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Procès politique

Catalogne : prison ferme pour les indépendantistes, les mobilisations s’enchainent

Ce lundi 14 octobre le Tribunal Suprême publiait la sentence du procès contre les dirigeants du mouvement pour l’indépendance catalane. Les peines pour délit de sédition vont de neuf à treize années de prisons pour les faits qui avaient eu lieu en octobre 2017. Face à cela les mobilisations se déclenchent dans toute la Catalogne et dans le reste de l’État Espagnol pour le droit à l'autodétermination et pour exiger la libération des prisonniers politiques.

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Crédits photos : EuropaPress

Après quatre mois de procès farce la sentence du procès catalan du Tribunal Suprême condamne l’emprisonnement de neufs leaders indépendantistes. Jusqu’ici, ils se trouvaient en prison préventive depuis près de deux ans, et sont aujourd’hui condamnés à des peines de prison qui vont de neuf à treize années. Voici une nouvelle attaque aberrante de la part du régime contre les libertés démocratiques. Une attaque qui n’a aucun antécédent similaire dans l’histoire judiciaire espagnole depuis le coup d’État de 1981, et qui s’ancre dans la grande vague de criminalisation de l’indépendantisme catalan. L’État espagnol cherche à tout prix à liquider définitivement les aspirations démocratiques de millions de personnes en lançant une nouvelle menace contre tous ceux qui oseraient se mobiliser pour exprimer leur mécontentement.

Pour répondre, dès ce matin, des milliers de personnes sont sorties dans les rues des principales villes de Catalogne et à Barcelone, l’Aéroport est occupé depuis cette après-midi malgré la forte répression de la police nationale qui cherche à en finir avec la mobilisation à force de matraques et flashballs. Les mobilisations se sont également déclenchées dans d’autres villes de l’État Espagnol, notamment dans la capitale où des milliers de personnes sont allés manifester en plein centre de Madrid.

Une sentence qui rend compte du caractère autoritaire de l’Etat espagnol dans le traitement de la question indépendantiste

Depuis la célébration du Référendum de l’autodétermination le 1er octobre 2017, les discours offensifs et les coups institutionnels contre l’ensemble de la société catalane se succèdent. L’apparition le 3 octobre 2017 de Felipe VI mérite d’être mentionnée : sous le mot d’ordre menaçant “a por ellos” (“Allons les chercher” ou “Attrapez les”), le roi fait un discours contre toute personne s’étant mobilisée ou qui oserait le faire en Catalogne. Cette offensive institutionnelle avait débuté avec l’application de l’article 155 de la Constitution, qui annule toute fonction au Parlement Catalan, par le Gouvernement du Partido Popular (PP) avec le soutien du Parti Socialiste (PSOE), de Ciudadanos et de la Monarchie, principale représentante de l’unité territoriale espagnole.

Les sentences appliquées aux ex-conseillers de Catalogne, à l’ex-présidente du Parlement Catalan et au leaders des association ANC (Assemblée National Catalane) et Òmnium ont volonté de se présenter comme exemplaires. Le président Pedro Sanchez a affirmé que le “procès judiciaire s’était déroulé en pleine garantie et en toute transparence”, ce qui est contesté par de nombreux juristes qui soutiennent le non-respect du droit à la défense des accusés et l’utilisation d’instruments purement politiques et non judiciaires. Pour donner quelques exemples, de nombreux témoignages présentés par la défense ont été refusés et le Tribunal avait notamment interdit les images de la répression de la journée du 1er octobre.

Les plus grosses attaques visent bien évidemment la gauche du mouvement indépendantiste et la répression contre eux ne se limite pas à la sentence publiée ce lundi 14 octobre. En effet, de nombreux militants ont étés arrêtés et assignés à résidence sans la présence de leurs avocats et de nombreux proches des accusés ont dénoncé leurs difficultés pour avoir droit à un avocat. Sept militants de l’association CDR ont été envoyés en prison préventive, accusés de délits de terrorisme et possession illicite d’explosifs dans une campagne judiciaire qui vise à mettre en relation terrorisme et indépendantisme.

Les avocats des accusés dénoncent depuis plusieurs mois les restrictions faites par le bureau du procureur pour accéder à des parties clé du sommaire de l’accusation afin d’empêcher une argumentation de leur défense en toutes capacités. Les médias privés, politiquement à droite (El Mundo, La Razón ou ABC) mais aussi des médias réputés à gauche comme Público ont joué un rôle principal dans la criminalisation du mouvement en se faisant l’écho des accusations terroristes et en refusant de parler des difficultés que les accusés et les avocats ont eu pour déclarer et se défendre. L’augmentation du nombre de procès qui font référence au terrorisme ont ouvert le débat sur la banalisation du concept de terrorisme au service de la répression des secteurs qui dérangent le plus le régime. Dans cette même ligne, les jeunesses catalane et basque sont également attaquées et criminalisées grâce à la Loi Mordaza (Loi bâillon) ou à la Loi anti-terroriste qui attaquent la liberté d’expression et permettent la mise en prison des jeunes militants.

Alors que des milliers de personnes se mobilisent en Catalogne, l’éventail politique du régime, depuis Vox jusqu’à Podemos, montre une “pluralité” dans les manières d’obéir à la sentence du tribunal. Tandis que Pedro Sanchez, dirigeant du PSOE affirme que ce procès est un exemple de démocratie et d’égalité face à la loi, le leader du PP Pablo Casado appelle à la répression de toute “désobéissance ou insurrection en Catalogne”. Ciudadanos affirme quant à lui qu’en “Espagne on ne juge pas des idées mais des délinquants” et finalement Vox appelle à condamner les accusés pour des délits de rébellion et non de sédition afin d’augmenter les peines de prison. Le leader de Podemos, Pablo Iglesias, souhaite “assumer” l’aberrante sentence qui ne condamne pas seulement les prisonniers politiques mais l’ensemble des libertés démocratiques de tous les travailleurs et de tous les peuples de l’État Espagnol. Ce qui en réalité ne surprend pas puisque le parti avait déjà démontré sa pleine intégration au régime de la monarchie en acceptant même la possibilité d’un nouveau 155 en Catalogne. Podemos, en faisant appel à l’obéissance de la sentence montre qu’il ne va rien faire pour la liberté des prisonniers politiques et se positionne encore une fois comme un autre pilier du Régime de 78.

La sentence affirme que la déclaration d’indépendance qui avait eu lieu en octobre 2017 au Parlement catalan était uniquement “symbolique et inefficace” et les juges reconnaissent que les mobilisations massives, fortement réprimées, le jour du référendum, s’étaient déroulées sans violence. Si des mobilisations et une déclaration "symbolique" d’indépendance amènent à une telle répression, il faut se demander à quelle répression policière et judiciaire les secteurs qui se battent auront-ils à faire face. Les ouvriers qui feront grève et occuperont leurs usines, les étudiants qui se mobiliseront dans leurs universités, les femmes qui sortiront dans la rue contre les violences patriarcales, sont eux aussi des ennemis du gouvernement central, toujours plus autoritaire. La nouvelle vague de répression du peuple catalan n’est rien d’autre que le premier pas du tournant autoritaire du régime espagnol contre les droits et les libertés de l’ensemble de la population de l’État Espagnol. C’est une nouvelle tentative du régime de résoudre sa crise par le haut et de manière réactionnaire, mais cette fois-ci en utilisant une affaire clé qui provoque l’unanimité de tous les agents du Régime : depuis l’extrême droite de Vox jusqu’à la gauche réformiste de Podemos.

Mobilisations de masse et appel à la Grève générale

Les principaux collectifs et associations du mouvement catalan comme Tsunami Democratic, ANC (Asamblea Nacional Catalana) ou Òmnium Cultural ont fait appel ce lundi à de nombreuses actions et manifestations. Les étudiants ont arrêté leurs cours pour aller se mobiliser et les principaux syndicats de gauche ont convoqué une journée de grève générale pour le vendredi 18 octobre, journée où il faudra batailler contre les bureaucraties syndicales, spécialement celles du syndicat UGT et CCOO pour que la journée ait un vrai impact, notamment grâce à l’organisation de blocages, piquets et AGs massifs.

Les mobilisations à Madrid et dans d’autres villes de l’État Espagnol montrent la volonté de construire un grand mouvement de solidarité dans tout l’État. De nombreux collectifs comme Plataforma de Madrileños por el derecho a decidir (Plateforme de Madrilènes pour le droit à décider) ont convoqué des manifestations place del Sol, en plein centre de la capitale pour défendre le droit de décider et pour exiger la liberté des prisonniers politiques. Le CRT (Courant Révolutionnaire des Travailleurs et Travailleuses) ainsi que les collectifs étudiants comme Contracorriente, s’unissent à ces initiatives et appellent à mettre en place un véritable plan de bataille qui s’étendra au delà de cette semaine afin de soulever un mouvement démocratique dans tout l’État pour exiger l’amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques. Il est également important de revendiquer la centralité de la classe ouvrière pour répondre de manière organisée contre la sentence et pour amplifier la base sociale du mouvement indépendantiste en faisant converger la lutte démocratique pour le droit à l’autodétermination avec la lutte contre le chômage, la précarité, les retraites pourries et la casse des services publics.

Ces revendications radicalement progressistes et incontournables sont très éloignées des intentions des directions souverainistes qui ont peur de déclencher un mouvement de masse comme il s’était passé le 3 octobre dernier et visent à canaliser et contenir les protestations de masse à travers l’intervention des associations ANC, Òmnium et Tsunami Democràtic. Pour que le mouvement s’étende et soit efficace, il est indispensable de mettre en place des méthodes d’auto-organisation démocratique dans les lieux d’étude et de travail pour que l’agenda politique ainsi que toutes les revendications soient décidés par les travailleurs, les étudiants et tout le peuple catalan. Contre les attaques réactionnaires de l’État Espagnol, il est indispensable de s’organiser autour d’un plan de lutte indépendant des partis souverainistes et de leur feuille de route qui tend vers l’autonomisme, afin de lutter de manière efficace contre la répression et pour le droit de tous à l’autodétermination.

Llibertat presos politics !


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