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Premier débat télévisé entre les candidats à la Maison Blanche

Etats-Unis. Coup d’envoi de la primaire républicaine

Les candidats aux élections primaires qui désigneront le représentant du Parti Républicain pour les prochaines présidentielles se sont affrontés ce jeudi soir lors du premier débat à la Quicken Loans arena, à Cleveland, dans l'Ohio. Les dix candidats les mieux placés dans les sondages sur dix-sept ont ainsi débattu, jouant la carte de la surenchère réactionnaire et sécuritaire sur des sujets aussi divers que les droits des femmes, l'immigration, la politique étrangère, la surveillance de masse et l'avenir du système de sécurité sociale. Aucun candidat n'a pris l'ascendant, mais tous ont cherché à mettre en avant leurs qualités les plus conservatrices.

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Ivan Matewan

Le débat, qui a débuté à 21h sur la très conservatrice Fox News Channel, a accueilli dix des candidats les mieux placés dans les sondages : le milliardaire Donald Trump, Jeb Bush (le frère cadet de l’ancien président Georges W. Bush), le gouverneur anti-syndicats du Wisconsin Scott Walker, le sénateur libertaire de droite du Kentucky Rand Paul, le sénateur de la Floride Marco Rubio, l’ancien gouverneur évangéliste de l’Arkansas Mike Huckabee, le sénateur du Texas Ted Crus, le gouverneur du New Jersey Chris Christie, le neurochirurgien Ben Carson et le gouverneur relativement modéré de l’Ohio John Kasich.

Les droits des femmes et des LGBT : la surenchère réactionnaire

Le débat s’est ouvert d’emblée sur la question des droits des femmes. Lorsque la modératrice Megyn Kelly a interrogé Trump sur son record des commentaires misogynes et désobligeants à l’égard des femmes, ce dernier a répliqué en insultant une ex-présentatrice progressiste Rosie O’Donnell et s’en ait pris à Kelly elle-même pour avoir osé poser une telle question. Trump a ainsi expliqué que « le grand problème de ce pays est le politiquement correct » et qu’il « n’a franchement pas le temps pour le politiquement correct. » Ses commentaires ont récolté une tonnerre d’applaudissements de la part du public.

L’avortement et les droits à la procréation ont également eu leur part au débat... les candidats s’efforçant alors de se montrer plus conservateurs les uns que les autres. Certains sont allés jusqu’à s’opposer à l’avortement même dans les cas où la vie de la mère est en danger. D’autres ont attaqué le Planning Familial, affirmant que l’organisation qui assure ces services de santé pour près de trois millions de femmes et d’enfants dans le pays, vendrait les organes de fœtus avortés « comme des pièces détachées automobiles ». Axe de la campagne : couper les subventions publiques pour ces centres de santé.

Les candidats ont par ailleurs fièrement affiché leurs couleurs anti-LGBT. Seul Kasich de l’Ohio a affirmé son soutien pour la récente décision de la Cour suprême concernant la légalisation du mariage pour tous à l’échelle nationale. Huckabee, quant à lui, a critiqué de manière éhontée la décision qui a été prise de mettre un terme à la politique homophobe « don’t ask don’t tell », politique discriminatoire mis en place au sein de l’armée et invitant les personnes LGBT à taire leurs orientation sexuelle, ou de payer pour les chirurgies transgenre. « L’armée vise à tuer des gens et à détruire des choses. Ce n’est pas une expérimentation sociale » s’est exclamé le candidat.

Une passe d’armes sur l’immigration et la surveillance

Les candidats ont ensuite abordé d’autres sujets comme l’immigration, la surveillance de masse et l’avenir de la Sécurité sociale.

Bush et Rubio, fils de deux immigrés cubains, ont pris des positions relativement modérées sur la question de l’immigration. Qualifiant l’immigration clandestine d’« acte d’amour », ils ont tous deux appelé à mettre en place « un chemin vers la citoyenneté » pour les millions de sans-papiers actuellement habitant le pays. Pour sa part, Trump persiste et signe : il a clamé ouvertement que les immigrés mexicains étaient tous des violeurs et des criminels et que le gouvernement mexicain les envoyait activement vers le nord pour s’en débarrasser. Walker, quant à lui, a expliqué pourquoi il ne soutenait plus un chemin vers la citoyenneté et prônait désormais l’expulsion.

Sur d’autres questions de politique nationale, des divisions sont progressivement apparues entre les candidats. Un vif échange a eu lieu entre Paul et Christie, lequel a mis en scène deux positions contradictoires sur la sécurité nationale et le droit à la vie privée qui coexistent au sein du Parti républicain. Les uns se méfient du gouvernement fédéral et souhaitent mettre fin à la collecte à tort et à travers des données de communication, alors que les autres se servent de la « menace du radicalisme islamiste » pour la justifier. Interrogés sur l’avenir de la sécurité sociale, les candidats se sont également montrés divisés, certains prônant la relève de l’âge légal du départ à la retraite et une baisse des pensions, d’autres qualifiant de telles mesures de « vol ».

Un esprit va-t-en-guerre généralisé

Les candidats ont fortement critiqué l’actuel président Obama et sa politique étrangère. Ils l’ont décrit comme un commandant en chef timoré qui mettrait le pays en danger. Le récent accord sur l’Iran a été sévèrement critiqué car Obama « aurait négocié depuis une position de faiblesse. » Mais les discours belliqueux ne se sont pas arrêtés là. Si Carson a reconnu que les États-Unis étaient affaiblis sur le plan militaire après une décennie d’intervention au Moyen Orient, il a tout de même critiqué Obama pour ne pas avoir employé la force armée contre la Syrie ou avoir interdit la torture.

Tous étaient, néanmoins, d’accord pour dire que Daesh était la principale menace des intérêts de l’impérialisme nord-américain au Moyen Orient. Paul est allé jusqu’à dire que le gouvernement états-unien était en fait responsable de la naissance de l’Etat islamique avant de revenir sur ce qu’il a dit sous la pression d’autres candidats et des modérateurs. Se présentant comme un candidat sérieux au poste de commandant en chef, Cruz a affirmé qu’il emploierait la force nécessaire pour en finir avec « l’islam radical » en moins de 90 jours sans détailler davantage.

Les problèmes des travailleurs, des jeunes et des femmes ignorés

Les candidats ont savamment évité d’aborder un certain nombre de sujets, pourtant sur la devant de la scène nationale ces derniers mois. Ils n’ont pas mentionné le changement climatique une seule fois, malgré l’annonce du président Obama concernant son nouveau programme pour l’énergie propre, ni débattu de la question des inégalités sociales croissantes tandis que la lutte pour les 15 dollars a récemment été porté à une nouvelle échelle et remporté une nouvelle victoire dans l’Etat du New York.

Par ailleurs, les candidats ont totalement occulté le mouvement #BlackLivesMatter. Les modérateurs ont certes posé une seule question sur le ciblage des jeunes Noirs par des policiers blancs agressifs, mais Walker a rapidement détourné l’attention, mettant l’accent sur la nécessité de mieux former les officiers de police et celle, encore plus grande, de protéger ces derniers ! Quand les candidats en ont parlé ces dernières semaines, c’était uniquement pour critiquer ou rejeter le mouvement, témoignant d’un mépris total pour les graves problèmes de racisme structurel qui existent toujours dans le pays.

La surprise est venue de Trump qui a, malgré lui, mis le système politique à nu, en révélant ouvertement sa manie de jouer et de manipuler les lois du pays, notamment en matière de faillite, pour s’enrichir et acheté des politiciens : “Il y a deux mois, j’étais toujours homme d’affaires. Je donne à tout le monde, quand ils appellent, je donne. Et quand, vous savez quoi, j’ai besoin de quelque chose d’eux, deux, trois ans après, je les appelle et ils sont là pour moi...”

Aucun des dix candidats ne s’est vraiment illustré, ni imposé dans les débats. Des candidats comme Cruz, Walker et Carson ont lutté pour le temps d’antenne et leur présence était plus un témoignage qu’autre chose. Les performances de Trump et de Bush étaient assez médiocres, alors que Rubio a marqué plus de points que prévu.

Ce qui est clair, néanmoins, c’est que tous les candidats s’efforcent de plaire à la base plus conservatrice du parti dans un contexte de polarisation politique grandissante. Lors d’une scène finale, comble de l’ironie, la plupart des candidats ont souligné le besoin d’unir le pays... après avoir craché du racisme, du sexisme, de l’homophobie et du discours anti-travailleurs pendant près de deux ans. Aucune solution progressiste pour les problèmes auxquels les travailleurs, les Noirs et Latinos, les femmes et les LGBT ou la jeunesse font face aux Etats-Unis est possible sur une telle base.


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