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LA VRAIE « URGENCE SANITAIRE »

Crise sanitaire. La CGT Services Publics dépose un préavis de grève et « dénonce les choix du gouvernement »

Le coup de brosse à reluire donné par Macron aux soignants et les vagues promesses de lendemains qui chantent n’auront pas fait long feu. Face notamment aux refus des droits de retraits, un préavis de grève a été déposé par la CGT des Services Publics. De son côté, Sud Santé est venue remettre les pendules à l’heure au moment où les personnels des services publics toujours aussi désarmés et confrontés à l’horreur d’une pandémie qu’ils ne parviennent plus à maîtriser, faute de moyens, envisagent de recourir à la grève pour imposer leur plan d’urgence.

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Crédit Photo : AFP/Clément Mahoudeau

« Etat d’Urgence sanitaire », une couverture pour un Etat militaro-répressif

Guerre, laisser-passer, couvre-feu, drones, armée en renfort, union nationale, enrôlement des travailleurs en dépit du droit du travail, tout est fait, au fil des jours de pandémie, pour ouvrir de nouvelles offensives sur le terrain des droits démocratiques au profit d’un Etat d’urgence aux pouvoirs écrasants. L’objectif est clair, masquer les carences coupables du gouvernement en matière de protection sanitaire de la population et préserver l’économie capitaliste, dût-il en coûter des milliers de morts.

Les premiers atteints par les mesures dites « d’urgence sanitaire » sont évidemment ceux qui sont en première ligne de la lutte contre le Covid-19 et du maintien des conditions de vie de la population : soignants, personnels des transports, de la voierie, de l’énergie, des services publics, en général. C’est eux qui payent un lourd tribut à l’intérêt général et c’est à eux que Macron, tout en entonnant hypocritement le chant des « héros », porte des coups mortels. Eux qui ne ménagent ni leur temps ni leurs efforts, mais enragent devant le manque de moyens dont un gouvernement conscient les a privés.

C’est cette situation, aussi écœurante que dramatique, que dénonce la fédération CGT des services publics qui compte 85 000 adhérents sur toute la France. Dans un courrier adressé le 23 mars à Muriel Pénicaud, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, ministre de la fonction publique, cette fédération a lancé un préavis de grève pour toute la durée du mois d’avril. Elle entend, de cette manière, protester contre « les mesures antisociales » prises dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire. Au-delà de la légitime dénonciation du travail imposé dans des secteurs d’activité non essentiels, au mépris des droits des travailleurs, c’est plus largement la multiplication des risques de propagation de l’épidémie qui est directement posée.

Le 26 mars, la Fédération Nationale des syndicats SUD Santé Sociaux se saisit ouvertement de cette question en mettant en avant un véritable plan d’urgence sanitaire vu, non pas par la lorgnette de Macron et du patronat, mais par les travailleurs de la santé. Pour appuyer ses revendications, elle dépose un préavis de grève national jusqu’au 31 mai 2020 et annonce : « Nous renouvellerons ce préavis tant que durera l’état d’urgence sanitaire COVID-19… Ce préavis concerne l’ensemble des personnels de notre champs de syndicalisation qu’ils travaillent dans le secteur public ou privé, médicaux et non médicaux pour : - les hôpitaux, cliniques, maisons de santé, maisons de retraite, de cure, des soins de suite, les laboratoires, officines pharmaceutiques, cabinets paramédicaux, EHPAD, services d’aide et de soins à la personne. - l’ensemble des structures relevant des secteurs sanitaires. »

Si les travailleurs et certaines de leurs organisations syndicales en sont ainsi réduits à envisager de devoir faire grève pour contraindre le gouvernement à entendre ce qu’ils réclament à cor et à cri, c’est que l’urgence à répondre aux coups de boutoir du gouvernement et aux conséquences catastrophiques de sa gestion de la crise sanitaire se pose humainement et politiquement, de manière de plus en plus aigüe, et vitale, chaque jour.

Contre la pseudo indignation du pouvoir et des médias, un réquisitoire accablant

La réaction ne s’est pas fait attendre aussi bien en haut lieu gouvernemental que dans les médias. La campagne d’intox à la « guerre » contre l’ennemi Covid-19 et le climat d’union nationale qu’il est censé porté est prêt à entrer en batterie. La bataille de l’opinion rebondit et nul doute que les attaques vont être acharnées. Tellement facile de jouer sur la peur et la mort, le devoir et le sacrifice… !

C’est d’abord le gouvernement qui a donné le signal du départ, à la réception du préavis de la Fédération CGT. Dussopt, ministre des services publics, prudent sur la forme, attaque sur le fond en déclarant : « Nous prenons acte du préavis, même si nous avons dit à cette fédération notre surprise et notre sentiment que c’était un préavis inopportun. » LR vient également à la rescousse : Le Parisien relate l’indignation du président du groupe les Républicains à l’Assemblée Nationale, Damien Abad qui qualifie la démarche de « lamentable » : « Appeler à la grève dans les circonstances actuelles alors que les personnels soignants ne comptent pas leurs heures, cela revient à faire un bras d’honneur à tous ceux qui font en sorte de maintenir le pays à flots ».

Des crachats comme ça, ils en ont des tonnes dans leur besace et ils ne vont pas manquer de les sortir au nom de la sacro-sainte union nationale contre le coronavirus. Mais ce qu’oublient Abad et les autres qui ne manqueront pas de lui succéder, c’est que ce sont justement « ces personnels soignants qui ne comptent pas leur heures » qui sont les premiers à dénoncer les manquements graves du gouvernement. Le réquisitoire des travailleurs des services publics, notamment dans le secteur de la santé, pèse bien plus lourd que les insinuations du gouvernement.

De son côté, Philippe Martinez, tout en assurant la fédération des services publics de son soutien demeure réservé dans ses propos. Loin de renchérir, en tant que dirigeant de la CGT, il cantonne l’appel de la fédération CGT des services publics à une dimension sectorielle en précisant que « sans être généralisé, [l’appel] vise les secteurs ou les protections ne sont pas assurées comme cela se fait déjà dans d’autres secteurs comme la métallurgie et l’industrie ». Face à Macron « estimant que ce n’était pas le moment de déposer des préavis de grève », Philippe Martinez a, selon le journal L’Opinion, conservé « un ton très modéré » et éprouvé le besoin de préciser que l’appel « intervenait après l’échec de plusieurs alertes sanitaires émanant des fonctionnaires territoriaux. ».

Pourtant, ce que l’on aurait pu attendre des dirigeants syndicaux, et particulièrement de Philippe Martinez, directement concerné, c’est une réponse cinglante à la hauteur d’une crise sanitaire sans précédent que le gouvernement ne trouve le moyen de gérer que par une offensive historique contre le droit du travail. A la vertueuse indignation de ces Messieurs, il aurait suffi de répondre par la description détaillée de la réelle « urgence sanitaire » que vivent tous les jours les soignants et que décrivent aussi bien le préavis de la fédération CGT que celui de SUD Santé.

Notre « Etat d’urgence sanitaire » n’est pas le leur !

Oui, l’état d’urgence sanitaire il est là, tel que le décrivent la CGT services publics ou SUD santé sociaux : « le manque d’équipements de protection individuelle et l’absence de tests médicaux, alors que jamais les armes de guerre militaire ou anti-manifestants (LBD, gaz…) ne sont en rupture de stock »« Nous voyons les collègues tomber les uns après les autres. Les agents réquisitionnés pour l’accueil des enfants dans les écoles et les crèches sont en contact direct avec le personnel hospitalier. Mais il n’y a aucun masque de protection ni gants à leur disposition. Un peu de gel hydro-alcoolique, et c’est tout.. ».

L’Urgence sanitaire, c’est le constat qui se généralise : l’absence de tests, de masques, de gels, de lits, de matériel respiratoire, de personnels soignants…et in fine l’obligation pour les médecins de choisir ceux à qui on offrira la survie et ceux à qui on la refusera. Détourner sur les épaules des professionnels la lourde responsabilité qui incombe à l’Etat, aller jusqu’à bloquer l’exercice du droit de retrait et déréguler totalement les horaires de travail, sont des attaques intolérables qui justifient d’imposer au moyen de la grève, leurs légitimes revendications.

En la circonstance, il ne s’agit ni de négocier, ni non plus, de jeter la balle dans le camp du gouvernement, comme le fait Philippe Martinez en lui réclamant la liste « des activités non essentielles à la survie du pays ». Face à la radicalisation du patronat, il faut, tout au contraire, imposer la fermeture de ces activités par tous les moyens, y compris la grève, et ce en toute indépendance du gouvernement et du patronat. C’est ainsi que, sous la pression à la base des travailleurs des services publics qui se retrouvent au front, la fédération CGT en déposant un préavis, ouvre la voie. Et même « s’il ne s’agit pas d’un appel à la grève mais d’un préavis de couverture, une possibilité offerte en dernier recours à chacun de nos personnels de faire valoir leurs droits s’ils ne se sentent pas protégés » comme l’affirme Natacha Pommet, secrétaire générale de la fédération CGT des services publics, cette initiative suffit à mettre Macron dans l’embarras.

Pour écarter le danger de voir une convergence se mettre en place et un mouvement d’ampleur s’enclencher, le gouvernement tente, dans le cadre d’une union sacrée des plus fragiles de réhabiliter le « dialogue social » comme en témoignent ses réunions téléphoniques répétées avec les directions syndicales et le patronat, pour éviter tout embrasement à la base comme pourrait le présager la multiplication des droits de retraits collectifs. Ce n’est pas par hasard s’il a immédiatement commenté le dépôt de préavis de la CGT Services publics en ces termes : « toutes les fédérations syndicales ont suspendu les préavis de grève en cours ou ont renoncé à déposer un nouveau préavis pour le mois d’avril prochain. » Sous-entendu, « vous êtes les seuls… vous allez à l’encontre de l’intérêt général qu’ont bien compris vos collègues… ». Manque de chance pour lui, le dépôt de préavis de SUD santé sociaux qui a suivi dans la foulée, lui apporte un premier démenti.

La balle est donc désormais dans le camp des organisations syndicales et partis du mouvement ouvrier. Se plier aux injonctions du gouvernement qui tente de discipliner les consciences sous couvert « d’état d’urgence sanitaire » ou, au contraire, converger pour imposer un plan d’urgence dans l’intérêt des travailleurs - syndiqués et non syndiqués, du public ou du privé- et de la population - jeunes et moins jeunes, avec ou sans papiers, avec un toît sur la tête ou livrés à la rue – tel est le choix vital auquel nous sommes toutes et tous confrontés. Même en période de pandémie et de confinement la grève est possible : les travailleurs italiens viennent de le démontrer par une vague de grèves en plusieurs points du pays et une journée de forte mobilisation le 25 mars pour dire que la santé des travailleurs et la lutte contre la maladie passe avant les profits. Puisque nous les suivons à quelques jours de distance pour le pire, pourquoi ne pas les suivre aussi rapidement pour le plus juste et le plus nécessaire.


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