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Interview

Connaissez-vous Fred Sochard, cet artiste fils de cheminot qui colore nos luttes ?

Vous aurez sans doute aperçu ses affiches colorées aux abords d'une manifestation ou sur votre fil d'actualité Facebook, ses dessins aux mille facettes, intransigeants avec Macron et son monde au service des riches, soutenant inlassablement ceux qui résistent, qu'ils soient cheminots, migrants ou palestiniens. Lui, c'est Fred Sochard, artiste résolument engagé du bon côté de la barricade. Ses affiches nous ont tapé dans l'oeil, alors la curiosité nous a piqué, et nous avons cherché à savoir qui pouvait bien se trouver de l'autre côté du crayon, pour dépeindre avec autant de justesse ces colères que nous partageons et l'espoir que suscite chacune de ces luttes.

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Révolution Permanente : quels sont les différents moyens d’expression auxquels tu as recours en tant qu’artiste engagé ?

Fred Sochard : Je suis illustrateur, affichiste, dessinateur de presse. Bref, je m’exprime avec le dessin, l’image, et parfois quelques mots. Ce qui est un mode d’expression tout à fait approprié aux luttes, comme on l’a vu avec l’Atelier Populaire en 68, que ce soit sur les murs de la ville ou dans les manifs, dans des publications et aujourd’hui sur les réseaux sociaux.

R. P. : Tes illustrations sur la lutte des cheminots ont beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Pourquoi tiens-tu à soutenir leur mouvement ?

F.S. : Pour compléter mon CV, ajoutons que je suis fils de cheminot et on comprendra aisément pourquoi je soutiens leur lutte. J’ai passé mes toutes premières années dans une petite gare dont mon père était le chef de gare. Ensuite on habitait un HLM cheminot face à la gare de triage de Nantes, on entendait passer les trains, on allait faire des barbecues au jardin du cheminot, je jouais au foot au club cheminot. C’était vraiment tout un monde, un univers dans lequel j’ai grandi. Je suis donc très bien placé pour savoir ce que c’est de vivre en "privilégié" dans une famille de six en HLM !

Je suis vent debout contre toutes les réformes antisociales mais là il y a en plus une dimension personnelle, viscérale, presque intime. Ça me fait mal qu’on salisse ce monde et qu’on veuille le foutre en l’air ! La machine libérale veut le raser et tant pis pour son identité, sa mémoire, faite de luttes, de résistance, de solidarité. Toutes choses qui emmerdent des gens comme Macron et sa clique, qui n’ont de cesse d’écraser ces possibilités de résistance, de gommer l’histoire sociale. Et pas seulement celle des cheminots. Connaître l’histoire des luttes, des conquêtes sociales, est en soi un outil pour résister. Les victoires (Front populaire) comme les défaites (Commune) sont une source pour continuer ! Et c’est bien pour ça que ce doit être effacé. Bref, c’était pour moi une évidence de produire ces visuels et affiches pour soutenir ce mouvement.

R.P. : En tant qu’artiste, tu penses aussi avoir un rôle à jouer sur le terrain des luttes ?

F.S. : J’ai eu pas mal de demandes pour utiliser mes visuels en manifs, ce qui me ravit et me confirme qu’il n’est pas tout à fait inutile de les avoir faits.

Plus largement, comme je ne suis pas vraiment un militant de terrain et que je passe mon temps tout seul dans mon atelier, je suis toujours partant pour apporter mon soutien de la façon que je connais le mieux, c’est-à-dire en images, comme je viens de le faire pour l’AFPS par exemple.

Pour reprendre les mots de Bourdieu en 1995, je fais ces images pour dire mon "soutien à tous ceux qui luttent contre la destruction d’une civilisation associée à l’existence du service public". Il y a un site que j’aime beaucoup, justseeds.org, qui est une sorte de coopérative internationale en réseau de 30 artistes militants. Juste des graines… Voilà ce qu’on peut faire en tant que graphiste ou artiste, proposer nos moyens à ceux qui luttent, qui ont des choses à exprimer, auxquelles on peut donner forme. Donc visibilité. Aider à porter les messages, semer quelques graines pour le combat.

Dans cet ordre d’idées, je participe à la série "Tenir l’affiche", une série graphique au service des mouvement sociaux, lancée par le journaliste Thomas Lemahieu. Une page par jour dans l’Humanité et sur Humaginaire.net avec possibilité de télécharger, imprimer, partager, faire circuler.
« Je crois que les idées ne meurent pas... Un peu comme si on semait des graines sous la neige », disait la communarde Nathalie Lemel.

Installation « Tenir l’affiche » à la Marée Populaire le 26 mai à Paris

Retrouvez le travail de Fred Sochard sur

  •  son site internet
  •  sa page Facebook

  • Facebook Twitter
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