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Trotskystes et insoumis ?

Des dirigeants d’Ensemble, anciens du NPA, rejoignent la France Insoumise

L’adhésion unilatérale du groupe dirigeant de l’ex-Gauche Anticapitaliste à la France Insoumise agite les débats au sein du courant Ensemble.

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Trotskystes et insoumis ?

Ils avaient quitté le Nouveau Parti Anticapitaliste en 2012, après avoir mené au sein de leur tendance, la Gauche Anticapitaliste, une bataille pour que le parti soutienne la candidature de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche. Une conférence nationale du NPA ayant décidé de présenter pour la première fois Philippe Poutou, le groupe a quitté le parti pour le Front de gauche, où, avec d’autres, ils ont constitué le courant Ensemble, avec l’objectif affiché de constituer un troisième pôle au sein du front, à côté de ceux de Mélenchon et du PCF.

Ce courant, tout en soutenant la campagne de la France Insoumise (FI) l’a fait dans une certaine indépendance, et certains de ses membres ont exprimé des critiques publiques à la campagne. Le succès de Mélenchon dans son pari d’hégémonie au sein de la gauche au sein des élections présidentielles et dans une moindre mesure législatives a néanmoins « jeté du trouble » dans un courant déjà tiraillé par le pouvoir d’attraction du mélenchonisme et l’attachement à certains principes et à une forme d’indépendance organisationnelle.

Après que d’autres membres d’Ensemble aient rejoint de façon individuelle la FI, l’annonce d’adhésion d’un groupe de dirigeants d’origine trotskiste, originaires du NPA et avant lui de la LCR, marque un coup d’accélérateur dans cette dynamique.

Dans un texte, publié sur le blog Mediapart de Pierre-François Grond, anciennement présenté souvent par la presse comme « bras droit d’Olivier Besancenot, le groupe de dirigeants, parmi lesquels se trouve également la conseillère régionale de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pirenée Myriam Martin, vante les mérites de la France Insoumise, qui aurait incarné lors des dernières élections, « un profond mouvement populaire, social et politique ».

Appuyés sur ce diagnostic enthousiaste, ils s’attribuent « la responsabilité de transformer cette dynamique en opposition sociale et politique à Macron et de préparer le plus tôt possible les conditions d’une alternative, les conditions d’une majorité politique » et décident ainsi de rejoindre la FI, tout en appelant le reste du courant Ensemble à faire de même. Un geste qui est vu avec « inquiétude » par d’autres dirigeants d’Ensemble comme Francis Sitel, lui aussi ancien dirigeant de la LCR.

Dissolution politique

Dans un texte publié dans le blog Europe solidaire sans frontière, Sitel questionne ses camarades sur plusieurs points. Il souligne lue la « FI ne peut être totalement dissociée du projet politique au service duquel elle a été constituée. Ce projet est d’abord présidentialiste, construit depuis 2012 avec l’objectif de gagner l’élection présidentielle, par la conquête de l’hégémonie sur la gauche (de ce point de vue le « pari objectivement gagné », pour reprendre la formule d’Eric Coquerel, ce sont aussi les défaites et crises additionnées du PS, du PC, d’EELV, voire d’Ensemble…) Et cela en fonction d’une orientation prenant ses distances avec la référence à la gauche, pour développer un discours empreint de populisme, de nationalisme et d’autoritarisme. » Et il poursuit sur le fait que la « FI représente un capital politique important, sur les plans militant, matériel et symbolique, mais cristallisé autour de la figure de Mélenchon. D’où une inconnue quant au devenir possible de FI en tant que mouvement politique. ».

Plus loin, il critique l’incantation de ses camarades à une adhésion de tout Ensemble à la FI : « En revanche, moins raisonnable est l’agitation consistant à dire « Il faut qu’Ensemble intègre FI ! ». En effet un tel mot d’ordre peut renvoyer à des options fort différentes : la dissolution d’Ensemble dans FI ; le projet d’un investissement militant dans FI pour y constituer un « courant anticapitaliste » (sur le modèle d’Anticapitalistas au sein de Podemos), et ce sans préciser si l’on songe à une telle entrée comme négociée avec FI ou résultant de la somme d’insertions individuelles ; un investissement de type « entriste », avec la volonté de défendre au sein de FI des méthodes de fonctionnement démocratique et le pluralisme politique ; ou plus prudemment la volonté d’engager avec FI un débat sur ce que pourrait être un mouvement effectivement pluraliste et démocratique… ».

Les problèmes posés par Sitel, qui pourtant a lui aussi rompu depuis longtemps avec la perspective d’un parti anticapitaliste et révolutionnaire indépendant qui anime Révolution Permanente, sont bien réels, d’autant plus que les formes de la structuration de la FI en force politique sont loin d’être définies et que l’expérience de Podemos montre à quel point, malgré les discours sur l’horizontalité, ce type de mouvement, dont on souligne souvent les traits d’un populisme de gauche et qui s’organise autour d’un porte-parole charismatique peut être extrêmement vertical et peu démocratique. Dans le cas cité du courant Anticapitalistas, l’auteur oublie de mentionner que ce courant a dû renoncer au statut de tendance et adopter celui d’une simple association.

Perdre son âme

Dans ce contexte, l’adhésion de Grond, Martin, etc., à la FI semble trancher en partie le débat en faveur de la première option, celle d’une dissolution. Cela veut dire le risque de devoir renoncer à toute forme d’expression politique propre, et ce alors même que des désaccords non négligeables persistent entre des membres de ce courant et Mélenchon, notamment autour du nationalisme, comme en témoigne ce texte publié par Robert Hirsch, un militant de Ensemble ayant adhéré à la FI sur les propos de Mélenchon autour de la commémoration de l’anniversaire de la la rafle du Vel d’Hiv ce 16 juillet : « Du soutien au chef d’Etat-major des armées (pour défendre le budget militaire !) à "l’amour que nous devons à notre pays avant tout autre" (avant l’Allemagne en 1914 par exemple ?) et au "sentiment commun des Français", on retrouve la volonté de concurrencer la droite et l’extrême droite dans le nationalisme. Au fait, c’est quoi le "sentiment commun des Français" sur le Vél d’Hiv et la Guerre d’Algérie ? Ce type de dérive a souvent existé dans le mouvement ouvrier et les résultats en furent toujours catastrophiques. Croire que c’est en allant sur son terrain que l’on combat l’extrême droite est une lourde erreur. On y perd juste son âme. »

Pour finir sur un appel pour « que celles et ceux qui ont soutenu sa campagne et agissent avec la France insoumise disent à Jean-Luc Mélenchon haut et fort : "insoumis, nous ne nous soumettrons pas au nationalisme ». Pas sûr que le groupe issu du NPA soit en train de se donner les moyens de se faire entendre et que dans le contexte où ils restent formellement membres d’une organisation internationale d’inspiration trotskyste (la 4ème Internationale – Secrétariat Unifié, à laquelle appartient également la majorité actuelle du NPA), leur âme à eux ne risque pas d’y passer elle aussi…


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