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Coronavirus en France. Macron à l’épreuve de l’extension de l’épidémie

Alors que le gouvernement affiche depuis plusieurs semaines une communication sereine sur la crise et entend se distinguer de l’exemple italien, l’épidémie s’étend en France avec 500 cas supplémentaires en 24 heures et une dynamique qui risque fort de mettre à rude épreuve le récit macronien d’une gestion optimale de la crise. C’est dans ce cadre que le président interviendra à la télévision ce soir, sur fond de tensions dans les hôpitaux.

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Crédit photo : Philippe LOPEZ [AFP]

« Depuis plusieurs jours, le gouvernement s’emploie à démontrer que sa gestion de la crise du coronavirus se situe à un point d’équilibre entre mesures sanitaires fortes et continuation de la vie politique et économique du pays. » notaient hier Les Echos. Face au coronavirus, le gouvernement joue en effet à fond l’affichage d’une politique stricte mais sans excès, qui s’appuierait sur un système de santé de grande qualité. « La France est prête car nous avons un système de santé extrêmement solide » notait synthétiquement en ce sens Olivier Véran il y a deux semaines sur France Inter.

Une communication de crise bien huilée, qui fait dire à certains comme Cécile Cornudet, que le gouvernement n’est jamais si bien apparu. « Chacun à sa tâche, les rôles sont tenus. Un duo crève l’écran. Olivier Véran , ministre de la Santé, capable de résumer la plus délicate (et souvent contre-intuitive) des stratégies en mots simples et en graphique limpide ; Jérôme Salomon , son directeur général de la Santé, qui fait son point d’étape tous les soirs. (…) Le Premier ministre s’assure de la coordination ministérielle et de la cohésion des forces politiques. Informer, être transparent, telle est la règle. Enfin, le chef de l’Etat peut prendre sa juste place, impliqué, mais seulement sur l’essentiel, en soutien aux personnels de santé, et en leçons de responsabilité vis-à-vis des Français. » dépeint-elle dans son édito aux Echos.

Une vision idyllique qui a le mérite d’être en phase avec l’image que tente effectivement de construire le gouvernement. Mais derrière ce vernis, et sauf à croire que les mobilisations récurrentes dans la santé depuis plus d’un an n’étaient qu’un épiphénomène, la réalité semble bien différente.

Le coronavirus en France, une croissance forte des cas

Alors que l’on compte actuellement 2281 cas confirmés de coronavirus dont 105 en réanimation,48 décès, et 500 cas comptabilisés sur la seule journée du 11 mars en France, le passage dans la « phase 3 » de la gestion de l’épidémie est sur toutes les lèvres depuis quelques jours. La phase actuelle, appelée phase 2, correspond à une stratégie dite d’endiguement, censée empêcher la propagation du virus sur le territoire.

Celle-ci s’appuie sur l’identification et l’isolement des personnes atteintes par le virus. La procédure qui permet d’être détecté comme « cas confirmé », implique d’abord de joindre le 15, pour qu’il indique, au vu des symptômes, si le cas est considéré comme « possible ». Le patient est alors redirigé vers un centre médical où aura lieu le test biologique qui confirmera ou infirmera son état. Si l’infection est avérée, le patient est hospitalisé ou mis en quarantaine chez lui, si son état physique le permet. Le principe de la phase 2 réside donc sur le fait de détecter les cas pour empêcher que le virus ne se diffuse.

Or ici, si à la base du processus il y a le repérage des cas, le gouvernement n’a encore lancé aucune campagne de test d’ampleur, laissant à la charge d’un SAMU débordé le choix de tester ou non les patients. Comme le soulignait récemment le Corriere della Sera italien : « La France fait beaucoup moins de tests de diagnostic que l’Italie [...] On ne communique même plus le nombre de tests effectués mais il tourne autour de quelques milliers, contre des dizaines de milliers en Italie ».

Un hôpital public pas prêt pour l’amplification de l’épidémie ?

A propos du stade 3, Olivier Véran expliquait lundi, sur le plateau de BFM-TV « il va dépendre de la nature de l’épidémie, de la dynamique de l’épidémie, de la capacité de notre système de santé à faire face à toutes les situations, des malades à être bien soigné et des soignants à être en capacité de soigner. », faisant ainsi peser la possibilité d’une phase 3 qui se déroule bien sur l’état du service public et des soignants qui y travaillent.

Or si le gouvernement tient un discours rassurant sur leur stock de masques, de nombreux personnels de santé pointent le manque de matériels, de masques, de gel hydroalcoolique qui se fait déjà sentir. Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste explique ainsi à Révolution Permanente « Je suis inquiet par rapport à certains aspects du matériel qui nous est fourni. Par rapport aux masques par exemple, on voit sur les personnels des masques qui ne sont pas adaptés selon nous. »
Si Olivier Véran assure surveiller de près les lits et places en réanimation, la casse du service public, les baisses annuelles des budgets pèsent aujourd’hui sur la capacité à faire face à l’épidémie, et ce d’autant plus que l’optimisme du Ministre quant à l’évolution de l’épidémie tranche avec le tableau dépeint par certains professionnels. Hier sur LCI, Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, alarmait ainsi le ministre de la santé : « Il est très probable que l’on évolue vers un scénario à l’italienne. Mieux vaut prendre maintenant des mesures comme en Italie. Je vois ce qu’il se passe dans mon hôpital. Je vois des malades qui arrivent tous les jours avec des infections respiratoires sévères. Les réanimations se remplissent extrêmement rapidement. Il risque d’y avoir un choix à faire entre les malades du coronavirus et les autres. Demain, on sera dans la même situation qu’en Italie. » « Nous préparons les hôpitaux pour éviter qu’ils soient trop tendus. Aucun signal de saturation n’a été enregistré dans les hôpitaux français à l’heure où je vous parle. » lui répondait de son côté Olivier Véran.

Le passage à la phase 3 risque en tous les cas d’être plus difficile à gérer que ce qu’annonce le gouvernement, qui multiplie les déclarations pour expliquer que la société continuera de fonctionner même si le passage a lieu, à l’image de la porte-parole du gouvernement qui expliquait la semaine dernière que « la vie ne s’arrêtera pas quand il y aura le stade 3 ». Finalement, le gouvernement semble avoir fait le choix de retarder le passage dans cette phase pour limiter la paralysie du pays, tout en appliquant un certain nombre de mesures qui s’y apparentent comme le note Europe 1, qui souligne l’activation du Plan Blanc et la mise en place de mesures de chômage partiel caractéristiques de la phase 3.

C’est dans un tel contexte que Macron prendra la parole ce soir. Si certains affirment qu’il ne devrait pas annoncer le passage en phase 3, le président devrait en revanche chercher à défendre sa gestion de la crise et les nouvelles mesures mises en place, comme la suspension des visites dans les EHPAD. Des annonces suspendues à l’évolution réelle de l’épidémie dont la casse de l’hôpital public entretenue par les gouvernements successifs depuis des années pourrait favoriser la propagation, et faire éclater le récit macronien.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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