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Qatargate

Des valises de billet versées à des députés européens pour promouvoir le Qatar et son « droit du travail »

En pleine coupe de monde, un scandale de corruption impliquant le Qatar secoue le Parlement européen. Une vice-présidente du Parlement, des députés et assistants Parlementaires ont défendu l’image du pays moyennant valises de billets et cadeaux. Derrière les condamnations hypocrites du Parlement Européen, c’est un exemple exacerbé de la corruption généralisée qui régit le fonctionnement des instances capitalistes.

Seb Nanzhel

14 décembre 2022

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Crédits photo : FREDERICK FLORIN/AFP

Des centaines de milliers d’euros dans des valises, 6 personnes interpellées, dont 4 écrouées, une vingtaine de perquisitions dont certaines dans les locaux du Parlement européen et une des vice-présidentes de l’institution démise de ses fonctions : depuis le 9 novembre, le Parlement européen est au cœur d’un scandale de corruption. Des parlementaires, anciens et actuels, des assistants et leurs proches sont en effet accusés d’avoir touché des sommes importantes en liquide pour défendre les intérêts du Qatar au sein de l’institution. Comme l’explique le parquet fédéral belge : dans ce « Qatargate », comme est surnommé l’affaire, « est suspecté le versement d’importantes sommes d’argent ou l’offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d’influencer les décisions ».

Le 21 novembre, Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen, défendait dans un discours le Qatar comme « à la pointe en matière de droit du travail ». Une remarque ultra cynique, alors que plus de 6000 travailleurs migrants sont morts sur les chantiers des stades de la coupe du monde,. Mais les centaines de milliers d’euros retrouvés en grosse coupure chez l’eurodéputée grecque du groupe S&D (Socialists and Democrats) l’ont apparemment solidement convaincu de l’avancée des droits sociaux dans la pétro-monarchie.

Vendredi, ce sont 150 000 euros en liquide qui ont ainsi été saisis au cours d’une perquisition chez elle, ainsi que de nombreux cadeaux étiquetés comme provenant du Qatar. Son père a également été interpellé avec des valises contenant 600 000 euros en liquide. S’il a été libéré, considéré comme un simple intermédiaire, Eva Kaili quant à elle, a été démise de ses fonctions et écrouée pour « appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption ». Son compagnon et assistant Parlementaire a été écroué pour les mêmes chefs d’accusations.
L’ancien eurodéputé italien du groupe S&D Pier Antonio Panzeri, également écroué, avait pu affirmer par le passé que le Qatar devenait « une référence » pour le respect des droits humains selon Le Monde.. 600 000 euros en liquide ont également été retrouvés chez lui. Fight Impunity, son ONG fondée en 2019, aurait servi comme structure de financement et d’organisation de cette vaste entreprise de corruption. Un autre dirigeant d’ONG, Niccolo Figa-Talamanca, est visé par les mêmes accusations.

Un scandale qui a ouvert une crise importante dans le Parlement européen. En effet, ces premières accusations pourraient être suivies de nombreuses autres. Cinq eurodéputés seraient dans le collimateur de la justice. Comme le rapporte Médiapart, les bureaux d’assistants parlementaires de divers députés ont été perquisitionnés, et des téléphones et données informatiques saisies. Dans Le Monde, le président du groupe Parlementaire Renew témoigne : « La question que tout le monde se pose, c’est jusqu’où ira cette affaire ? ». Pour Philippe Lamberts, figure des Verts, « Elle concerne le groupe [des socialistes et démocrates] S&D mais dépasse le simple cas isolé ». René Repasi, eurodéputé social-démocrate allemand, quant à lui, « crain[t] fort que ce que nous voyons ici ne soit que la partie émergée de l’iceberg ».

Ursula von der Leyen et la présidente du Parlement Roberta Metsola ont tenté de reprendre le contrôle sur la situation en condamnant des faits « très graves » (von der Leyen), et une « démocratie européenne attaquée » (Metsola), mettant par la même en avant plusieurs mesures visant à garantir « l’exemplarité » des députés. Autant de gesticulations qui visent à présenter cette affaire de corruption comme une attaque extérieure et comme une exception. Pourtant, personne n’a parlé d’attaque contre la « démocratie européenne » lorsque la France et le Qatar commerçaient le PSG, l’organisation d’une Coupe du monde de footbal et des contrats juteux d’armement. Une hypocrisie sans nom, tant la corruption est endémique dans les institutions européennes. L’affaire du « Qatargate » n’est en effet qu’un élément particulièrement saillant et flagrant d’un fonctionnement global.

C’est ce qu’ont montré par exemple les affaires de la « diplomatie du Caviar », révélant l’achat par l’Azerbaïdjan de figures de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Au Parlement européen, la corruption est quotidienne. Officiellement quelques 11 800 organisations de lobbying sont ainsi enregistrés pour 25 000 lobbyistes en équivalent temps plein. Ils dépensent environ 3 milliards d’euros par an pour corrompre plus ou moins légalement parlementaires et technocrates.
En 2018, l’ONG Transparency International révélait de plus que 31% des députés européens élus en 2014 touchaient des revenus en plus de leurs salaires d’élus. Ces revenus supplémentaires, qui peuvent atteindre plus d’un million annuel pour certains députés, proviennent de postes à haute responsabilité ou à la direction de grandes entreprises.

La corruption scandaleuse, et presque grossière tant elle était quasiment menée au grand jour, de la vice-présidente Eva Kaili, doit attirer le regard sur la corruption permanente des institutions capitalistes. Les scandales les plus infamants comme le Qatargate ne doivent pas permettre à tous ces députés qui roulent pour les grands capitalistes de se faire passer pour des saints. Les bancs des assemblées de tous les parlements capitalistes, nationaux comme européens, sont remplis de serviteurs zélés des plus riches qui légifèrent en leur nom et pour leurs intérêts.


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