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Inflation

« Don’t Pay UK » : campagne massive au Royaume-Uni pour le refus de payer ses factures de gaz et d’électricité

D’après les estimations, le coût moyen du gaz et de l’électricité au Royaume-Uni devrait augmenter de 250% en un an. Lancée en juin, la campagne « Don’t Pay UK », qui appelle les britanniques à refuser massivement de payer leurs factures à partir du 1er octobre, rassemble aujourd’hui 108 000 soutiens, mettant le gouvernement en état d’alerte.

Jorge Remacha

18 août 2022

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Crédits photo : Compte Twitter @dontpayuk

Au moins 108 000 personnes ont rejoint la campagne « Don’t Pay UK », qui appelle à ne pas payer ses factures de gaz et d’électricité, et plus de 100 000 signataires devraient rejoindre le mouvement dans les prochaines semaines. La hausse exponentielle de ces dépenses, liée à l’inflation, à la guerre en Ukraine et au maintien des profits des entreprises de l’énergie, force déjà des millions de personnes à choisir entre se nourrir ou se chauffer l’hiver prochain.

Le coût annuel des factures de gaz et d’électricité devrait passer de 1400 livres en octobre 2021 (après une première hausse pendant la pandémie) à 3358 livres (4000 euros) en octobre 2022. Bien que la campagne ne compte que 108 000 participant-e-s sur le million attendu, elle inquiète déjà le gouvernement par sa diffusion rapide et sa popularité. Dans son style paternaliste et menaçant habituel, le gouvernement britannique a qualifié la campagne de « profondément irresponsable », arguant qu’elle « ne fera qu’augmenter davantage les prix de l’énergie, tout en affectant la cote personnelle de crédit de ses participants ».

Des déclarations dans la droite ligne de l’arrogance que Boris Johnson (actuellement en vacances, avant son départ prévu du gouvernement, le 5 septembre) avait déjà manifestée face à la succession et à la multiplication des grèves cet été au Royaume-Uni. Mais, comme le souligne la campagne elle-même « le non-paiement massif n’est pas une pratique nouvelle, elle a déjà été expérimentée à la fin des années 80 et 90, lorsque plus de 17 millions de personnes ont refusé de payer la Poll Tax, ce qui a contraint le gouvernement à démissionner et à annuler certaines de ses mesures les plus dures ».

L’épisode auquel il est fait référence est celui du refus massif du paiement de la « Poll Tax » (taxe par capitation) et aux « Poll Tax riots », émeutes londoniennes les plus importantes de la seconde moitié du XXème siècle, au cours desquelles 100 000 personnes ont manifesté. Cet impôt locatif direct facturait la même somme à chaque individu, indépendamment de ses revenus. Le gouvernement que ces émeutes ont fait tomber n’était autre que celui de Margaret Thatcher.

« L’été du mécontentement » : grèves contre l’inflation

Inspiré du style répressif et antisyndical de Margaret Thatcher, le gouvernement Johnson fait face, cet été, à des mobilisations que la presse britannique compare déjà à celles l’époque.

En Grande Bretagne, les grèves dans l’industrie, les chemins de fer, le transport aérien, les télécommunications se sont multipliées cet été, en réponse à la crise inflationniste. Au Royaume-Uni, l’inflation a en effet atteint les 10%, son taux le plus élevé depuis 40 ans, provoquant une hausse généralisée des prix.

Dans les transports, plus de 50 000 cheminots se sont mis en grève pendant trois jours à l’appel du syndicat RMT et du personnel du métro du Londres. Ce sont également 1900 travailleurs portuaires qui pourraient participer à la première grève du port de Felixstowe, principal port de commerce du Royaume Uni, dont la date n’a pas encore été votée.

Du côté de la poste, ce sont 96,7% des 115 000 membres du Syndicat des Travailleurs des Communications (CWU) qui ont dit « oui » à ce qui devrait être la grève estivale la plus massive du pays, prévue pour les 26 et 31 août et les 8 et 9 septembre.

Fort de près d’un demi-million d’adhérent-e-s, le principal syndicat des travailleuses et travailleurs de la santé d’Angleterre et du Pays de Galles a lancé le processus de vote d’une grève pour le mois prochain. Le syndicat réclame une augmentation des salaires de 5% de plus que le taux d’inflation (11,8% en juin) soit une augmentation de 16,8%.

De son côté, le gouvernement britannique, en plus des menaces à l’encontre des participants au mouvement « Don’t Pay UK », vient d’abroger la loi qui interdisait aux entreprises d’avoir recours au travail temporaire pour briser les grèves.

À ce changement de la loi, qui s’appliquera aussi en Écosse et au Pays de Galles, s’ajoute un durcissement de la répression à l’encontre des syndicats qui seraient jugés coupables de « grève illégale ». Les amendes qu’ils encourent ont quadruplé, passant de 250 000 à un million de livres.

Vers un nouvel « hiver du mécontentement »

Des hausses de prix similaires sont attendues dans toute l’Europe, laissant entrevoir la perspective d’un hiver au cours duquel des millions de personnes devront se priver de gaz ou d’électricité. En Allemagne, le gouvernement a annoncé des hausses des prix de l’énergie à partir du 1er octobre, ce qui pourrait représenter un surcoût de 1000€ par an et par foyer. Dans l’État espagnol, pendant l’hiver 2021-2022, certains foyers ont déjà vu leur facture énergétique multipliée par cinq.

Dans ce contexte, des campagnes comme « Don’t Pay UK » peuvent devenir un point d’appui dans la lutte pour imposer un contrôle des prix qui aille au-delà des miettes proposées par les Etats et leurs gouvernements. Un contrôle des prix qui soit impulsé par le biais de comités de travailleurs et de consommateurs, sur toutes les chaînes de production de produits essentiels, de la production à la distribution de ces produits. À ces revendications, il faudrait ajouter la lutte pour une hausse générale des salaires, avec une véritable indexation sur le coût de la vie, pour que ce ne soit plus aux travailleuses et travailleurs de payer la crise, mais bien à ceux qui la nourrissent et en tirent profit.

De la même façon, il nous faut lutter pour la nationalisation, sans indemnités, des grandes entreprises d’électricité et de services publics, sous la gestion et l’administration des travailleurs, et sous le contrôle des usagers. Ce mode de gestion rendrait possible de garantir un accès gratuit à l’énergie, ou de proposer des bas tarifs pour les personnes qui ne peuvent se permette de payer leurs factures.


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