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Première ligne

"Des patients ne peuvent plus être soignés". À Bordeaux, grève et manifestation combative pour la santé

Ce mardi 11 janvier, 1 500 travailleurs de la santé et du social ont battu le pavé malgré la tension importante de ces services en pleine crise sanitaire. La colère et la détermination pour défendre les services publics, plus de moyens et des salaires dignes étaient au rendez-vous. Une première date qui appelle à construire une réponse d’ensemble face au gouvernement !

Yann Causs

12 janvier 2022

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A l’appel des organisations syndicales ( SUD Santé Sociaux, CGT Santé Action Sociale et CFE CGC Santé Social) et des collectifs de professionnels tels quels celui des urgences du CHU de Bordeaux, 1 500 personnes sont sorties dans les rues de Bordeaux. Déambulant de la place de la république jusqu’à l’ARS, la manifestation a réuni un grand nombre de secteurs de la santé et du social comprenant autant des métiers du médical, du technique et de l’éducation.

Facilement la colère et la combativité se faisaient sentir au sein de la manifestation dans les cortèges. Au premier arrêt, place Pey Berlant devant la mairie nous pouvions l’entendre : « Arrêtons d’accepter de travailler en sous-effectif, arrêtons d’accepter de fermer les lits. Pendant les vacances de Noël plus de 700 lits étaient fermés au CHU de Bordeaux, comment peut-on accepter de soigner dignement dans ces conditions, dénonce un syndicaliste de Sud Santé Social. Il poursuit en affirmant, ces lits sont fermés car il n’y a pas les effectifs ! ». Dans la foulée, Pierre médecin urgentiste à la régulation du Samu dépeint sèchement la réalité des urgences au micro : « je vais être clair et court, en ce moment nous prenons en charge des patients aux urgences dans les douches car il n’y a plus de place. On a passé un cap, on est plus à un stade de se battre pour des soins corrects, on se bat pour revenir à des soins tout cours. Actuellement il y a des patients qu’on ne soigne plus. Si le gouvernement, notre direction et l’ARS avaient la volonté de revenir à un service public correct on le serait, aujourd’hui c’est l’ensemble de la population qui doit se souvenir c’est quoi d’avoir un réel service public et se battre pour celui-ci ».

Un discours radical qui répond à l’ampleur d’une situation fortement dégradé dans le médico-social en pleine crise sanitaire qui pousse des secteurs à sortir parfois pour la première dans la rue. C’est le cas de Thierry et Virginie tous deux éducateurs spécialisés que nous avons rencontrés au milieu de la manifestation : « Souvent les travailleurs du médico-social, social et éducation culpabilisent d’aller dans la rue car c’est toujours au détriment des jeunes qu’on accompagne mais il y a vraiment une urgence de le faire car on ne va pas vers des lendemains qui chantent pour notre secteur. » témoigne Thierry. Virginie enchaine en expliquant qu’ils sont "là pour accompagner et aider des personnes en souffrance, mais on n’est pas reconnu, on a de moins en moins de moyens et on va vers une logique de plus en plus marchande de notre travail. » Il conclut en constatant que « le social est en train de vivre ce que vit l’hôpital depuis des années ».

Après une mise en scène de la destruction de l’hôpital public et la répression des militants syndicaux inspirés par la série Squid Game, le cortège repart en direction de l’ARS au rythme des slogans et des chants.

Aude, elle aussi médecin urgentiste témoigne à notre micro aux abords de l’ARS de l’état actuel de son service : « Aux urgences les patients sont deux fois plus nombreux qu’il y a quelques années alors qu’il n’y a pas plus de place, pas plus lits et pas plus de soignant, au contraire il y en a moins. Ils attendent donc plus longtemps, parfois plus de dix heures dans les couloirs, il y a forcément des accidents avec des états qui se détériorent, voire des patients qui décèdent. Quand on veut les hospitaliser, on ne trouve pas de lit dans l’hôpital ensuite, ils attendent donc un jour, deux jours parfois trois aux urgences avec de trouver un lit. On est dans une espèce d’impuissance à réaliser le minimum, il faut rentrer cent patients dans dix lits c’est impossible. Beaucoup de collègue envisage de partir pour se préserver avant de devenir fou. Aux urgences la situation est la même avec Covid ou sans Covid : cet été au plus bas de la crise sanitaire il y avait 600 lits fermés au CHU de Bordeaux ! »

Devant l’ARS et dans une ambiance combative, fumigène, pancarte, banderole sont déployées accompagnées des chants et de musiques des manifestants pour se faire entendre de l’administration régionale jusqu’ici sourde aux revendications. En amont nous pouvions entendre Sylvain, aide-soignant s’insurger : « On voit comment les présidentielles sont en train de tourner, on ne pose pas les vraies questions sur la table pour le moment. On nous dit qu’il n’y a pas l’argent pour embaucher, pour développer les services, la formation etc.., l’argent il y en a quand vous voyez des grands groupes financiers qui accumulent les milliards sur le dos de la crise sanitaire ! »

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Après deux ans de pandémie de la Covid-19 et dans un contexte où les records de contamination n’en finissent pas d’exploser, la manifestation fut exemplaire de la colère des agents de la santé et sociale épuisé. Une chose est sur l’opposition au gouvernement, qui n’a cessé de détruire l’hôpital public et qui aujourd’hui fait le pari assumé de laisser circuler le virus pour maintenir coûte que coûte l’activité économique, est certaine. La mobilisation se termine après une minute de silence pour la mort de l’hôpital public.

Peu avant, sur la route vers l’ARS, Marie-Laure secrétaire général de la CGT blanchisserie et militante de Révolution Permanente est venu parler au nom des métiers techniques de l’hôpital indispensable à son bon fonctionnement. Si la manifestation du jour est une réussite elle insiste : « Il ne faut pas qu’on s’arrête au 11 janvier sinon on aura perdu de l’argent pour rien. 1 500 personnes sont venues aujourd’hui, c’est énorme par rapport aux dernières mobilisations dans la santé et le social. On voit qu’il y a une souffrance au sein des hôpitaux et il faut continuer à construire la riposte et la mobilisation pour arracher plus de moyens, la revalorisation des salaires, l’arrêt des fermetures de lits, l’arrêt des fermetures des services d’urgences ! Pendant que le gouvernement et les directions s’applaudissent en disant qu’il n’y a pas de problème, nous trinquons. Nous devons leur prouver que nous sommes là, mettre une date après le 11 janvier. Il y a la grève inter-syndicale du 27 janvier qui est importante, mais il va falloir créer avant et tous ensemble, syndicats et collectifs, dans l’objectif de faire plier le gouvernement ! »

En effet cette première date réussite à Bordeaux doit nous permettre de poser la question de la construction d’un plan de bataille d’ensemble. L’éducation nationale se mobilise le 13 janvier face aux problématiques similaires. Comme nous l’affirmions déjà : « Face à la convergence des situations, il faut un programme commun, qui revendique des moyens d’urgences pour limiter les contaminations et protéger les travailleuses et travailleurs mais porte également une stratégie sanitaire alternative à celle du MEDEF et de Macron, entre les mains des soignants et des travailleurs des différents secteurs. »


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