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Rhétorique en lettres Capital

"Casseurs", "bloqueurs", "terroristes". Le gouvernement joue la carte de l’amalgame

Arthur Nicola La répression policière, depuis le 17 mars, tente de se justifier médiatiquement par ce que les préfectures et les médias appellent les « casseurs », rejoints maintenant par les « bloqueurs ». Dans les deux cas, on assiste à la mise en place d’un dispositif politique qui présente une situation où la majorité de la population, incarnée dans les bons manifestants/grévistes et ceux qui ne sont pas mobilisés, seraient mis en danger par une minorité « radicalisée » et « dangereuse ».

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La division très manichéenne entre gentils manifestants et méchants « casseurs » est plus que factice et joue un rôle très important dans l’action étatique : elle permet de justifier la répression, qu’elle soit policière ou judiciaire.

Dans les manifestations, les préfets cherchent à présenter la tête de cortège comme « violente », à fantasmer sur des blacks blocs de « centaines de personnes », qui seraient venus uniquement pour casser tout ce qui passe sur leur chemin. La présence de ces « individus », « armés », justifie ainsi les techniques militaires qu’utilise la police pour attaquer les cortèges. Il s’agit d’orchestrer un mensonge pour terroriser la population et lui faire croire à la légitimité des violences policières. On entend parler « d’individus masqués prêts à en découdre de plus en plus nombreux ». La réalité est que depuis trois mois, la jeunesse comme les travailleurs ont compris que pour manifester sans crise d’asthme, il fallait aujourd’hui un masque de ski et un masque chirurgical a minima. Utiliser des outils de protection personnels est en plus un droit protégé par la loi, malgré les saisies illégales de la police de ces équipements, qu’elle tente de présenter comme des armes.

L’Etat dont le gouvernement est crédité de 13% d’opinions favorables, dont la loi est rejetée à plus de 70% de la population, est dans une situation où il n’arrive plus à faire fonctionner l’illusion démocratique. Il n’arrive plus à faire croire que nous sommes dans ce qu’il appelle une « démocratie ». Face à l’échec de ce mensonge, l’Etat cherche à se légitimer en se présentant comme le garant de la sécurité. Or, pour pouvoir montrer que l’on protège le peuple, il lui faut un ennemi. C’est pour cela qu’il crée la violence, que Cazeneuve envoie des flics en civil dans les manifestations, que la police sépare des cortèges, qu’elle gaze et matraque, qu’elle insulte, menace de mort/de viol, et provoque systématiquement les manifestants : il s’agit de créer une violence qu’on devra ensuite mater.

A la figure du terroriste post-13 novembre s’est substitué la figure du « casseur » et celle du « bloqueur ». Entre ces trois figures, le gouvernement ne fait pas beaucoup de différence et les assimiles dans son discours, jouant à fond la carte de l’amalgame. Tous les trois « prennent en otage » d’honnêtes gens, tous les trois les terrorisent. La sémantique de la « prise d’otage » fonctionne grâce à la séparation entre « bons et mauvais » grévistes. Il conduit à placer celui qui regarde son JT ou qui écoute la radio du côté du « bon » manifestant défendu par la police. Pour éviter que l’auditeur se rende compte de la supercherie, les médias occultent ce pourquoi l’auditeur a en fait matériellement intérêt à ce que le mouvement continue : au lieu de montrer en quoi le système crée de la misère contre laquelle certains luttent par la grève, les médias montrent des usagers qui ne peuvent pas aller travailler. L’identification est bien plus facile : entre un syndicaliste qui décrit les conditions d’exploitation d’un ouvrier, et une femme des classes moyennes qui explique qu’elle ne peut aller à son bureau, l’auditeur se sent plus proche de la deuxième, plus rassurante, moins « violente ».

Parler de prise d’otage, c’est aussi faire un lien entre des ouvriers qui brûlent des palettes devant leur usines et des assassins. Le parallèle, qui tend du coup à exagérer la violence des actes commis, cherche à présenter une image beaucoup plus violente que ce qu’est la réalité. Lancer un pavé dans une vitre, est-ce réellement aussi violent que d’assassiner 130 personnes dans un théâtre ? Assurément non, mais l’ex directeur de la Police Nationale a parlé d’action « pré-terroristes » pour parler de la voiture brûlée. L’usage de ces mots permet de préparer l’éventuelle intervention des troupes anti-terroristes dans les manifestations. Alors que le gouvernement cherche à tout prix à défendre sa loi, l’opposition monte et il sait qu’il devra être de plus en plus violent. C’est pour cela que l’Etat d’urgence a été prolongé jusqu’à la fin de juillet ; c’est pour cela qu’il promulgue la loi Urvoas, qui acte « une présomption de légitime défense » au cas où un nouveau Malik Oussekine serait tué. De plus en plus de moyens de réprimer pour asseoir son pouvoir : telle est la dynamique de l’Etat français.


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