×

Une crise historique

Etats-Unis. Un couvre-feu dans plus de 40 villes, un dispositif répressif inédit depuis 1968

Après cinq nuits d'émeutes aux États-Unis suite à la mort de Georges Floyd, c'est un tournant répressif, avec déploiement de la garde nationale, et un couvre-feu dans plus de 40 villes du pays : du jamais vu depuis l'assassinat de Marthin Luther King en 1968.

Olive Ruton

1er juin 2020

Facebook Twitter

Crédit Photo : Jason Lee/The Sun News, via Associated Press

Depuis le 25 mai dernier et la mort de Georges Floyd - tué par le policier qui le maintenait au sol, un genou sur sa nuque, alors que celui-ci répétait, agonisant, qu’il n’arrivait pas à respirer – les États-Unis sont secoués par un immense vent de révolte. Les manifestations de colère et les émeutes contre ce crime policier et le racisme structurel ont commencé le soir même à Minneapolis. Elles se sont depuis étendues à l’entièreté du pays, avec une violence dont les images de manifestations, de pillages, de destruction de voitures de police, ou encore d’incendies ont fait le tour du monde.

Un durcissement de la répression après cinq nuits de révolte

Après cinq nuits de révoltes, et leur extension à l’ensemble des États-Unis, la répression policière jusque là organisée localement a connu ce dimanche soir un durcissement important, dans un contexte de polarisation important entre le camp des manifestants et celui du président Trump.

Le durcissement et l’organisation de la répression ont été mis en place avec l’objectif de freiner l’extension des manifestations sur tout le territoire. Aux appels à l’ordre du président Trump sur Twitter, et sa promesse de « stopper la violence collective », a répondu le déploiement de la garde nationale dans 15 États ainsi qu’à Washington. Un déploiement des forces armées qui est allé de pair avec l’établissement de couvres-feu dans une quarantaine de grandes villes de Californie, de Floride, de l’Ohio, mais aussi à Atlanta, Chicago, Dallas, ou encore une fois Washington, qui a été l’épicentre des tensions ce dimanche soir.

Malgré ces mesures, les manifestations et autres formes de contestations ont continué dans le pays pour une sixième nuit, notamment à Washington, épicentre des tensions ce dimanche soir. Alors que le couvre feu avait été décrété de 23h à 6h du matin, les manifestants étaient nombreux aux abords de la Maison Blanche jusqu’à tard dans la soirée et ont été repoussés par les « forces de l’ordre », au moyen de gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc.

L’ampleur de la répression se traduit également par le nombre d’arrestations dans le pays. Selon l’Associated Press, Elles étaient en 5 jours au nombre de 1.383. Aujourd’hui, après la sixième nuit de révoltes, le même organisme en compte 4.440. Et au-delà même des associations, la déclaration de Donald Trump annonçant vouloir faire officiellement du mouvement antifasciste une organisation terroriste annonce un potentiel décuplement de la répression en conséquence de ce statut.

Un niveau de répression historique : un nombre de couvre-feu jamais vu depuis 1968

Un tel déploiement de couvre-feu dans le pays est historique. La dernière fois qu’autant de villes avaient été concernées, c’était en 1968 suite à l’assassinat de Martin Luther King, grande figure du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis. A l’époque, le contexte était de plus agité par de nombreuses violences racistes de policiers, auxquelles des vagues d’émeutes et de colères avaient répondu, réprimées dans le sang, occasionnant des centaines de morts et de blessés en particulier durant l’année 1967. Les manifestations et émeutes violentes suite au 4 avril 1968 avaient ainsi été réprimées et stoppées par des couvre-feu déclarés dans dans les grandes villes du pays.

Et si le couvre-feu est utiliser pour réprimer et mettre fin à ces révoltes massives contre le racisme en particulier de la police lorsqu’elles surviennent, un déploiement de ce dispositif à une telle échelle est donc inédit depuis avril 1968. Une année au contexte remarquablement tendu, à échelle mondiale avec de grandes grèves, et particulièrement aux États-Unis secoués notamment par les opposition à la guerre menée au Vietnam, et aux luttes pour les droits civiques.

La situation d’aujourd’hui, avec ce niveau d’affrontements, de colère, de tension et l’intensité du dispositif répressif qui y répond, est une fois aussi à la hauteur de la crise qui traverse la situation politique. Aux États-Unis, la pandémie de coronavirus a dépassé la barre des 100.000 morts, et on y compte désormais plus de 40 millions de chômeurs. Ce sont les conséquences immédiates et brutale de la violente crise qui frappe le pays, qui plus est en pleine année électorale. Et au cœur de cette crise se trouvent les population noires, les plus touchées. Ainsi, alors qu’elles ne représentent que 13% de la population totale des États-Unis, les population afro-américaines représentent 23% des décès du Covid-19 dans le pays, de même qu’elles sont les plus fortement touchées par le chômage.

C’est dans ce contexte explosif, de crise sociale, sanitaire et économique, qu’est survenu le meurtre de Georges Floyd, lui-même ayant perdu son travail récemment. Ainsi, la tension très forte qui tend les États-Unis, est exprimée notamment du coté de la Maison Blanche par la déferlante de tweet de Donald Trump, qui nourrit la nourrit, attisant la colère, dans le sens de son fameux message censuré par la plateforme : « Si les pillages commencent, les tirs commencent ».

Sa récente déclaration visant à faire entrer officiellement le mouvement antifasciste au rang des organisation terroristes, mais aussi la répression visée que subissent les journalistes, dans un moment où la circulation des images secoue le monde entier, montrent elles aussi une certaine fébrilité et l’inquiétude du pouvoir américain. Car, si les révoltes sont parties du meurtre de Georges Floyd et de la lutte pour la vérité et la justice pour ce crime, c’est bien au delà que vont les manifestations et luttes aujourd’hui. C’est contre un racisme structurel et historique, mais aussi contre un gouvernement profondément réactionnaire, qui a fait payer aux classes populaires la crise du Coronavirus, que les manifestations continuent de sévir dans tout le pays malgré le déploiement de cet arsenal répressif.


Facebook Twitter
Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Attaque contre l'Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Attaque contre l’Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Etats-Unis. A l'université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s'intensifie

Etats-Unis. A l’université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s’intensifie

28 salariés de Google licenciés pour avoir dénoncé le génocide en Palestine

28 salariés de Google licenciés pour avoir dénoncé le génocide en Palestine

Veto à l'adhésion de la Palestine à l'ONU, ou l'hypocrisie des Etats-Unis sur les « deux États »

Veto à l’adhésion de la Palestine à l’ONU, ou l’hypocrisie des Etats-Unis sur les « deux États »

Argentine : Les sénateurs augmentent leurs salaires de 170% en pleine crise économique

Argentine : Les sénateurs augmentent leurs salaires de 170% en pleine crise économique

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d'Israël

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d’Israël