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Université d’été révolutionnaire et internationaliste #2

Crise climatique, « capitalisme vert » et stratégie révolutionnaire

Lors de cette deuxième université d’été révolutionnaire de la Fraction Trotskyste – Quatrième Internationale, deux ateliers importants ont traité de la nécessité d’une stratégie socialiste révolutionnaire pour combattre le changement climatique.

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Les problèmes environnementaux ne sont pas tout à fait nouveaux pour l’humanité mais, dans les dernières décennies, ils ont pris une nouvelle dimension au vu de leur ampleur et de leur intensité. Ce contexte impose urgemment aux socialistes révolutionnaires de discuter d’une stratégie pour en finir avec la cause du changement climatique et de la destruction de l’environnement : le système capitaliste. Cela ne signifie rien d’autre que de renouveler la perspective du combat pour le communisme et pour une société planifiée démocratiquement.

Cette perspective a été débattu dans deux ateliers-débats importants durant la deuxième université d’été révolutionnaire de la Fraction Trotskyste – Quatrième Internationale (FT-QI) – dont sont membres les militants de Révolution Permanente, organisée par ses sections européennes, qui s’est tenue du 3 au 8 juillet dans l’Aveyron.

Le vendredi 5 juillet, deuxième jour des débats, Jason et Irène, militants de la Marxistische Jugend München (Jeunesse Marxiste Munich) ainsi qu’Andrès membre de la Revolutionäre Internationalistische Organisation (RIO – Organisation révolutionnaire internationaliste) à Berlin organisaient un atelier sur le marxisme, l’environnement et les mobilisations de jeunesse pour le climat. Deux jours plus tard, durant le quatrième jour de l’université d’été, Diego Lotito, membre du Corriente Revolucionaria de Trabajadores / Courant Révolutionnaire des Travailleurs (CRT) à Madrid, a discuté du changement climatique, du capitalisme vert et des stratégies des capitalistes face à la catastrophe imminente pour les peuples du monde entier.

L’atelier du vendredi a commencé avec un rapport sur l’évolution de la crise écologique et des réactions à y apporter. A l’initiative de la jeune Suédoise Greta Thunberg, le mouvement des Fridays for Future a commencé, il y a quelques mois, à organiser des grèves scolaires. Le mouvement a utilisé la méthode de la « grève », avec une composition très jeune, dirigé par de jeunes lycéens et étudiants, de la soi-disant « Génération Z » (des jeunes entre 13 et 20 ans).

L’extension massive de l’industrie capitaliste, en particulier suite à la mondialisation croissante de la production, de la circulation et de la consommation dans sa phase néolibérale, a promis à la planète et à une grande partie de l’humanité un futur pétri de catastrophe naturelle, de pénurie de ressources essentielles, de difficultés importantes pour les travailleurs et pour les masses du monde entier.

Une des raisons principales à cela est la croissance exponentielle des émissions de gaz à effet de serre (comme le dioxyde de carbone – CO2 – le méthane, les hydrofluorocarbures, et d’autres gaz nocifs), qui est le résultat de la croissance anarchique de l’industrie et des transports dans le système de production capitaliste.
Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC), une organisation qui s’est spécialisée dans la surveillance et l’évaluation du phénomène, a établi qu’avec des émissions continues de cet ordre, le monde connaîtrait dans les prochaines décennies le changement climatique le plus brutal de ces 10.000 dernières années. Un tel bouleversement aurait des conséquences écologiques et sociales désastreuses sans commune mesure.

Aujourd’hui déjà, le changement climatique est la cause la plus courante de migration forcée : plus de 20 millions de personnes fuient les sécheresses, les inondations et la désertification, à côté d’autres conséquences comme la multiplication de phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, cyclones tropicaux, typhons et ouragans, qui font des milliers de victimes comme en Amérique centrale ou au Mozambique), phénomènes de canicule, à l’origine de feux incontrôlables qui détruisent des villes entières, des inondations massives – qui touchent 41 millions de personnes en Asie du Sud – ou des sécheresses catastrophiques – comme celles qui ont causé le déplacement forcé de 760.000 personnes en Somalie. A cela s’ajoute la hausse du niveau des mers suite à la fonte des glaciers ou de la fonte partielle des calottes polaires avec pour conséquence l’inondation de terres arables et la salinisation des nappes phréatiques dans les régions côtières.

Le changement climatique et la crise du cycle du carbone, de l’eau, du phosphore et de l’azote, l’acidification des fleuves et des océans, la perte croissante et accélérée de la biodiversité, l’évolution des modes d’occupation des terres et la pollution chimique ne sont que quelques-unes des pires manifestations d’une situation inédite pour l’humanité : la tendance au délabrement de ses conditions naturelles de production et de reproduction.

Cette dynamique destructrice pour l’environnement est en rapport direct avec la détérioration des conditions de vie de centaines de millions d’êtres humains qui souffrent de la misère, du chômage, de contrats de travail précaires, grâce à quoi le capitalisme assure sa rentabilité et sa reproduction.

Conscients de cette réalité, les jeunes protagonistes du mouvement des Fridays for Future ont mis la question environnementale à l’agenda politique des grandes puissances européennes. Mais malgré toute cette démagogie, les gouvernements des États capitalistes empêchent tout réel débat et surtout toute intervention efficace face à la catastrophe qui nous menace. Comme le disait Irene : « Le mouvement a politisé des grandes franges de la jeunesse, qui commencent à faire des expériences avec l’État et le système . »

Concernant le mouvement étudiant dans les universités et les grandes écoles, Andrés faisait remarquer que « le centre de gravité du mouvement se situe certes dans les collèges et lycées, pourtant le mouvement étudiant dans certains pays comme en Allemagne, dans plusieurs villes, est entré en action et a organisé de grands rassemblements, ce qui s’était à peine produit dans cette décennie. » De toute évidence, les réactions des forces politiques bourgeoises ont été, et seront, complètement insuffisantes.

Il n’y a pas d’issue à la crise globale de l’environnement dans le capitalisme

Face à ce scénario, le capitalisme oscille entre deux stratégies : d’un côté une campagne de dénigrement des preuves scientifiques, qui présente ces dernières comme une « idéologie » plutôt que comme des faits, et d’autre part la promotion d’un capitalisme « vert » ou « durable », qui favorise des accords internationaux, qui ne sont qu’une vaste fumisterie. Avec cette stratégie, ses partisans mettent en avant un aménagement partiel et limité du système de production, alors qu’ils ne font que préserver et renforcer le modèle de l’accumulation et de l’exploitation capitaliste. Une sous-variante de cette stratégie est incarnée par ce que l’on pourrait appeler le « réformisme environnemental » ou par les représentants du « Green New Deal », dont les idées vont de l’impulsion de programmes sociaux-démocrates à la proposition que les grands groupes responsables de la crise écologique actuelle développent l’infrastructure pour éviter la catastrophe. Une politique qui vise, dans le même temps, à coopter l’insatisfaction des jeunes qui s’organisent, pour faire face aux causes et aux conséquences de la crise environnementale.

Le champ des climato-sceptiques va de Trump au Parti Républicain et au Tea Party aux États-Unis jusqu’à des secteurs minoritaires de scientifiques. Mais le noyau dur de cette variante se situe dans les grandes entreprises, qui sont responsables en premier lieu de l’émission de gaz nocifs qui causent la hausse des températures.
Même s’ils mènent cette campagne de déni, les grands capitalistes sont pourtant totalement conscients des conséquences inévitables du changement climatique et de ses répercussions en termes de politique sociale, et se préparent à y réagir dans les domaines de la « sécurité » et de la politique extérieure.

Comme Diego l’expliquait, « les secteurs les plus concentrés du capital s’adaptent militairement depuis des années au changement climatique, dont les effets sont vus comme des risques insécurités politiques et nationales pour les classes dominantes. Il y a en effet déjà des dizaines d’études de stratèges militaires et d’entreprises, qui analysent les différents scénarios possibles et font des propositions sur la façon de s’y préparer : avec plus d’armées, et de forces de sécurité privées, qui en définitive peuvent protéger les archipels de prospérité au sein d’océans de misère et de destruction. »

Comme contrepartie au climato-scepticisme est mis en avant le « capitalisme vert », dont les rangs s’étendent du Parti Démocrate aux États-Unis, à Angela Merkel, Emmanuel Macron, en passant par diverses entreprises capitalistes florissantes, des organisations internationales jusqu’à des écologistes et des ONG.
Dans une sorte de combinaison entre néo-libéralisme, néo-keynésianisme et « économie verte », ils condamnent le réchauffement global et s’entendent, lors d’onéreux sommets sur le climat, sur des mesures de protection de l’environnement, de contrôle et de réduction des émissions qui ont moins de valeur que le papier sur lequel elles sont inscrites.

Une des mesures les plus récentes dans ce domaine a été évoqué par Marco de RIO : le gouvernement Merkel veut introduire, en alliance avec les verts, une taxe sur les émissions de CO2. Cette taxe conduirait – soi-disant pour orienter l’industrie vers un tournant écologique – à une augmentation des prix et gèlerait ainsi le pouvoir d’achat de la classe ouvrière. « Si nous, les jeunes, voulons nous allier avec la classe ouvrière – les seuls qui peuvent transformer le mode de production dans un sens écologiquement supportable – nous ne pouvons pas le faire avec un programme hostile aux travailleurs. »
Au sein de ce « capitalisme vert », il existe une variante réformiste, qui a gagné beaucoup de poids : les « partis verts ». Même s’il s’agit d’un phénomène hétérogène, soumis à une logique de pression institutionnelle et à une stratégie réformes progressives en accord avec les États capitalistes et les entreprises, les Verts ne posent aucune perspective de dépassement du capitalisme. Dans beaucoup de ces partis prédomine la logique qu’il est nécessaire, comme solution au problème écologique, d’adopter une perspective de changement du comportement individuel. Une logique, qui n’est pas seulement utopique, mais qui surtout, renforce le credo de l’idéologie bourgeoise qui veut que « les gens soient personnellement responsables de la crise ».

Dans ce contexte, le « Green New Deal », porté, entre autres, par la jeune députée nord-américaine Alexandria Ocasio-Cortez et le dirigeant du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, a gagné en influence ces derniers temps. Le « Green New Deal » est présenté comme une variante « progressiste » mais fonctionne en réalité dans les coordonnées du capitalisme vert et propose que les grands groupes milliardaires, ceux qui sont responsables de la crise écologique, développent les infrastructures pour sortir de la catastrophe... et obtiennent pour cela de substantielles subventions.

L’idée derrière la perspective du « Green New Deal » est que les gouvernements des grands pays industriels, s’ils prennent conscience de la situation, seraient en capacité, main dans la main avec les entreprises, de prendre des mesures drastiques pour se saisir de la protection de l’environnement.
Mais l’illusion que la contradiction entre intérêts capitalistes, protection de l’environnement et la vie de centaines de millions de personnes peut être surmontée est utopique et réactionnaire.

Bien qu’il ne puisse pas s’établir en dehors des lois naturelles, le mode de production capitaliste est, et de différentes manières, en totale contradiction avec la nature et les cycles de développement naturels. Comme Diego du CRT argumentait, « ce n’est pas une irrationalité capitaliste qui est à l’origine de cette forme de développement prédatrice pour l’environnement mais bien sa logique inhérente/intrinsèque. Il s’agit de l’inévitable résultat d’un système économique dont le moteur est la soif de profit des classes dominantes, même si cela signifie la destruction de l’environnement et de la vie de milliards de travailleurs et de paysans dans le monde entier. »

Stratégie et sujet du combat pour l’environnement

À quoi ressemble la stratégie de la gauche révolutionnaire face à la crise écologique ? C’est une des questions qui a traversé ces ateliers. A gauche du réformisme bourgeois et de l’initiative démagogique du capitalisme vert, il n’existe pas de large mouvement écologique de gauche : un courant hétérogène qui va du mouvement pour la justice climatique, en passant par « l’écologisme des pauvres » (« Environmentalism of the poor ») jusqu’à l’écosocialisme, avec peu de délimitations entre eux. Ce sont des courants qui ont fourni un travail important en liant la question environnementale avec le combat de secteurs populaires, et de manière générale avec la perspective d’un dépassement du capitalisme.

Parmi toutes les différences entre ces courants, les ateliers ont discuté en particulier de deux questions stratégiques qui sont problématiques d’un point de vue socialiste révolutionnaire.

Un thème central est celui de l’adoption de perspectives décroissantes dans de larges franges de ces mouvements. Ce courant, aussi appelé « objecteurs de croissance » ou « mouvement de l’après-croissance » ou encore « post-croissance ». Il s’est renforcé en réaction à trois décennies de néo-libéralisme, à l’approfondissement de la catastrophe climatique et écologique qui a été accélérée par le capitalisme et le modèle de « société de consommation de masse » dans les pays impérialistes. Mais, dans le même temps, ce courant se positionne comme une critique du marxisme, identifié au stalinisme qui dans ses différents régimes, en Chine ou en URSS, a commis nombre d’atrocités environnementales.

L’approche « décroissante », popularisée par des intellectuels comme l’économiste français Serge Latouche, propose un changement individuel du modèle de consommation, souvent sans égard aux inégalités sociales entre les individus, c’est-à-dire s’il s’agit, par exemple, de personnes issues de la bourgeoisie ou de la petite-bourgeoisie des grandes métropoles impérialistes ou de travailleurs ou de paysans précaires des pays opprimés. Au-delà de cela, la « décroissance » met en avant, comme une soi-disant antithèse de la croissance inhérente au système capitaliste, une croissance négative, sans se soucier de quels secteurs industriels pourraient faciliter et enrichir la vie sur Terre.

Même si plusieurs secteurs présentent cette perspective d’un point de vue populaire, et même écosocialiste, de nombreux mouvements écologistes adoptent une position malthusianiste. C’est-à-dire qu’ils partent du principe que les ressources naturelles sont limitées, ce qui rend à leurs yeux toute forme de croissance économique, par nature, mauvaise, puisqu’elle use de ressources naturelles, qui s’épuisent au cours du temps. Ces mouvements ont été fortement influencés par Paul R. Ehrlich, le fondateur de l’éco-conservatisme.

Lors du débat avec le public, il a été précisé à juste titre, que dans une économie démocratiquement planifiée par les travailleurs, la décision de savoir si un secteur industriel nécessite d’être développé ou, au contraire, d’être réduit, serait bien plus simple et efficace. Le fait de ne pas prendre en compte le caractère de l’État, ou quelle classe favorise la (dé)croissance, est un des gros manques de cette stratégie.
Pour aller à l’essentiel et poser la question centrale de ce qui oppose la stratégie de la « décroissance » et la stratégie du marxisme révolutionnaire, nous pouvons dire que la première à poser est celle de la tentative utopique et réactionnaire, face à la catastrophe sociale de « tirer le frein » (Walter Benjamin) – et bien entendu pas par la révolution mondiale comme voie vers le communisme mais par le refus du progrès de la science, de la technologie et de la productivité.

Dans ce débat, il ne s’agit pas de croissance ou de « non-croissance » mais de quelle forme de croissance – ce qui implique de savoir qui la contrôle. C’est-à-dire qui contrôle les ressorts de l’économie ? Autrement dit, le problème n’est pas économique – ou plutôt pas juste économique – mais fondamentalement politique. Qui possède le pouvoir politique et, par là, l’économie ?

Vient ensuite un second problème, à savoir la question du sujet du combat pour l’environnement. Le courant de l’écologisme des pauvres, en particulier, insiste sur le fait que les groupes paysans indigènes se sont souvent développés de manière durable avec la nature. De là, ils proposent un écologisme agraire ou « néo-narodnik » [NdT : le mouvement narodnik est un mouvement d’inspiration socialiste qui a eu une influence importante dans la Russie de la fin du 19e siècle et du début du 20e qui mettait en avant la paysannerie plutôt que la classe ouvrière, au contraire des marxistes, et cherchait à établir des communautés socialistes agraires. Ses organisations ont également mis en avant l’organisation d’attentats terroristes pour « précipiter » la Révolution. Le parti socialiste-révolutionnaire (SR) qui entre dans le gouvernement bourgeois suite à la Révolution de février 1917 est issu de ce courant.] , même s’ils s’inspirent davantage des combats écologistes et paysans d’Amérique latine (comme celui de Chico Mendes au Brésil ou des zapatistes mexicains) que de l’exemple russe des Narodniks. Il s’agit là d’une perspective qui est liée à la stratégie « décroissante », à l’idéalisation de la vie paysanne et au retour à de vieilles solutions utopiques pré-marxistes, qui proposaient de vivre dans des communautés agricoles ou de cultiver des jardins communautaires.

Du point de vue du combat contre la destruction de l’environnement, il est indéniable que la paysannerie et les peuples indigènes des pays semi-coloniaux sont des acteurs importants à une échelle globale. Dans la plupart des cas ils sont directement touchés (dans leurs conditions de vie et de reproduction sociale) par les activités environnementalement destructrices du capital. Un processus de réelle « accumulation par l’expropriation » pour reprendre le concept du géographe marxiste David Harvey. C’est-à-dire l’utilisation de méthodes de l’accumulation primitive pour préserver le capitalisme.

Le combat contre ces mécanismes d’expropriation ne se déroule pas pacifiquement, loin s’en faut. Ces mouvements ont commis des centaines d’attentats et ont connu des processus de lutte particulièrement radicaux.
On peut dire à juste titre, que bon nombre de ces secteurs sociaux, dans de nombreuses régions, ont été un obstacle matériel pour la poursuite de mégas-projets, qui détruisent l’environnement, aussi appelés en France (Grands Projets Inutiles). Pourtant, pour trouver une solution d’ensemble efficace face à la menace environnementale globale du capitalisme, le centre de la lutte ne peut pas se situer à la campagne, mais dans les villes et dans les grands centres capitalistes. Le sujet central de cette lutte est la classe ouvrière urbaine.

Cela tient à ce que la contradiction entre le capital et le travail n’est pas juste une des nombreuses contradictions qui caractérisent le système de production capitaliste, mais celle qui le structure. C’est pourquoi le prolétariat, s’il se dote d’une politique hégémonique et non pas corporatiste, est la seule classe qui peut réellement articuler une alliance anticapitaliste. Les révolutionnaires doivent avoir une stratégie, pour forger cette alliance et combattre pour un programme anticapitaliste.

Dans ce domaine, le courant écosocialiste avance que les travailleurs sont « une » force essentielle pour toute transformation radicale du système. Mais une force parmi tant d’autres, juste un autre sujet qui doit se rattacher au reste du mouvement. Le problème est, que sans hégémonie ouvrière – c’est-à-dire sans que la classe ouvrière dirige une alliance avec le reste des opprimés avec ses méthodes de lutte et son programme – il n’ y a pas de possibilité de vaincre. La stratégie écosocialiste ignore cette question et est de ce point de vue utopique.

Programme révolutionnaire et perspective communiste

Face à une perspective totalement irrationnelle qui nous est proposée par le capitalisme, la nécessité de mesures drastiques et de mesures d’urgence saute aux yeux. Et celles-ci ne peuvent émerger que d’une planification rationnelle de l’économie mondiale. Ou, comme dirait Marx, à travers « l’introduction de la raison dans le domaine des relations économiques ».

Une perspective pour laquelle la Fraction Trotskyste – Quatrième Internationale (FT-QI) doit se battre au sein du mouvement ouvrier, des mouvements de la jeunesse et dans le mouvement pour le climat. En tant que trotskystes, nous devons expliquer, que face à la farce des sommets climatiques, et de la promesse d’un « capitalisme vert », il est nécessaire d’établir un programme transitoire, qui vise à une restructuration complète sur des bases rationnelles et écologiques de la production, de la distribution et de la consommation.

Parvenir à un tel programme, dans le cadre du capitalisme, est de toute évidence impossible. Un tel programme réclame une stratégie révolutionnaire, qui se confronte de manière déterminée aux responsables de la catastrophe. Pour lutter pour la justice climatique, les jeunes, qui descendent aujourd’hui dans les rues du monde entier, doivent radicaliser leur programme, pour porter la seule perspective réaliste pour surmonter la catastrophe : la montée de la lutte de classe pour renverser le système capitaliste et faire passer tous les domaines de l’économie mondiale dans les mains de la classe ouvrière.

La majorité de la population ne partage pourtant pas cette perspective. Pas même les jeunes qui se sont politisés et mobilisés à travers le problème du climat. Un des aspects politiques, qui ont été abordés dans les ateliers, a d’ailleurs été la nécessité de continuer à intervenir, sans sectarisme, dans le mouvement des Fridays for Future. Différentes interventions, qui reconnaissaient les limites du mouvement, de son programme et son orientation à dominante libérale ou réformiste, soulignaient par ailleurs son caractère international et la force de la jeunesse, qui s’est mobilisée pour une idée si grande.

« Le programme transitoire que nous devons développer, ajoutait Andrés, doit dialoguer avec la conscience actuelle du mouvement et essayer de gagner une fraction pour une perspective révolutionnaire. Il a été annoncé que Greta Thunberg et d’autres figures du mouvement appellent à une "grève générale"pour le 20 septembre. Nous devons, en tant que révolutionnaires, dire ouvertement que si l’on veut mettre le monde à l’arrêt pour combattre le changement climatique, nous devons nous allier au mouvement ouvrier et contraindre la bureaucratie syndicale – un appui essentiel pour l’impérialisme dans un pays comme l’Allemagne - qu’elle mobilise les syndicats et appelle à des grèves politiques. C’est-à-dire, qu’il nous faut mener un combat important contre le corporatisme aussi bien dans le mouvement étudiant que dans le mouvement ouvrier. »

Il existe une base importante pour le combat pour une fraction révolutionnaire du mouvement, qui essaye de lier le combat climatique aux autres luttes que nous menons tous les jours : contre l’impérialisme, contre les régimes racistes, contre les oppressions sexistes et contre les personnes LGBT ou les combats que nous menons dans les syndicats contre la précarité et l’exploitation capitaliste. Nous menons ces luttes dans le cadre d’une stratégie révolutionnaire et internationaliste, dont le centre de gravité est la lutte des classes. Ce n’est qu’ainsi que les objectifs d’un mouvement comme les Fridays for Future peuvent être atteints.

L’irrationalité du système de production capitaliste et de son modèle de production/consommation a été poussé si loin que l’équilibre naturel de la planète et avec lui l’existence de franges considérables de l’espèce humaines et de millions d’autres espèces sont sérieusement menacées.

De nombreux scientifiques et écologistes caractérisent notre époque comme un temps de crise civilisationnelle, à laquelle il n’y aurait aucune issue et à laquelle nous devons, d’une manière ou d’une autre, nous habituer. Cette perspective ne peut être balayée d’un revers de main. Mais même dans ce cas extrême, le problème reste le même : l’adaptation se fera sous l’égide du capital ou de la majorité dépossédée de la société.
Face à la catastrophe, le capitalisme ne fait pas qu’essaimer la peur (qui est la base pour les politiques sécuritaires évoquées plus haut), il nie aussi toute perspective émancipatrice. Au cinéma, à la télé, on voit fleurir un déferlement de dystopies : il est plus facile de se représenter un monde catastrophique, post-nucléaire, des invasions extra-terrestres voire des zombies qu’une société qui garantit rationnellement la survie de la planète, de l’humanité et de toutes les espèces.

De ce point de vue, la question écologique fait apparaître le combat pour le communisme sous un jour nouveau avec comme seul moyen de sauver l’humanité et la planète : un combat au sein duquel la classe ouvrière doit se positionner comme sujet hégémonique, en prenant en main les revendications écologiques, pas seulement comme une partie du combat pour l’amélioration des conditions de vie mais comme une solution progressiste à la crise civilisationnelle que le capitalisme prépare.

Article réalisé sur la base des ateliers et présentations d’Andrés Garcés de RIO en Allemagne et de Diego Lotito du CRT dans l’Etat espagnol. Ces ateliers seront prochainement publiés sur la chaîne YouTube de Révolution Permanente.


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