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Contre les violences policières, le ministre propose les caméras-piétons sur les agents : progrès ou enfumage ?

Des caméras-piétons au service des policiers : le dispositif mis en place

Jusqu'à présent c'était une mesure "en l'air" ou plutôt à l'application partielle : mettre en place un enregistrement vidéo systématique des contrôles d’identité dans plusieurs zones de sécurité prioritaires (ZSP). Aujourd'hui, suite au viol de Théo à Aulnay par plusieurs policiers, le ministère public a de nouveau proposé, comme solution de contrôle, de systématiser ces « caméras-piétons » utilisables par les forces de police. Toutefois, comme l'explique un article de Médiapart sur le sujet, ces caméras-piétons en test depuis 2013 "ont surtout servi à étayer les dires des agents lors de procédures pour outrage, rébellion ou violence". Au début du mois de février nous écrivions à propos de cette proposition du ministère formulée après le viol de Théo et qui, depuis le 1er mars, est devenue effective.

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Suite au viol perpétré par quatre agents de police à Aulnay-Sous-Bois lors d’une interpellation d’un jeune homme appelé Théo, le ministère public a de nouveau proposé, comme solution de contrôle, des « caméras-piétons » utilisables par les gendarmes. Déjà en service dans certaines unités, son utilisation depuis 2012 semble pour le moins inefficace. De plus, les nombreux faits de violences de la police envers les journalistes nous interrogent sur la capacité des agents à fournir eux-mêmes des preuves de leurs actes.

Pour éviter les viols et les meurtres, filmez-les ! C’est un peu la proposition choc du ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, qui, à la suite du crime perpétré par la police d’Aulnay contre Théo, a annoncé le déploiement de 2600 caméras-piétons, c’est à dire des mini-caméras de la taille d’une « Go Pro » qui se porte à la poitrine, censée filmer les interventions des forces de l’ordre. Cette mesure est déjà expérimentée par plusieurs unités des forces de répression : 1000 de ces caméras équipent la police et 600 pour la gendarmerie. Il s’agirait donc de renforcer ce dispositif, qui pour l’instant n’est qu’« expérimental ». Selon les dires des policiers, il « permet de faire baisser la tension durant les contrôles d’identité ». Mais la question se pose : est-ce un progrès pour les victimes de violences policières ou un nouvel outil de répression pour la police ?

De fait, les journalistes qui travaillent sur le terrain des luttes sociales, là où la police est censée tout faire pour assurer le maintien de l’ordre existant, connaissent très bien le rapport de la police, des CRS et des gendarmes mobiles aux journalistes. Que ce soit les journalistes de Taranis News, de Révolution Permanente, ainsi que les free-lances indépendants, tous savent qu’un policier déteste être filmé dans l’exercice de ses fonctions. Que ce soit lorsqu’ils filment des rassemblements de soutien aux victimes de violences policières, lorsqu’ils couvrent des manifestations, les procédés sont divers : matraquage des journalistes, aveuglement des objectifs, confiscation des images… La police n’aime pas qu’on la filme dans son travail de répression. Les images abondent sur YouTube et d’autres plateformes, tandis que les jeunes des cités expliquent systématiquement que filmer une interpellation, c’est en premier lieu risquer de se faire jeter à terre son téléphone, puis d’être soi-même interpellé.

Dans le cas de l’enseignant de la Sorbonne agressé à Saint-Denis en début d’année, le motif du contrôle d’identité était qu’il filmait une arrestation violente. Les éditorialistes de Libération peuvent gentiment exhorter les passants à sortir leur « caméra-citoyenne », le geste peut coûter cher.

Mais alors, pourquoi installer de telle caméras ? Rappelons tout d’abord un fait important : tous les policiers n’en sont pas équipés et leur déclenchement est un choix du policier uniquement. En réalité, si la caméra permet de « faire baisser la pression », elle permet en réalité aux agents d’obtenir des preuves pour accuser les interpellés de « rébellion » ou d’« outrages » qui sont en réalité deux motifs de condamnations très faciles à obtenir pour les agents : tutoyer l’agent qui vous a tutoyé une seconde avant peut vous valoir une condamnation. Durant la loi-travail, des étudiants ont été condamnés à des peines de prison pour « rébellion », alors que les agents étaient équipés de telles caméras ; au moment du procès, les bandes étaient « introuvables »…

L’annonce du gouvernement est donc en réalité un recul pour tous les jeunes des quartiers populaires et tous les militants politiques et syndicaux qui s’opposent aux violences policières : elles permettront de condamner plus facilement encore (alors que ce n’était déjà pas très difficile) les prévenus, tandis que les utiliser contre les agents dans le cas de violences policières sera quasiment impossible. Ou bien l’agent n’aura pas allumé l’appareil ; les bandes pourront être manquantes, etc. Et au pire, l’IGPN et l’IGGN seront là pour expliquer que les violences n’étaient pas intentionnelles : allez porter plainte pour une injure raciste de la part d’un flic, vous finirez surement en cellule.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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