier cela, la Commission européenne utilise la vieille rhétorique selon laquelle, face une immigration « incontrôlable », il faudrait une migration légale indexée sur les besoins de main d’œuvre dans les métiers les plus difficiles et les plus précaires, tout en menant une véritable traque aux migrants réussissant à passer la forteresse. Les pays de l’UE sont évidemment invités à aller dans le même sens au niveau national.

C’est ce que fait déjà le gouvernement français avec sa loi Immigration. Cette loi veut modeler l’immigration selon les besoins du patronat avec la création du titre de séjour « métiers en tension », tout en poursuivant et accentuant sa chasse aux migrants. Un projet xénophobe qui repose sur la même rhétorique que celle déployée au sommet européen. Face à ces attaques, seule une mobilisation d’ampleur de notre camp social pourra faire reculer le gouvernement.

Pour cela, en pleine bataille des retraites, la lutte contre les attaques racistes du gouvernement doit être prise à bras le corps par le mouvement ouvrier. En ce sens, il est fondamental de profiter de la mobilisation actuelle contre la réforme des retraites pour poser la question du refus de la Loi Immigration, mais aussi de la régularisation massive des sans-papiers, et de la liberté de circulation et d’installation.


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