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Répression

« En GAV, on est traité comme un animal » : témoignage d’une lycéenne arrêtée le 1er mai

« Jusqu’à 16h30 vous attrapez ce que vous pouvez, on ramène tout le monde au commissariat. Faites selon les têtes ». Le 1er mai, Anaïs, lycéenne toulousaine est arrêtée en partant de la manifestation. Nous relayons son témoignage dans le cadre de la campagne contre la répression lancée par Le Poing Levé.

Le Poing Levé

24 mai 2023

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« En GAV, on est traité comme un animal » : témoignage d'une lycéenne arrêtée le 1er mai

Dorian M

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de la campagne anti-répression menée par le collectif jeune de Révolution Permanente, Le Poing Levé. Pour y participer également et témoigner, vous pouvez remplir ce formulaire.

Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter et nous dire si avant ton arrestation, tu t’étais déjà mobilisée ?

Je m’appelle Anaïs, je suis lycéenne, en seconde, j’ai 16 ans. Je me suis mobilisée contre la réforme des retraites mais pas seulement. Avec d’autres lycéens, on a porté d’autres revendications : contre Parcoursup, le SNU et la précarité. J’avais déjà manifesté mais c’est la première fois que je me suis faite embarquée.

Le Poing Levé : Peux-tu nous raconter comment s’est passée ton arrestation ?

J’ai été interpellée le 1er mai, vers 14 heures, alors que je n’étais plus dans la manif. Cependant j’étais à côté d’une barricade en feu et j’avais une capuche. Normal il pleuvait ! Deux officiers de la BAC m’ont alors arrêtée. Lors de mon arrestation, je me suis faite insulter de « cagette ». Je ne savais même pas ce que ça voulait dire... Ils ont aussi dit : « Là t’arrête de cracher sur la France quand on te chope ! ». Quand ils m’ont passé les menottes je leur ai dit que ça me faisait mal. Ils m’ont répondu : « Va falloir t’y habituer parce que tu vas en GAV. ». Tout le long, ils n’ont pas arrêté de me rabaisser.

Je ne comprenais pas parce que je n’avais rien à me reprocher. Je n’étais même plus dans la manif, je rentrais chez moi ! Sur le moment je n’ai pas eu de réactions, car je ne comprenais pas. J’ai réalisé seulement quand j’étais dans ma petite cellule.

Le Poing Levé : Comment s’est passée ta GAV ?

D’abord, j’ai subi 5 fouilles au corps. Ensuite on m’a demandé de me déshabiller devant tout le monde. On m’a dit clairement : « Il y a des caméras, j’espère que ça ne va pas te déranger » alors que j’enlevais ma brassière sous mon T-shirt. Après ça, les policiers ont continué à me rabaisser en me disant : « Si j’étais là à ton âge, en sortant je me prendrais deux claques ». C’est à ce moment que j’ai compris qu’on est réellement traité comme un animal en GAV. L’un des exemples outre les insultes, c’était les moments des repas où on me jetait les repas sur le matelas, sans rien me dire.

J’ai vu mon avocate à 16 heures. Comme je suis mineure, elle m’a expliqué qu’elle était obligée d’être avec moi pendant l’audition. Mais elle a ajouté que les policiers pouvaient s’arranger pour faire mon audition quand elle n’était pas là. C’est ce qu’il s’est passé. Ils ont fait exprès que mon audition ait lieu à 23 heures, alors que je suis arrivée à 14 heures… Donc j’ai eu un avocat commis d’office, qui m’a aussi rabaissé. Il m’a dit la même chose que les flics : « Si j’étais là à ton âge… ». J’ai gardé le silence et refusé de signer le procès-verbal. Je m’attendais à avoir du soutien de la part de mon avocat, je pensais qu’on allait parler d’humain à humain. En sortant de l’audition, je l’ai entendu discuter avec le policier : « Tu connais pas la meilleure ? Elle était à la manif avec sa mère ! ». Et ils ont rigolé. Je suis sortie au bout de 22 heures de GAV.

Le Poing Levé : Est-ce que cela a changé ton rapport à la police ?

Je sais que la répression policière est très présente. On en a entendu parler. Avant je pensais que les policiers étaient forcés de faire ce qu’ils font, que quelqu’un leur donnait des ordres. Quand j’ai été emmenée en GAV, je les ai entendus dire au talkie-walkie : « Attrapez quelqu’un, n’importe qui, qu’on puisse rentrer au commissariat » ou « Jusqu’à 16h30 vous attrapez ce que vous pouvez, on ramène tout le monde au commissariat. Faites selon les têtes. » Les policiers disaient ça entre eux ! C’est là que j’ai compris qu’ils voulaient juste remplir les camions ! On était des objets, des trophées. Sur le moment c’était pas facile, mais ça m’a pas traumatisé. Je pense que si tu es pas préparé, si c’est ta première manif, ça peut te dégoûter. J’ai été rabaissée plus bas que terre. Mais ils ont fait pire avec d’autres.

Le Poing Levé : Est-ce que tu vas continuer à te mobiliser ?

Je vais continuer à me mobiliser, retourner en manif, dès le 6 juin. Ce n’est pas parce que je suis allée en GAV que je vais arrêter. Je sais que le but des policiers c’est de nous démoraliser mais c’est contre-productif. Je ne me suis pas sentie dégoûtée des manifestations, au contraire.

Après ma GAV, je n’étais pas en colère, juste déçue. Déçue de voir qu’ils pouvaient s’en prendre aux plus jeunes comme moi, même si je savais que la répression était possible. Je pense que la violence des manifestants existe à cause de la violence des policiers et la violence de l’État. C’est totalement injuste qu’on s’en prenne à des manifestants qui se défendent, qui disent « Stop on en a marre » de votre réforme et de ce que vous nous proposez, mais j’ai bien compris que la justice ne touche pas l’institution policière.

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