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Crise aux Etats-Unis. Donald Trump officiellement candidat pour le Parti républicain

Jeudi, lors de la quatrième et dernière journée de la Convention nationale républicaine (RNC), Trump a prononcé son discours d’acceptation à la Maison Blanche devant ses partisans, qui ont tenté de le présenter comme une figure de stabilité dans un paysage politique et économique chaotique.

Carla Biguliak

28 août 2020

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Pendant quatre jours, la terreur anticommuniste, le racisme, la ferveur religieuse et le népotisme ont prévalu lors de la convention nationale républicaine, qui s’est déroulée du 24 au 27 août, avec Trump et sa famille en tête, de nombreux drapeaux étasuniens en arrière-plan, et presque pas de public.

Si la convention a principalement ciblé le noyau dur de la base électorale de Trump, déjà convaincu, elle a également cherché à cibler des niches qui pourraient faire la différence, comme les franges arriérées de l’ancienne classe ouvrière blanche des « swing states » qui se sont abstenues de voter en 2016 ; et un électorat de classe moyenne aisée, principalement féminin et conservateur qui, lors des élections de mi-mandat de 2018, s’est penché sur le parti démocrate.

Politiquement, des formules telles que America First et Make America Great Again continuent de dominer le discours, synthétisant l’orientation protectionniste et relativement isolationniste de Trump. Ces slogans se traduisent en pratique par une campagne anti-chinoise brutale, et une réaffirmation unilatérale de l’impérialisme américain. Nous assistons ainsi à une sorte de course à l’armement absurde entre les démocrates et les républicains pour savoir qui peut être le plus xénophobe (ou « dur ») envers la Chine, ce qui est extrêmement dangereux à l’heure où les tensions entre ce pays et les États-Unis ne cessent de croître.
 

Une forte campagne anticommuniste et raciste

Pendant ces quatre jours, plusieurs discours alarmistes ont été prononcés contre le danger communiste qui menace le pays. Décrivant John Biden et Kamala Harris comme des révolutionnaires marxistes purs et durs, les républicains cherchent à affirmer que la « gauche radicale » a pris le contrôle du Parti démocrate, exagérant grossièrement le pouvoir de la « gauche » aux États-Unis et donnant une image extrêmement détachée de la réalité, puisque les démocrates sont et seront toujours fermement aux mains du grand capital.

Cette stratégie de « red-baiting » (discréditer un adversaire en en faisant un « rouge ») prouve que les républicains continuent d’attaquer ouvertement les programmes sociaux, comme l’accès universel à la santé. Si cela n’a rien de nouveau, puisque cela fait partie de leur ADN, la bourgeoisie républicaine doit répondre à des inquiétudes renouvelées au milieu d’une pandémie et d’une crise économique qui ont particulièrement frappé le pays en raison précisément de l’absence de politiques publiques et des immenses inégalités qui frappent les États-Uniens. En d’autres termes, en pleine pandémie, les républicains proposent fièrement un programme qui engendrerait davantage d’attaques contre la classe ouvrière et dégraderait les conditions de vie et de travail, ce qui aurait un impact disproportionné sur les travailleurs et travailleuses noir.e.s et LGTB.

Mais ironiquement, le « red-baiting » n’était pas la seule tactique des orateurs : plusieurs interventions ont également critiqué le mouvement antiraciste avec une forte teinte alarmiste, accusant le mouvement Black Lives Matter de la déstabilisation sociale actuelle. Il est intéressant de noter que le RNC a réuni plusieurs personnes noires pour expliquer comment, en réalité, Trump est celui qui soutient la communauté noire, dans une tentative évidente d’apaiser la conscience des électeurs des banlieues qui ne se considèrent pas racistes mais qui ne veulent pas que les manifestations dans les rues « aillent trop loin ».

Les républicains ont déclaré que les démocrates avaient permis à l’anarchie de régner dans les États sous la direction de leur parti, malgré l’immense répression que ces gouverneurs et maires démocrates ont infligée aux manifestants. Pourtant, cette semaine même, les dirigeants démocrates du Wisconsin ont instauré un couvre-feu et déployé la garde nationale pour réprimer les manifestations de solidarité avec Jacob Blake. Dans son discours, le républicain Rudy Giuliani s’est montré particulièrement dur envers le maire de New York, Bill de Deblasio, qu’il a accusé d’être trop doux envers les manifestants et d’être responsable de l’augmentation du taux de criminalité dans la ville. Le discours de Giuliani a culminé par un cri de ralliement qui allait résonner dans le reste des discours de la soirée : « Make America Safe Again ».

 

Religion, féminisme de droite et campagne contre l’IVG

La plupart des discours prononcés lors de la convention, surtout le deuxième jour, visaient en particulier les chrétiens évangéliques, dont 81 % ont voté pour Trump en 2016 et sont restés de fervents partisans, avec une campagne enragée contre l’avortement. Et aussi aux femmes conservatrices, d’un « féminisme de droite » bien particulier, promu par Ivanka Trump et la première dame, qui pose l’oxymoron de revendiquer le droit de choisir l’oppression du genre.

Pratiquement tous les intervenants ont mentionné les « enfants à naître », le droit à la vie et le prétendu soutien du Parti démocrate à la distribution de « médicaments provoquant l’avortement », prétendant ainsi montrer aux électeurs de droite que Trump continuera à s’attaquer au droit à l’avortement et à être un allié du mouvement « pro-vie ».
 

Donald Trump, le président de la crise

La quatrième et dernière nuit du RNC visait à positionner Trump - et le Parti républicain - comme une force politique capable de guider les États-Unis à travers une période de crise turbulente tant au niveau national qu’international. Ils ont spécifiquement abordé la réponse de Trump à la fois à la pandémie et à la crise économique, en mentant sur les « succès » de Trump alors que le nombre de morts de Covid-19 aux États-Unis dépasse les 181 000 victimes et que des millions de personnes à travers le pays se retrouvent sans emploi, incapables de payer leur loyer et confrontées à la perte des allocations de chômage.

Dans le but de gagner des secteurs de la classe moyenne blanche qui sont sur le point d’abandonner Biden, les républicains cherchent à présenter Trump comme l’alternative au « chaos » et tentent d’empêcher que l’élection du 3 novembre ne se transforme en un référendum sur les derniers mois de sa présidence, dominée par les ravages du coronavirus, la récession économique et les mobilisations contre le racisme et la violence policière.

Dans un contexte de crise politique profonde, le bipartisme républicaine-démocrate continue d’opérer presque en miroir : les démocrates brandissent le spectre du fascisme pour justifier leur vote en faveur du néolibéral Biden comme le moindre mal. Et les républicains évoquent le spectre du « socialisme » pour consolider la base conservatrice. Dans les tentatives des deux partis de faire passer les enjeux des élections pour une question de vie ou de mort, il est clair que les deux partis capitalistes luttent contre la désillusion croissante concernant leur direction et se battent pour maintenir leur équilibre au milieu d’une crise sociale et économique qui s’aggrave. 

Cependant, les élections qui ont servi à détourner la rébellion de masse vers les urnes qui a éclaté après l’assassinat de George Floyd pourraient également ouvrir un scénario de crise. Si Trump devait perdre par une marge plus étroite que ne le prévoient les sondages, il n’est pas exclu qu’il n’accepte pas de reconnaître le résultat. Rappelons-nous que Trump avait déjà laissé entendre son intention de reporter les élections en avertissant de la possibilité d’une fraude. Cela alimente ce scénario hypothétique, qui remettrait en cause la légitimité du prochain gouvernement dans nul autre que la principale puissance impérialiste. Et s’il devait gagner, un deuxième mandat risquerait d’approfondir les tendances à la radicalisation politique.


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