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La droite en dispute

Ce qu’il faut retenir du débat Philippe-Wauquiez

Un débat fortement polarisé sur la question des migrants et de l'UE, entre deux droites qui cherchent à (re)conquérir leur base sociale avec en ligne de mire les européennes et les municipales de 2020. Deux formations politiques minées par leurs contradictions, dont aucune ne sort « grande gagnante » ce coup-ci.

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Un exercice périlleux pour Philippe

Les enjeux de la présence d’Édouard Philippe à l’Émission Politique sur France 2 ce jeudi étaient doubles. Le premier, tenter « d’expliquer » les réformes en cours (budget 2019, suppressions de postes dans la fonction publique, plan pauvreté, etc.) qui creusent un fossé toujours plus grand entre la politique ultralibérale du gouvernement et « ceux d’en bas », dans un contexte de rentrée particulièrement difficile pour l’exécutif. C’est dans ce contexte que s’inscrit son apparition dans « l’Émission Politique », après un passage à France Inter la semaine dernière. Macron de son côté compte également faire une allocution médiatique dans les jours à venir. Mais pour l’exécutif, la rencontre avec Wauquiez représentait un enjeu spécifique : la bataille pour conserver et gagner l’électorat de droite. Après que Philippe ait demandé à sa majorité de « se préparer à la bagarre », il est passé aux travaux pratiques.
 
En effet, les tumultes traversés par le gouvernement risquent d’affecter grandement sa base sociale, déjà étroite, avec notamment un dossier brûlant en ce qui concerne les retraités. Le bloc de droite qui l’avait soutenu s’est déjà grandement effrité selon le baromètre OpinionWays , d’après lequel la cote « satisfaction » d’Emmanuel Macron de la part des électeurs de François Fillon est passée de 63% en janvier à 39% actuellement. Une situation sur laquelle Wauquiez cherche à tout prix à capitaliser, leader au charisme douteux qui manque beaucoup de crédibilité y compris dans son propre camp. Une « bataille » qui ne fait donc que commencer, avec en ligne de mire les européennes de mai et les municipales de 2020.
 

Un débat centré sur la question migratoire, entre intox de Wauquiez et démagogie de Philippe

 
C’est dans ce cadre général que s’est tenu le débat crispé des deux anciens collègues de l’UMP. Une discussion pour le moins nauséabonde et qui portait essentiellement sur la politique migratoire. D’un côté, Wauquiez a appuyé sur le prétendu laisser-faire du gouvernement en s’appuyant sur des données totalement fausses (expliquant notamment que la France « est un des pays de l’Europe qui accueille le plus de réfugiés » alors que celle-ci n’est qu’à la 17 ème place des pays d’UE qui « accordent » des titres de séjour si l’on rapporte ce chiffre à la population du pays). De l’autre, le premier ministre a tenté d’adopter une posture responsable, ancrée dans la « réalité », le gouvernement menant selon lui une politique « équilibrée » entre expulsions sommaires et droit d’asile. Une posture qui répond à une volonté de se positionner plus généralement dans le débat des européennes comme une alternative « humaniste » mais responsable face aux nationalismes qui ont le vent en poupe, mais qui n’est pas sans contradictions. En effet, entre expulsions des campements, le refus de l’Aquarius et la loi Asile et migration, difficile de discerner le « progressisme » néo-libéral du programme réactionnaire de l’extrême-droite.
 

Une courte discussion sur l’Union Européenne

 
Durant les 5 dernières minutes du débat, les deux hommes ont brièvement abordé la question de l’Union Européenne. Face à un Wauquiez dont le parti peine à se trouver une stratégie à adopter, invoquant une « troisième attitude » qui ne soit ni pour « sauter du train en marche » comme le préconise Le Pen, ni pour poursuivre dans la même direction (sous entendu la direction libérale pro-mondialisation), Philippe a défendu la stratégie – tout aussi bancale - de Macron. S’appuyant sur le soutien de Waulquiez à Orban qui a suscité beaucoup de remous chez LR, il a agité le chiffon d’une menace interne à l’UE, de gouvernements remettant en cause « de manière extrêmement ferme » « la liberté de la presse, l’indépendance de la justice », pour dresser le tableau d’une élection où il n’existerait que deux camps, celui de la réaction et celui d’un « européisme démocratique ».
 
Une stratégie visant à cliver dans la droite traditionnelle dont certains dirigeants - à l’image de son contradicteur – lorgnent de plus en plus vers l’Italie et la Hongrie. L’opération de Philippe a notamment pour objectif de séduire les secteurs les plus « centristes » tels que les anciens soutiens de Juppé (son ancien collaborateur à qui il n’a cessé de lancer des fleurs durant le débat, affirmant être « toujours de son côté » et avoir « beaucoup d’estime et d’admiration pour lui  »). Une stratégie qui ne vise par ailleurs pas que les électeurs de droite sur le territoire national, sinon à fracturer le bloc de droite traditionnelle du Parti Populaire Européen (PPE) au parlement européen afin d’espérer y obtenir une majorité. Une course contre la montre pour le gouvernement, qui n’est pas sans contradictions tant sur le volet de sa politique internationale avec sa politique criminelle contre l’immigration et une impuissance diplomatique de plus en plus criante quant à la « relance de l’Europe », que sur le volet intérieur depuis l’affaire Benalla, qui a mis à nu des traits parmi les plus antidémocratiques d’un régime dont « l’orbanisation » semble déjà bien avancée.

Un débat entre une droite traditionnelle qui peine à incarner un projet convaincant après une présidentielle catastrophique et un macronisme à bout de souffle, qui tente de se constituer une base électorale en vue des européennes. Si personne ne semble en sortir « grand gagnant », ce n’est pas en raison de leur incapacité oratoire, mais bien le reflet de contradictions plus structurelles. La « bataille des droites » risque fort de n’être emportée ni par LR ni par la majorité présidentielle, mais d’approfondir l’effritement du centre et la polarisation politique des classes moyennes.

Photo : AFP


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