×

Exposition « Mexique 1900-1950 » au Grand Palais

Entre Staline et Trotsky : les peintres mexicains à la croisée des chemins

Du 5 octobre 2016 au 23 janvier 2017, se tient au Grand Palais une exposition sur « Diego Rivera, Frida Kahlo, Jose Clemente Orozco et les avant-gardes ». Ces artistes se réclamant de la révolution, ainsi que David Alfaro Siqueiros, qui tenta d’assassiner Trotsky en mai 1940, ont eu avec ce dernier des rapports passionnés et conflictuels, lors de son séjour forcé au Mexique. C’est aussi au Mexique que Trotsky rédigea, avec André Breton et Rivera, le « Manifeste du Surréalisme » (1938), qu’il ne signa cependant pas. Celui-ci affirme : « L’indépendance de l’art – pour la révolution. La révolution – pour la libération définitive de l’art ». Grosz

Facebook Twitter

L’indépendance du Mexique

Formellement indépendant depuis 1821, fortement endetté, le Mexique fut occupé par la France sous Napoléon III, de 1862 à 1867. Ce dernier imposa l’empire éphémère de Maximilien de Habsbourg, fusillé le 19 juin 1867. De 1910 à 1920, la « Révolution mexicaine » vit s’affronter diverses fractions armées dont celle d’Emiliano Zapata (1), de Pancho Villa (2) et aboutit en 1917 à une nouvelle constitution très anticléricale et à l’élection de Carranzo (3) à la présidence. Ce dernier fut renversé en 1920 par Obregón (4) qui deviendra président, mais sera assassiné en 1928 par un « cristero », fanatique catholique. En 1928 est fondé le PNR (Parti National Révolutionnaire) qui deviendra le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) en 1946 et restera au pouvoir jusqu’en 2000.

Les peintres mexicains au cœur des bouleversements politiques

« Les 3 grands » : Rivera, Orozco, Siqueiros, répondent, en 1921, à l’appel du ministre de l’éducation publique qui lance le « mouvement muraliste », avec le soutien du « syndicat des peintres, sculpteurs et graveurs révolutionnaires ». Il s’agit d’éduquer à la révolution mexicaine la population, souvent illettrée, par de grandes fresques murales publiques, et de mettre en avant l’action des ouvriers et paysans qui l’ont accomplie.

Diego Rivera

La rivière Juchitán 1953-1955

Formé à l’académie de San Carlos, grâce à une bourse, il poursuit ses études en Europe. Il y restera 15 ans (Italie, Espagne, Belgique, France). En 1921, il rentre au Mexique où il épousera, en 1929, une jeune étudiante : Frida Kahlo. Entre temps, en 1927, il s’était rendu à Moscou pour le 10ème anniversaire de la révolution d’octobre et avait été expulsé pour « activités antisoviétiques ». Rentré à Mexico, il avait été exclu du parti communiste mexicain. A partir de janvier 1937, Rivera accueille Trotsky, exilé politique traqué par Staline et Béria, dans la maison natale de Frida Kahlo. La liaison de celle-ci avec Trotsky entraîne une brouille entre les deux hommes et Trotsky doit quitter le domicile de Rivera. Le 24 mai 1940 : 1ère tentative manquée d’assassinat de Trotsky par le peintre Siqueiros et des tueurs armés, sur commande de Staline. Rivera est soupçonné et fuit en Californie. Le 21 août 1940 : Trotsky est assassiné par le tueur stalinien Ramon Mercader, alias Jacques Mornard. La maison de Rivera est fouillée. Il fait alors venir Frida en Californie. Retourné à Mexico, il y décédera le 24 novembre 1957.

Orozco

Indiennes (1947)

Admirateur de la statuaire antique, Orozco est mandaté par le gouvernement fédéral pour créer les décors de l’École Nationale Préparatoire (ENP – Lycée national qui prépare au baccalauréat). Muraliste dès le début des années 20, il considère que « l’art est un savoir au service de l’émotion ». Il peindra des fresques aux USA, notamment une fresque de Prométhée en Californie. Il rentrera ensuite au Mexique où il réalisera 53 fresques à l’hospice Cabañas de Guadalajara, classé au patrimoine de l’humanité de l’Unesco en 1997.

Siqueiros

Notre image actuelle (1947)

Siqueiros est le plus jeune du trio des muralistes. Il s’emploie, à travers sa peinture, à « exalter les forces vives des travailleurs ». Contraint de s’exiler en Argentine, il y expérimente une nouvelle matière, la pyroxyline, qui donne un aspect particulièrement brillant aux couleurs. Il part ensuite combattre en Espagne aux côtés des républicains espagnols où il sera pris en charge idéologiquement par les agents de Staline. Il rentre au Mexique en 1939 et peint « Le portrait de la bourgeoisie » sur les murs et le plafond de la Maison du syndicat des électriciens. Le 24 mai 1940, Siqueiros dirige en personne l’assaut armé de Coyoacán contre Trotsky, sa femme Natalia et Seva, son petit-fils. Ceux-ci échappent à la tuerie, contrairement à Robert Harte, militant du SWP américain, faisant office de garde du corps de Trotsky et dont le rôle exact est controversé.

Frida Kahlo

Les deux Frida (1939)

Militante communiste et féministe, défendant l’émancipation des femmes mexicaines, Frida Kahlo revendiqua toute sa vie sa bisexualité. Mariée 2 fois à Diego Rivera et maîtresse de Trotsky, elle eut une vie extrêmement tourmentée, tant sur le plan physique (poliomyélite, vertèbres brisées dans un accident de bus, fausses couches, amputation d’une jambe,) que politique.

Une question reste sans réponse : que signifie son autoportrait sous celui de Staline, peint en 1954 juste avant sa mort ?

Autoportrait avec Staline (1954)

Notes :

  •  Emiliano Zapata Salazar : Un des principaux acteurs de la « Révolution mexicaine » de 1910 contre le président Porfirio Diaz, puis de la guerre civile.
  •  Jose Doroteo Arango Aránbula dit Pancho Villa : Hors la loi mexicain devenu général de l’armée fédérale
  •  Carranza Garza : Président du Mexique de 1917 à 1920.
  •  Àlvaro Obregón Salido : Président du Mexique de 1920 à 1924

  • Facebook Twitter
    Servir la révolution par les moyens de l'art. Il était une fois la FIARI

    Servir la révolution par les moyens de l’art. Il était une fois la FIARI

    Flic, schmitt ou condé ? Ne pas se tromper

    Flic, schmitt ou condé ? Ne pas se tromper

    Chasse aux sorcières : Fayard retire des ventes « Le nettoyage ethnique de la Palestine » d'Ilan Pappé

    Chasse aux sorcières : Fayard retire des ventes « Le nettoyage ethnique de la Palestine » d’Ilan Pappé

    « Le monde réel est Harkonnen » : Dune 2, blockbuster anticolonial ?

    « Le monde réel est Harkonnen » : Dune 2, blockbuster anticolonial ?


    « Pauvres créatures » : un conte philosophique ambigu sur l'émancipation féministe

    « Pauvres créatures » : un conte philosophique ambigu sur l’émancipation féministe

    La poupée et la bête : tragédie et amour dans le dernier film de Bertrand Bonello

    La poupée et la bête : tragédie et amour dans le dernier film de Bertrand Bonello

    CCCP : rock alternatif et « fin des idéologies » en Italie

    CCCP : rock alternatif et « fin des idéologies » en Italie

    A la Berlinale, le soutien de cinéastes à la Palestine s'exprime malgré la répression d'État

    A la Berlinale, le soutien de cinéastes à la Palestine s’exprime malgré la répression d’État