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L'islamophobie, le nouvel antisémitisme ?

Déferlante islamophobe. Comme un avant-goût d’étoile jaune

Sarah Macna « Il y a travail de noyaux salafistes dans un certain nombre de mosquées ». « Pas seulement dans les mosquées, je peux te dire, dans les rues, dans les immeubles... » « Je vais y venir. Il faut être très vigilant sur les prêches des imams, je dis bien les prêches, c'est ça qui est important, que les prières soient en arabes, ça peut se comprendre, mais les prêches, qu'ils soient faits en français je pense que c'est important (…) parce que c'est là qu'il y a le message. »

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Cet échange entre Julien Dray et le journaliste de RTL, lundi 23 novembre, apparaît désormais comme purement banal. Pour le secrétaire national du PS et membre fondateur de SOS Racisme, rien de choquant à laisser entendre publiquement que la pratique de l’islam et les imams seraient suspects et qu’il faudrait les contrôler, les surveiller. Car ils pourraient au moins faire l’effort de parler la langue « bien de chez nous », n’est-ce pas ? Derrière cette banalité islamophobe devenue quotidienne dans les médias, on retrouve avec effroi les mêmes ressorts qui, dans les années 1930, structuraient l’antisémitisme.

Depuis les attentats, la déferlante raciste bat son plein. Elle vient de l’extrême-droite la plus décomplexée mais également du sommet de l’État. Dès le 15 novembre, profitant de l’émotion, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, annonce qu’il souhaite « dissoudre les mosquées radicales ». Depuis, des dizaines de mosquées ont été perquisitionnées, sur la base de leur supposée appartenance à la mouvance salafiste.

A Aubervilliers, la salle de prière de la Fraternité a été retournée sens dessus dessous : meubles renversés, porte cassée malgré le fait que les responsables de la mosquée ont proposé aux policiers de leur donner les clés, étagères renversés, livres de prières retrouvés par terre. L’imam qui y officie, Hassan Bounamcha, est accusé d’avoir tenu des propos homophobes en 2013, et les médias relaient cette information comme l’une des raisons de suspecter cette mosquée. Si telle est la raison, on s’étonne alors que les églises et prêtres soutenant la « Manif pour tous » n’aient pas subi le même sort... On s’étonnera aussi que le prêtre Hervé Benoît de la Basilique de Fourvière à Lyon n’ait pas eu à subir de telles représailles suite à la publication de son article comparant les victimes du 13 novembre aux terroristes, affirmant « regardez les photos des spectateurs [du Bataclan] quelques instants avant le drame. Ces pauvres enfants de la génération bobo, en transe extatique (…) Leurs assassins, ces zombis-haschishin, sont leurs frères siamois. »

Derrière les mesures du gouvernement et le discours de Julien Dray, une même logique : instaurer l’idée que les musulmans sont suspects. Seulement du fait de leur religion, ils seraient complices des attentats meurtriers du 13 novembre. Complices de la barbarie, complices des courants les plus réactionnaires, complices de l’étranger. Mosquées, voiles, pratiques musulmanes ou même la langue arabe sont alors montrés du doigt, comme s’il fallait surveiller, contrôler que derrière chacun d’eux ne se cache pas un djihadiste en puissance.

Dans les années 1930, c’est ce même caractère « suspect » qui était dévolu aux personnes de confession juive. Dans les deux cas, il s’agit alors de démontrer que, juifs ou musulmans, ils ne prient pas « comme nous », prêchent « dans une autre langue », ont des interdits alimentaires qui les empêchent de « s’intégrer à la société française ». Les mosquées ont remplacé les synagogues, les produits hallal les produits kascher. Et les ghettos à contrôler sont toujours là : « la Seine-Saint-Denis pourrait dégager comme des ondes positives pour ces fous de dieu (…) on sait combien ce département concentre une population issue de l’immigration où le culte musulman est particulièrement présent (…) Du MacDo 100% halal au coiffeur strictement réservé aux femmes (…) le décor est posé » affirme tranquillement dans Le Figaro Guylain Chevrier, membre de la mission laïcité du Haut Conseil à l’Intégration de 2010 à 2013 pour expliquer la présence de l’auteur des attentats à Saint-Denis.

Autre élément similaire : la caractérisation des musulmans comme « venant d’ailleurs », mais aussi comme étant liés, de fait, à une grande puissance extérieure et prête à nous attaquer. Le fantasme du complot juif n’est plus si loin que ça, orchestrant de l’intérieur ou de l’extérieur la « judéisation » de la France, cette fois déclinée sus la forme de « l’islamisation » comme le répète à l’envi les tracts du Front National. Grand complot judéo-maçonnique autrefois, alliance souterraine « dans les rues et dans les immeubles » des musulmans aujourd’hui. Nez crochus et ongles pointus ne sont d’ailleurs pas bien éloignés des illustrations des tracts du Front National.

Cette politique de stigmatisation reprise aujourd’hui, de près ou de loin, par l’ensemble de la classe politique – du PS au FN – et retransmise en boucle sur nos écrans télé, trouve d’ores-et-déjà ses conséquences dans l’augmentation des attaques islamophobes et racistes par les groupuscules d’extrême droite. Comment ne pas les voir encouragées par les perquisitions musclées à tout va des forces de polices ? Comment ne pas les voir justifiées par les sorties xénophobes des membres de la classe politique ?

On remarquera néanmoins que la palme de la réaction Outre-Atlantique revient au favori des primaires républicaines. Donald Trump n’a pas hésité à affirmer qu’il fallait « ficher tous les musulmans résidant aux États-Unis ». Une idée qui ne serait pas sans déplaire à certains de nos politiciens de droite et d’extrême droite, voire même du gouvernement ? A cette déferlante fait porter la responsabilité des attentats à l’ensemble des personnes de confession musulmane ou d’origine immigrée, il va nous falloir répondre par une lutte décidée contre le racisme, contre tous les racismes, sans concession. Contre les discriminations à l’école, au travail ou dans la rue, il ne faut pas laisser la nouvelle étoile jaune s’installer.


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