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Des frondeurs chez LREM ?

Chez En Marche ! le retour du clivage gauche-droite ?

Le macronisme en avait fait sa marque de fabrique : le fameux « dépassement des clivages ». Pourtant, celui-ci refait surface à la faveur de la conclusion du grand débat et à l'approche des Européennes.

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C’est peut-être là le comble de l’ironie. Alors que Macron lui-même se targuait d’avoir, avec sa présidence, enterré les clivages gauche-droite, ce dernier refait surface au moment où la majorité connaît certaines tensions. Le vieux rêve d’avoir réunifié la bourgeoisie et de gauche et de droite sous l’égide d’un même projet avait déjà été particulièrement écorné suite à des différends et affaires qui avaient clivé les députés LREM, qu’il s’agisse du vote de la loi asile immigration ou de l’affaire Benalla.

Car si le mouvement des Gilets Jaunes a ouvert une crise d’une ampleur sans précédent au sein de la majorité, en réalité l’instabilité est consubstantielle au bloc social de Macron. En effet, le nœud de l’équation macroniste n’a nullement été résolu ; à savoir que le « bloc bourgeois » représenté par Macron ne peut à lui seul imposer ses contre-réformes. Pour les mener à bien, encore lui faut-il obtenir l’appui d’une majorité suffisante de la population.

Face à cette équation, la question pour le macronisme a consisté un moment à savoir de quel « côté » pourrait s’ouvrir le parti afin de trouver un appui : plus sur la « droite » ou plus sur la « gauche » ?

On se souvient notamment de la crise qui s’était ouverte suite au départ de Gérard Collomb (personnalité issue, on tend à l’oublier, du PS), ouvrant une crise autour d’un remaniement qui aura été le plus long de la Vème République. Comme l’écrivait alors en octobre dernier Cécile Cornudet, éditorialiste aux Échos : « Dans le climat de tension créé par le remaniement, les inhibitions tombent, les clivages réapparaissent. On assiste depuis quelques jours à une offensive en règle d’une partie des marcheurs contre la dérive jugée droitière du quinquennat. »

Aujourd’hui toutefois, la situation a encore changé. La crise ouverte par les Gilets Jaunes a exposé à une large échelle, si tant est qu’il en était encore besoin, la face réactionnaire du gouvernement, faisant s’effondrer les restes de décor en carton pâte du « progressisme ». Dans ce contexte, Macron a tenté de s’imposer comme le parti de l’ordre, garant de la sécurité publique contre le « chienlit » incarné par les Gilets Jaunes, le contraignant à adopter une posture martiale de raidissement dans la surenchère sécuritaire.

Seulement, cette posture n’est pas exempte de contradictions, y compris au sein même de la majorité.

C’est notamment autour de la loi « anti-casseurs » que se sont cristallisés ces éléments de contradictions constitutifs du macronisme. En effet, déjà lors du vote de la loi asile et immigration, un groupe constitué de 14 députés En marche !, s’était alors abstenu, une députée ayant même voté contre. Plus récemment, avec la loi anti-casseurs, ce n’est pas moins de 50 députés de la majorité qui se sont abstenus, un député LREM, Matthieu Orphelin, ayant même démissionné.

Si les contradictions sont aujourd’hui plus aiguës au sein de la majorité, elles expriment l’instabilité propre à l’ADN du macronisme, contraint de naviguer sur une base sociale minoritaire et instable, entre le centre-droit et le centre-gauche. Aussi, loin d’avoir conjuré le spectre du clivage gauche-droite, le Grand Débat a contribué en partie à le raviver, octroyant aux députés un espace pour mener une bataille politique en vue d’infléchir la trajectoire du gouvernement à l’issue du Grand Débat.

Comme l’écrit Stéphane Dupont, éditorialiste aux Échos : « On le croyait relégué aux oubliettes de l’« ancien monde », recouvert par la vague En marche du printemps 2017, démonétisé par le « en même temps » d’Emmanuel Macron. Mais le voilà qui resurgit. Au coeur même de la majorité présidentielle. A la faveur de la sortie du grand débat, le clivage droite-gauche refait surface. » (En marche, à droite et à gauche, Par Stéphane DUPONT)

Chaque famille politique cherche en effet à s’assurer une place au sein de l’appareil LREM, espérant marquer de son empreinte la suite du quinquennat. En cela, il n’est pas étonnant que les deux point de clivage s’articulent autour de la fiscalité et de la réforme des retraites.

Si du côté de la droite de LREM, la solution passe par une diminution des impôts et un relèvement de l’âge de départ à la retraite, l’aile gauche craint pour sa part de s’aliéner définitivement l’électorat (si tant est qu’il existe encore) de centre-gauche, cette frange de l’électorat pouvant encore revenir dans le giron de la macronie au vu de l’état de délabrement du PS. Et force est de constater que la frange droite est particulièrement à l’offensive pour s’imposer : « Les ministres libéraux venus dans le sillage d’Édouard Philippe ont un ancrage territorial et des positions électorales à défendre, explique le politologue Jérôme Sainte-Marie, dans les page du Figaro. Ils se disent que c’est le moment de faire les réformes que Nicolas Sarkozy n’a pas menées à bout. […] Si le « pack » de droite pousse, c’est aussi parce qu’il y a un espace à conquérir au centre droit. À quelques semaines des européennes, le sujet ne laisse personne indifférent. C’est là que se trouve la marge de progression électorale la plus importante pour Emmanuel Macron. »

Du côté de l’aile gauche, bien entendu les propositions évoquées ont produit de vives réactions, notamment sur l’âge de départ à la retraite. D’autant que la censure de l’article 3 de la loi liberticide dite « anti-casseur » a donné raison à ces « frondeurs . « Pour faire retomber la colère des ronds-points, les « marcheurs » venus de la gauche plaident, eux, pour une plus grande justice fiscale et une réduction des inégalités, écrit Stéphane Dupont des Echos. Les députés LREM ont notamment prôné le mois dernier l’augmentation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), à défaut du rétablissement de l’ISF, et la réindexation des retraites. […] Pas question, pour eux de toucher à l’âge légal de départ en retraite de 62 ans, un engagement présidentiel. » (En marche, à droite et à gauche, Par Stéphane DUPONT). »

En cela, l’issue du grand débat se complexifie encore pour le gouvernement avec l’irruption de tensions au sein de sa majorité. Paradoxalement, avec le retour des tensions au sein de la majorité, et bien que la figure « jupitérienne » de Macron soit durablement ternie avec le mouvement des Gilets Jaunes, les députés de la majorité s’en remettent plus encore à leur Messie, espérant que Jupiter leur indiquer la voie du salut hors du bourbier du grand débat. Comme l’écrit le Monde dans leur édito : « Affaibli, contesté, vilipendé, c’est pourtant du chef de l’Etat en premier et en dernier ressort que sont attendues des réponses à la crise. » En effet, plus les contradictions politiques internes à la majorité vont s’accroître, et alors qu’en parallèle les Gilets Jaunes poursuivent leur mobilisation, plus Macron devra s’ériger « au-dessus » des fractions de son parti pour en assurer la cohésion – l’exposant et l’isolant d’autant plus. 


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