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Racisme d'Etat

« Délinquance et immigration » : sur France 2, Macron reprend l’argumentaire de l’extrême-droite

Dans un entretien accordé à France 2, Emmanuel Macron a affirmé qu’à Paris « la moitié des faits de délinquance viennent des étrangers ». Un argument qui relève d’une rhétorique raciste utilisée par la droite et l’extrême-droite et qui vise à justifier les offensives xénophobes du gouvernement.

Natacha Lubin

27 octobre 2022

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Crédit photo : France 2

Mardi soir, Emmanuel Macron était l’invité de l’émission “L’Évènement” sur France 2. Dans une intervention particulièrement marquée à droite, Macron s’est permis une sortie raciste au sujet des immigrés : « Aujourd’hui, quand on regarde la délinquance par exemple à Paris, où on a une forte concentration (...) de cette immigration illégale, oui, elle est très présente dans les faits de délinquance » et de continuer, « on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des délinquants, des faits de délinquance qu’on observe, viennent de personnes qui sont des étrangers ». Si Macron a tenté de se couvrir rapidement en affirmant refuser de tracer « un lien existentiel entre « immigration et insécurité », ses propos reprennent la rhétorique et les arguments de la droite et de l’extrême-droite et visent à ériger les immigrés comme les principaux responsables de la délinquance. Des propos qui font directement échos à la campagne raciste menée par l’extrême-droite suite à la mort de la jeune Lola.

Si le ministère de l’intérieur donne en effet des chiffres de l’ordre de 50% des infractions totales à Paris commises par des étrangers, la réalité nationale est tout autre. En effet, selon les propres chiffres du Ministère de la Justice publiés il y a quelques jours pour l’année 2021, 84% des personnes condamnées pour un délit ou pour un crime sont de nationalité françaises. Se faisant Macron use d’un procédé bien connu de l’extrême-droite qui vise à utiliser une donnée pour tordre la réalité et avancer son agenda raciste et xénophobe.

Cependant, au-delà du procédé, les immigrés restent tout de même surreprésentés dans les condamnations en justice. Cette surreprésentation n’est pas une preuve de la propension des immigrés à commettre des délits mais plutôt du caractère raciste de la police et de la justice qui contrôle et condamne plus, et plus durement, les personnes immigrées et les personnes racisées que le reste de la population. En effet, dans un État capitaliste comme la France, la justice et la police criminalisent les personnes les plus précaires dont font parti, au premier rang, les immigrés. En témoigne la plus haute propension à se faire contrôler et harceler par la police en fonction de son origine et de sa couleur de peau. Une stigmatisation qui se poursuit ensuite dans les tribunaux.

De plus, la manière dont sont comptabilisées les infractions commises en France, favorise largement la surreprésentation des immigrés puisqu’on y inclue des infractions pour des délits pour lesquels les sans-papiers sont de facto plus nombreux du fait de leur statut précaire qui les condamne par exemple à occuper des emplois non déclarés, souvent mal payés. Ainsi, comme l’explique l’Institut Convergences Migrations, affilié au CNRS : « la part des étrangers dans les condamnations (y compris de Français) varie selon la nature de l’infraction : 25% pour le travail illégal, 41% pour les faux en écriture publique ou privée, près de 50% des infractions douanières et 78 % pour les infractions relatives à la police des étrangers, c’est-à-dire , pour l’essentiel des infractions liées à la régularité du séjour des étrangers en France ». Ainsi, l’analyse des données concernant les parcours des personnes étrangères condamnées par la justice démontre que les types d’infractions commises sont celles des classes les plus précaires, qui sont aussi « les plus visibles, les plus simples et donc les plus réprimées par la police ».

Les propos de Macron s’inscrivent dans une offensive xénophobe et répressive que mène actuellement le gouvernement contre les migrants mais aussi contre les personnes musulmanes ou assimliées comme telle, à l’école notamment. Concernant les migrants, le chef de l’État a déclaré, toujours sur France 2, sa volonté de « durcir les choses avec les pays d’origine pour aller vers un taux [de raccompagnement à la frontière] de 100% pour ceux qui sont le plus dangereux ». De son côté, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin affirmait le lendemain matin sur France Inter, vouloir « rendre impossible » la vie des personnes visées par des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et faisait la promotion de la loi Immigration, dispositif raciste et xénophobe, qui s’apprête à être examinée début 2023.

En outre, ces propos et ces politiques gouvernementales xénophobes font échos à la récupération raciste de la mort de la jeune Lola par l’extrême-droite. Loin de « faire barrage » à l’extrême-droite, le gouvernement continue de lui emprunter ses thèmes et de mener des politiques, qui, malgré les accusations de laxisme de la part de la droite et l’extrême-droite, n’ont rien à envier ce que des Zemmour et des Marine Le Pen revendiquent depuis de nombreuses années.


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