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Processus de paix en Colombie

Colombie. La guérilla des FARC se constitue en parti légal

Après 52 ans de guerre entre les FARC, et les groupes paramilitaires d’extrême droite et les militaires de l’État colombien, le processus de paix en arrive à son aboutissement avec la dernière capitulation des FARC en se constituant en un parti politique de gauche réformiste.

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Le rassemblement s’est tenu sur la Place Bolivar, lieu hautement politique de Bogotá puisque sur cette place se dressent le Palais de Justice, le Congrès National, la Cathédrale et la Mairie de la ville, et à proximité se trouve la Présidence de la République. Catherine, 23 ans, dont huit passés dans le maquis, est venue écouter Rodrigo Londoño, dit Timochenko commandant de la guérilla, explique en quoi ce lieu est symbolique pour les FARC : «  Quand nous pensions que nous allions prendre le pouvoir par les armes, l’idée était d’arriver au centre de Bogotá, sur cette place. Maintenant nous y sommes, mais d’une autre manière avec la parole pour arme, avec la paix, avec amour.  »

Plusieurs milliers de personnes sont venues débattre, danser, chanter pour fêter l’officialisation du parti avec son nom et son symbole. Rodrigo Londoño a reçu un bouquet de roses rouges, le nouvel emblème de la « Fuerza alternativa revolucionaria del común »(la Force Alternative Révolutionnairedu Commun), le parti légal qui remplace depuis le 1er septembre les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Devant la foule, assez jeune, qui oscillait entre joie et émotion, le commandant a déclaré : « Nous avons laissé les armes pour faire de la politique par la voie pacifique et légale, pour construire avec vous tous et toutes un pays différent. »

Un nom

Le nom, des éléments programmatiques, les listes de candidats aux élection, ont été choisis après une semaine de débats rassemblant 1 200 délégués dans lesquels figuraient la plupart des principaux dirigeants des FARC. Le Congrès a décidé de maintenir cet acronyme après quelques modifications. Le vote pour maintenir l’acronyme FARC a gagné par 628 voix contre 264, face à la proposition d’appeler le parti Nouvelle Colombie.

Mais d’ores et déjà,pour la droite réactionnairece nom pose problème, un groupe d’avocats a déjà déposé un recours contre le nouveau nom du parti devant le Conseil national électoral (CNE), estimant que l’acronyme Farc (même avec une signification différente) « revictimise les victimes » et « contribue à l’apologie de la violence ».

Des symboles

Les nouveaux symboles ont été bien accueillis par la foule, un drapeau arborant une rose rouge, symbole historique de la social-démocratie, avec en son centre une étoile rouge à cinq branches et le maintien de l’acronyme FARC en lettres vertes, faisant référence à la guérilla implantée dans le milieu paysan. Malgré le fait que l’on explique que l’étoile est « celle de Che Guevara », que « c’est parce que nous ne pouvons pas dissimuler notre histoire ni l’héritage de 50 ans de lutte dans la jungle et le maquis » et que « la rose représente la volonté de réconciliation », on ne peut que constater que l’ex-guérilla colombienne se recycle juste en une force politique qui a un rôle à jouer au sein du régime politiquecolombien.

Un programme


Lors d’une conférence de presse, vendredi, plusieurs dirigeants de la guérilla sont apparus, tenant des roses rouges, symbole donc de réconciliation et de la social-démocratie. Dans un tweet posté par Londoño, celui ci définit ce qui serait les objectifs du parti : « Notre force est l’unité ! Tous ensemble vers le même objectif : construire la paix en Colombie et la bonne vie pour les opprimés. »Ivan Marquez, autre chef de la guérilla, déclare que « Nous avons intégré la vie politico-sociale parce que nous voulons être un gouvernement ou en faire partie », ainsi il laisse la porte ouverte à d’éventuelles coalitions politiques avec d’autres forces dans la poursuite d’un projet qu’ils considèrent comme « possible », à savoir des réformes timides du capitalisme colombien.

D’ailleurs lenouveau parti a d’ores et déjà annoncé qu’il ne présenterait pas de candidat à la présidentielle, préférant appeler à « une grande coalition »pour un gouvernement de transition chargé de garantir, entre autres, l’application de l’accord de paix. Dans cet accord, il est garanti aux FARC 10 sièges au Congrès, cinq au Sénat et cinq dans la Chambre des représentants, et ce, même si ils ne reçoivent pas les votes nécessaires lors des élections.

La direction des FARC revendiquait historiquement un programme deréformesmesuresbien loin d’être anticapitalistes pour construire « une patrie juste et souveraine ». Les six points que constituent les bases des accords de paix ne répondent que très partiellement à ce programme originel, y compris par rapport à la question de la terre, la Colombie étant le pays d’Amérique latine où la concentration latifundiste est la plus élevée. Pour ce qui est de sa revendication d’une Assemblée Constituante, le gouvernement s’était assis dessus, se contentant d’offrir les dix sièges aux FARC. C’est un programme que pourrait partager toute force qui se dit légèrement progressiste et l’on est bien loin de tout discours anti-capitaliste ou anti-impérialiste. Pour preuve, l’ex-guérilla qui a assuré qu’elle maintiendrait sa ligne politique en passant à la légalité, n’a pas prononcé, en public cette semaine, les mots« marxiste » ou « communiste », ni même« socialiste ».

Des FARC à la FARC, de la capitulation à l’opportunisme

Jorge Jaramillo, l’un des principaux négociateurs colombiens lors des accords pour la paix expliquait que « sans participation politique, il ne peut y avoir de paix. Nulle part vous trouverez une guérilla prête à déposer les armes sous l’égide de l’ONU et se dissoudre, sans plus. Si elle dépose les armes, c’est bien pour se transformer en une force politique. Ce que vont faire les FARC, c’est ce qu’a fait le M19 ». La comparaison n’est pas anodine. Le M19, l’un des principaux mouvement de guérilla urbaine en Colombie au cours des années 1970, a été démobilisé au début des années 1990, se transformant en force politique de centre-gauche intégrée au régime alors que ce dernier se chargeait de liquider ses cadres les plus radicaux de même que ses bastions syndicaux. Aujourd’hui, l’Action Démocratique M19 n’existe plus…

Le recyclage des FARC est en passe de devenir un nouveau fiasco pour les illusions des travailleurs et le peuple de la Colombie. Si le « processus de paix » a été le couronnement de l’échec accablant de sa stratégie de guérilla dans un pays majoritairement urbain et isolé de la classe ouvrière, cela l’a amenée à rejoindre le jeu démocratique et à devenir les nouveaux « garants de la paix » du régime réactionnaire colombien. Le lancement d’un nouveau parti réformiste est en passe d’être le prochain piège pour les hommes et les femmes qui veulent poursuivre la lutte véritablement anti-capitaliste et anti-impérialiste en Colombie.


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