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Elections

Présidentielle brésilienne : Lula choisit une figure de la droite proche du patronat comme futur vice-président

Ce vendredi, une réunion du Parti socialiste Brésilien (PSB), en présence des représentants du Parti des Travailleurs (PT) et de Lula, a tranché : le réactionnaire Géraldo Alckmin, ex-gouverneur sanguinaire de Sao Paulo, sera le futur Vice-Président de Lula, s’il est élu.

Antonio Duarte

12 avril 2022

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Crédit photo : Felipe Araujao / AFP

Lorsque Alckmin réprimait violemment les enseignants et élèves du secondaire, où qu’il envoyait sa police tabasser les pauvres sans-abris de Sao Paulo, pour s’opposer à lui, le Parti des Travailleurs (PT) l’appelait le « fasciste du Tucanistan ». Désormais, Lula l’appelle son « vieux camarade du PT » et veut le voir vice-président de son gouvernement.

La proposition d’alliance a été rendue publique dans un document du Parti socialiste Brésilien (PSB) en direction du PT. « Cette proposition ne se limite pas seulement à l’aspect électoral et comporte une dimension programmatique » explique le communiqué. Le parti actuel d’Alckmin (qu’il a rejoint après avoir été longtemps membre et cofondateur du parti traditionnel de droite néolibérale PSDB, l’un des partis qui a réalisé le coup d’État institutionnel contre Dilma Rousseff) participera donc également à l’élaboration du programme de l’éventuel futur gouvernement de Lula.

À cause des politiques de Bolsonaro et des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, qui provoquent une augmentation drastique des prix du carburant et de l’essence et l’inflation sur tous les produits du quotidien, la situation des classes populaires et des travailleurs brésiliens est dramatique.

Les attaques se multiplient, et s’accompagnent de la mise en application de la nouvelle loi travail, qui renforce fortement la précarité, et n’a absolument pas réduit le chômage comme le promettait le gouvernement Temer. Les récents décrets du gouvernement fédéral de Bolsonaro et Mourão, relatifs au travail à distance, renforcent la flexibilisation.

Vaincre Bolsonaro et l’extrême droite avec Alckmin est inenvisageable, car en politique, on ne peut jamais séparer le fond et la forme. Alckmin, pour gouverner avec Lula, voudra poursuivre les attaques sociales et la privatisation (car cela a toujours été son orientation politique) et ceux qui continueront à payer, comme c’est le cas aujourd’hui avec le gouvernement Bolsonaro, ce seront les travailleurs.

Nous reproduisons ici des extraits du discours de l’ancien président Lula publié par Folha de São Paulo : « Nous aurons besoin de mon expérience et de celle du brésilien Alckmin pour reconstruire le pays, en alliance avec toute la société (...) Ce jour est important pour moi. Alckmin, je suis sûr que le Parti des travailleurs approuvera votre nom comme candidat à la vice-présidence », a déclaré l’ancien président. « Vous serez reçu comme un vieux compagnon au sein de notre Parti des travailleurs », a-t-il ajouté.

Retour sur quelques-unes des principales expériences du « compagnon Alckmin » après avoir géré le gouvernement de l’État de São Paulo et dirigé le PSDB de São Paulo pendant 13 ans

Nous ne pouvons pas oublier le massacre du PSDB à Pinheirinho (São José dos Campos), contre 1800 familles. Le « toucan », comme il est surnommé, est également responsable de la précarisation du travail des enseignants et des fonctionnaires de Sao Paulo, et avait à l’époque violemment réprimé la contestation et les grèves contre sa réforme. Il a également réprimé les étudiants qui luttaient contre la corruption dans les appels d’offres pour les repas scolaires et a rendu les structures de l’enseignement public plus précaires. Il est même allé jusqu’à proposer la privatisation de l’enseignement public.

Il a multiplié les alliances pour poursuivre les attaques du gouvernement Temer contre les travailleurs et a été un soutien actif du coup d’État institutionnel de 2016 à Sao Paulo. Il a coordonné une forte répression contre les manifestants, les jeunes noirs, les travailleurs et les lycéens au moment de la prise de contrôle des écoles, a mis en œuvre une politique d’emprisonnement et d’extermination des jeunes noirs et pauvres. C’est le premier ministre d’Alckmin qui a réprimé les manifestations contre la hausse des tarifs en juin 2013 à São Paulo avec Fernando Haddad (maire pour le PT).

Pour l’abrogation totale de la réforme du travail et de toutes les autres réformes, et pour le non-paiement de la dette publique

Nous devons mettre un terme aux attaques, qui servent à nous faire payer la crise causée par les capitalistes. La classe ouvrière dans son ensemble, unissant les travailleurs salariés et externalisés, les travailleurs avec ou sans papiers, les employés et les chômeurs, ainsi que les étudiants, les secteurs opprimés et les pauvres, doit donner sa propre réponse, qui est la seule à pouvoir lutter jusqu’au bout contre la réforme du travail et toutes les attaques. Seule cette force organisée peut imposer l’abrogation totale de cette réforme (plutôt une contre-réforme) et des autres. Étant donné que l’inflation pèse de plus en plus nos salaires, nous devons nous battre pour l’indexation des salaires sur l’inflation. Ce n’est qu’avec le non-paiement de la dette publique que nous pourrons affronter les intérêts impérialistes jusqu’au bout et mettre fin à la politique de réduction des droits des travailleurs et des pauvres, en faisant payer la crise aux capitalistes. Pour cela, il faut exiger de sortir de la trêve perfide que les centrales syndicales et les organisations étudiantes (CUT, CTB et UNE, dirigées par le PT et le PCdoB) maintiennent depuis 2021 et jusqu’à présent, en plus d’exiger que leurs directions organisent la lutte dans chaque lieu de travail et d’étude, en unifiant les secteurs déjà en lutte (comme les Enseignants à Minas Gerais ou les éboueurs à Rio de Janeiro).

Il y a quelques semaines, Lula a fait des sorties démagogiques mentionnant une possible révision de la réforme du travail de Temer et des putschistes institutionnels de 2017, et sans surprise, Bolsonaro, en bon héritier de ces réformes, a défendu ces attaques et a menti sur leur impact. Lula, lui propose de réviser cette loi en s’inspirant de la réforme espagnole, qui est née d’un accord entre le gouvernement PSOE-Unidas Podemos, le patronat et les syndicats. Dans la pratique, cette dernière permet toujours des licenciements sans restriction, sans compensation de la part de l’employeur et autorise également les licenciements collectifs pour « raisons économiques, techniques, organisationnelles et productives ». Les mécanismes de réduction des salaires s’y maintiennent également, grâce à la participation active des bureaucraties syndicales et patronales à cette réforme, de même que l’externalisation. C’est donc cela le modèle de Lula. Rien de nouveau sous le soleil, après des années de gouvernement du PT au cours desquelles le recours à la sous-traitance a triplé au Brésil.

Ce que Lula ne dit pas, c’est que lorsqu’il était au pouvoir, les profits des banquiers ont été multipliés par plus de 8, et que des entreprises nationales comme Odebrecht, OAS, Camargo Correa sont devenues des acteurs mondiaux, étendant leur marché et exploitant une main-d’œuvre bon marché en Afrique et en Amérique latine, principalement. C’est également sous les gouvernements du PT que les PPP (partenariats public-privé), les concessions aéroportuaires pour le secteur privé et une augmentation exponentielle du travail informel et de l’externalisation ont été approfondis.

Récemment, nous avons vu les gouvernements réformistes élus en Amérique latine mener de grandes attaques contre la classe ouvrière, avec Fernandez en Argentine qui a subordonné le budget du pays directement aux États-Unis et a garanti le paiement de la dette publique frauduleuse, Boric au Chili qui a violemment réprimé les étudiants qui protestaient contre la précarité de l’emploi, et maintenant Pedro Castillo qui n’a pas réussi à mettre en place un état de siège dans le pays en raison des fortes mobilisations contre une politique économique qui fait souffrir les travailleurs avec une inflation très élevée tandis que les hommes d’affaires profitent à leurs dépens. Ces exemples nous montrent une chose importante : le réformisme en temps de crise signifie attaques, ajustements et privatisations ! Lula indique clairement, en s’alliant avec un représentant de la bourgeoisie comme Alckmin, qu’il va gérer la crise en attaquant les travailleurs.

C’est pour cela qu’il faut construire une alternative en toute indépendance de classe, qui s’appuie avant tout sur la lutte des classes et les conflits en cours, comme la grève des enseignants à Minas Gerais. Face au processus d’accélération de la précarité de l’emploi, de l’inflation, de la faim et du chômage, nous, Esquerda Diario et le MRT, qui avons construit le Pôle Socialiste et Révolutionnaire, avec le PSTU et d’autres militants, soulevons la nécessité pour toutes les organisations de gauche de mener une campagne forte et unifiée pour l’abrogation complète de la réforme du travail, en l’articulant avec la demande d’abrogation de toutes les réformes et privatisations. Ce serait un premier pas dans la bataille pour regrouper les secteurs critiques de la coalition autour du PT, et pour construire une alternative indépendante, avec un programme socialiste et pour une solution révolutionnaire, la seule issue réaliste pour faire face à la destruction des droits de ce régime hérité du coup d’État institutionnel.

Traduction d’un article de nos camarades du MRT, paru dans notre journal frère Esquerda Diario.


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