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Contre-réforme des retraites

Deuxième rencontre Interpro IDF : "ni négociations sectorielles, ni clause du grand-père, on veut le retrait"

Des pas en avant vers une coordination des différents secteurs en grève, notamment agents RATP, SNCF et enseignants en région parisienne pour que la grève appartienne réellement aux grévistes.

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Crédit photos : O Phil des Contrastes.

Le discours du premier ministre Edouard Philippe, au-delà de ses aspects de coup de Com’ et de petites pseudo-concessions, laisse au moins une chose en clair : le gouvernement n’entend rien céder sur l’essentiel et est prêt à une lutte dure et de longue halène s’il le faut. C’est la certitude de la centaine de participants à la deuxième rencontre interpro d’Île de France ce mercredi, en présence de nombreux dépôts, attachements, gares et établissements RATP, SNCF et de l’éducation, pour les plus représentatifs.

Il s’agit d’un cadre qui a été précédé et préparé par les rencontres RATP-SNCF et qui vise non seulement la coordination de différents secteurs en grève contre l’attaque sur les retraites du gouvernement. Pour les participants l’objectif est de construire un cadre d’auto-organisation avec des représentants des différentes assemblées locales afin que les grévistes soient maîtres des destinées du mouvement et ainsi éviter que ce soient les bureaucraties syndicales qui décident ou négocient à leur place.

Beaucoup d’interventions au cours de la réunion allaient en ce sens. Ainsi, Anasse Kazib, cheminot du Bourget, venu mandaté par l’AG interservices de Paris Nord, déclarait : « si nous on s’organise à la base, qui va nous dire de rentrer chez nous ? ». De son côté, Fred, machiniste au centre bus de Lagny affirmait : « les directions syndicales, il va falloir qu’elles nous écoutent, sinon elles vont en subir les conséquences ».

Pour renforcer cet aspect d’organisation des grévistes à la base, contrairement à la première rencontre où le périmètre était plus large, cette fois-ci c’est essentiellement des secteurs en grève y ont pris part, dont certains participants avaient été mandatés par leurs assemblées locales. Le vote de délégations mandatées par les assemblées générales des grévistes pour participer à la coordination est fondamental pour avancer vers une vraie coordination de lutte capable de constituer une direction démocratique, appuyée sur la base de grévistes. Autrement dit, une direction alternative aux directions syndicales bureaucratiques qui négocient sur le dos des travailleurs, parfois sans même pas être dans le mouvement (comme la CFDT jusqu’à hier). Ce début de coordination des grévistes, qu’il faut encore renforcer et élargir pour qu’elle revienne encore plus représentative de l’ensemble des grévistes, entend faire des pas en ce sens.

Parmi les secteurs présentes on peut nommer les dépôts RATP de bus de Lagny, de Flandre, d’Ivry, de Nanterre, le site de maintenance de Saint-Ouen. Du côté de la SNCF on trouvait des grévistes de Paris Nord/Le Bourget/technicentre du Landy, de Saint-Lazare, d’Austerlitz, des ateliers de Clichy, de Vaires-sur-Marne (77), ainsi que du Technicentre de Châtillon. On trouvait également des représentants de l’autre secteur très mobilisé, l’éducation nationale. Des enseignants des différents degrés de Nanterre, d’Epinay, de Paris, de Saint-Ouen, d’Orly, entre autres, se sont exprimés au cours de la réunion. Il y avait aussi des grévistes participant à des Assemblées générales interprofessionnelles locales ou départementales, ou encore aux assemblées de ville.

Renforcer les assemblées locales, ainsi que leur coordination

Mais si la « mise en musique » des différentes revendications issues des assemblées locales est fondamentale, un point qui a été soulevé c’est la nécessité de renforcer justement l’auto-organisation à la base, de continuer à convaincre les collègues, à discuter et de faire en sorte que les assemblées locales soient le plus nombreuses possible. Comme le disait Anasse Kazib : « la coordination ne peut pas se substituer aux AG locales ; ce travail local est primordial ».

En même temps, la coordination des revendications et propositions à l’échelle de toute l’île de France peut aider les grévistes à participer dans les assemblées locales, à devenir actifs dans la grève. Le fait de sentir que l’on est maître de sa propre lutte, que les propositions faites localement peuvent être reprises au niveau de l’ensemble du mouvement, que les discussions des grévistes ont un impact réel sur la direction que prend la lutte ne peuvent être que des éléments favorisant la participation active de la base. Cela est tout le contraire de la politique des directions syndicales dont les méthodes bureaucratiques et antidémocratiques ne font que maintenir dans la passivité les travailleurs. Si les travailleurs ont l’impression de ne rien décider sur les suites et les perspectives du mouvement, à quoi bon se déplacer pour participer à l’assemblée générale ?

La participation active des travailleurs est d’autant plus possible que, comme l’affirmait Adel, syndicaliste UNSA et conducteur du RER à la RATP, « sur le terrain les gens sont prêts à aller à la bagarre, jusqu’au retrait, jusqu’au bout ».

Soutien aux actions des grévistes

Un constat qui a été fait par tous les participants c’est qu’à la différence des jours précédents, il commence à y avoir des éléments de répression contre les actions des grévistes et de leurs soutiens, notamment le blocage des dépôts de bus. En effet, mercredi matin, plusieurs dépôts ont été débloqués par la force par la police ; à Aubervilliers un enseignant a même été interpellé violemment et continue en garde-à-vue.

C’est en ce sens que la coordination a discuté la nécessité de renforcer l’aide aux secteurs qui en ont besoin pour mener à bien les actions de blocage ou autres. Ces actions sont réalisées en grande partie par les enseignants et des étudiants, ce qui est une grande aide pour les travailleurs de la RATP qui contestent la réforme, dont certains ne peuvent pas faire grève parce qu’ils ne sont pas encore commissionnés et donc risquent les représailles de la direction. C’est en effet une façon de mobiliser des travailleurs et des jeunes en lutte pour qui la capacité de blocage de l’économie est plus difficile. Ainsi, Stéphanie, prof au collège Jules Vernes, affirmait : « en ce moment c’est difficile de se rendre au boulot, et c’est tant mieux ! Ça instaure une ambiance de lutte, et ça peut en motiver certains pour la reconductible ».

Pour la généralisation de la grève reconductible

En ce sens, la question de s’adresser à d’autres secteurs a également été soulevée, notamment aux entreprises du privé mais aussi aux enseignants qui ont participé de façon massive aux journées de grève nationale mais qui restent encore dans le cadre d’une « grève perlée dans les faits ». En ce sens Mathilde, enseignante dans le 92, affirmait « malgré les luttes répétées suite aux attaques dans le secteur, il n’y a pas encore de dynamique de grève reconductible pour le moment chez les profs » mais qu’en même temps, « les profs ne sont pas rassurés par les déclarations du premier ministre ».

Thomas, prof de français du comité de grève de Vaires-sur-Marne : « chez les profs, il y a une colère mais aussi un sentiment de faiblesse, on a besoin de coordination pour tenir, pour nous donner de la force ».

Ce samedi une assemblée nationale de profs se tiendra à Paris, et elle ouvrira ses portes l’après-midi pour un moment de discussion en Interpro à laquelle participeront une délégation des grévistes de la RATP et la SNCF.

Un autre élément discuté dans la réunion afin d’aider les collègues à se mettre en grève reconductible a été la question de la caisse de grève. Alors que le gouvernement ne va rien lâcher sans une lutte déterminée et que celle-ci s’annonce de longue halène, la question financière deviendra centrale pour beaucoup de grévistes.

Radicaliser la grève

« On a été très gentils jusque là, maintenant il faut radicaliser la lutte ». Voilà comment entamait son intervention Clément, cheminot militant à Sud-Rail au technicentre de Châtillon. « Je suis rentré dans cet atelier à 15 ans, si c’est pour y mourir, c’est mort ! », poursuivait-il. Même son de cloche du côté de Samir, syndicaliste CGT de l’atelier me maintenance RATP de Saint-Ouen : « la question elle est simple : est-ce qu’on veut crever au travail ou pas ? Si on veut y crever on reprend le travail tout de suite ! ».

En effet, le gouvernement et le patronat, malgré des tentatives pour tromper le monde (qui ne semblent pas très bien marcher d’ailleurs), sont déterminés à aller jusqu’au bout de cette attaque historique contre le droit à la retraite. Macron et son gouvernement ont beaucoup en jeu ; l’échec de cette réforme pourrait « mettre fin au quinquennat ». Mais si les classes dominantes ont beaucoup en jeu, du côté des travailleurs les enjeux sont encore plus importants, il s’agit de nos conditions de vie, de travail, mais aussi de notre dignité et de notre futur.

Ce gouvernement et le patronat n’entendent que le langage du rapport de force. C’est pour cela que malgré des taux de grévistes très élevés dans certains secteurs, la lutte doit encore franchir un pallier, elle doit se radicaliser et paralyser l’ensemble de l’économie. Le noyau et la pointe avancée de la contestation chez les cheminots, des travailleurs et travailleuses de la RATP, chez les profs doit se renforcer et être rejoint par les bataillons du privé. C’est en ce sens que la coordination IDF de grévistes veut être un pas en avant dans la coordination de ces secteurs mais aussi s’adresser aux autres salariés qui ne sont pas encore rentrés dans la lutte. Cette coordination n’est qu’à ses débuts et les grévistes continueront à travailler pour qu’elle devienne une vraie coordination des différents secteurs en grève en Île-de-France, appelant les travailleurs d’autres villes et régions du pays à faire de même.

A la fin de la réunion, les présents ont proposé de mettre en place des rendez-vous pour des cortèges communs, RATP, SNCF, enseignants et les secteurs en grève reconductible, pour envoyer un signal fort, ensemble, dans la rue, en mettant en avant leur mot d’ordre du retrait de la réforme et l’unité public-privé. La prochaine rencontre des grévistes en île de France aura lieu lundi 16 décembre à 15h.


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