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Pas de négociations !

En Belgique, les travailleurs paralysent l’économie ce mercredi

Mercredi 13 février, la Belgique a été paralysée par une grève générale, à l’appel d’un front uni de syndicats, la CSC (chrétien), la FGTB (socialiste), et la CGSLB (libéral). Cette mobilisation répond à l’échec des négociations avec le patronat au sujet de l’augmentation des salaires pour 2019 et 2020.

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Les patrons souhaitent en effet une augmentation des salaires d’à peine 0,8%, dans le cadre de la loi de 1996, là où les syndicats exigent une augmentation générale d’au moins 1,5%.

Les patrons belges ne sont pourtant pas à plaindre. Depuis 2016, ils bénéficient d’une “tax shift”, soit une diminution majeure de leurs charges sociales, équivalent à 3 milliards et demi d’euros ; évidemment, ce cadeau du gouvernement n’a pas profité aux travailleurs, qui n’ont pas vu leurs salaires augmenter...

Les patrons, eux, en ont profité : en 2017, les 5000 entreprises belges les plus importantes ont vu leur chiffre d’affaire grimper de 10% et leurs bénéfices de 5%. Selon LaLibre.be, leur chiffre d’affaire s’est élevé à 675 milliards d’euros en 2017, soit 9,8% de plus qu’en 2016, et leur bénéfice total à 24,2 milliards, soit 5% de plus que l’année précédente.

“Il est dès lors grand temps de montrer qui fait tourner ce pays et son économie. Il est temps que chacun se rende compte de ce qui se passe lorsque les travailleurs décident que trop, c’est trop et que cette situation ne peut plus durer”, pouvait-on lire dans un communiqué de la CSC.

Une grève très suivie

La grève a été extrêmement suivie et a touché tous les secteurs ; dans les transports, dans les entreprises, dans les hôpitaux, dans les postes, la paralysie était presque totale dans tout le pays.

La société nationale des chemins de fer belges a fait circuler un train sur deux, en raison du service minimum ayant récemment été mis en place dans le pays.
Dans les entreprises métallurgiques et textiles, c’est “du jamais-vu”, selon William van Erdegehem, président du syndicat CSC. Six cent entreprises ont été bloquées et le taux de grévistes a atteint des chiffres records.
L’espace aérien a quant à lui été totalement paralysé : aucun avion n’a circulé pendant toute la journée de grève, en raison de la forte mobilisation des travailleurs de ce secteur.
On dénombrait une centaine de piquets de grève dans la capitale.

Au fond, cette mobilisation dépasse largement la question de l’augmentation des salaires. En France comme en Belgique, les raisons de la colère sont les mêmes : vie chère, injustice fiscale, précarité ou chômage (le taux de chômage dans la jeunesse était par exemple de 12,8% en Flandre, et de 29% en Wallonie en 2017).

La réponse du gouvernement Michel ? Encore plus de précarité. Sa formule « Jobs, jobs, jobs » reflète en réalité une volonté du gouvernement de généraliser les contrats courts et précaires, ce qui ne fait que détourner la question du chômage au profit du patronat.

Face à la politique du gouvernement Michel, le syndicat FGTB réclame une réforme profonde de la nouvelle loi salariale, une augmentation du salaire minimum à 14€/heure ou 2300€/mois, une pension de retraite au minimum de 1500€ net, une pension correspondante à 75% du salaire moyen du travailleur, le relèvement des allocations de 10% au-dessus du seuil de pauvreté, l’égalité salariale « À travail égal, salaire égal ! ». Il revendique également un renforcement des services publics qui ont été volontairement dégradés par les gouvernements successifs, ainsi que des prix raisonnables pour les biens et services essentiels (eaux, gaz, électricité).

La négociation est-elle possible ?

Après le succès de cette journée de mobilisation, les syndicats se disent prêts à renégocier. Marie-Hélène Ska, secrétaire nationale de la CSC, a déclaré : "Nous allons nous remettre autour d’une table en espérant que cette fois, les employeurs ne témoigneront pas de mépris à l’égard des travailleurs. On espère qu’ils comprendront qu’on ne peut pas vivre simplement en ayant une succession de contrats à durée déterminée, ou avec des temps partiels de 20 heures par semaine et que vivre, c’est autre chose que de n’avoir assez que pour payer les factures à la fin du mois, sans pouvoir faire de projets".

Rien n’est moins sûr. Les patrons belges sont catégoriques : il n’est pas question d’autant augmenter les salaires. Pieter Timmermans, administrateur délégué de la fédération des entreprises de Belgique (FEB), explique en effet qu’ils ont “déjà fait des propositions pour qu’il y ait plus de pouvoir d’achat. Maintenant, les coûts raisonnables pour les entreprises, c’est ça : c’est dans cet espace-là qu’il faut trouver les solutions. On a mis des chèques repas sur la table, des interventions train-tram-bus et autres".

Voilà qui va ravir les travailleurs qui luttent pour vivre dignement : les patrons, grands seigneurs, leurs concèdent des chèques-repas !

Dans un communiqué, le Premier ministre appelle quant à lui les partenaires sociaux à rediscuter, et montre explicitement quels intérêts il sert : "Syndicats et patronat doivent regagner la table des négociations, a écrit Charles Michel. La grève ne résoud rien. Je tiens à remercier tous ceux qui travaillent aujourd’hui".
Pour le moment, aucune date de reprise des négociations n’a été arrêtée.

La Belgique en pleine crise politique

Cette grève intervient à quelques mois des élections, alors que le pays traverse une importante crise politique depuis décembre 2017. Déjà affaibli depuis le départ théâtralisé du gouvernement des nationalistes flamands du N-VA, le gouvernement Michel subit un nouveau coup de pression et peine à canaliser la colère sociale qui grandit dans le pays. Le gouvernement fragilisé n’a aucune réponse pertinente à apporter au mouvement social, stimulé par le mouvement des Gilets Jaunes qui s’est notamment étendu en Wallonie, avant les prochaines élections.

De leurs côtés, le Vlaams belang et la N-VA y répondent en jouant sur la peur et la xénophobie. Pas de vote utile donc, entre des partis qui se partagent le pouvoir depuis des années et qui tous ont mené des politiques austéritaires, et d’autres qui, face à la colère, s’en prennent aux migrants et aux classes populaires.

Loin des manœuvres électoralistes, cette première journée victorieuse doit marquer une offensive contre le gouvernement et le patronat belge qui veut encore plus de réformes pour toujours plus de bénéfices. Pour cela, une seule journée ne suffira pas : pour établir un rapport de force en leur faveur, tous les travailleurs doivent s’emparer de ce combat, et déborder cette première journée.


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