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Cinéma

Ça sonne creux sous la carapace d’Iron Man

Le dernier film de l’univers étendu « Avengers », Captain America : Civil War, restant dans la droite lignée des films de la série, a plus que déçu : attendu, caricatural, vide de sens, aller le voir est une perte de temps et d’argent. Arthur Nicola

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Le contexte lui aura été cependant plutôt favorable : son frère jumeau Batman vs. Superman : l’aube de la justice de DC Comics était bien moins réussi, et c’est finalement la comparaison entre ces deux films qui a réussi à convaincre la critique, consciente de la pauvreté du film.

Marvel construit patiemment depuis plusieurs années un « univers étendu », c’est-à-dire un imaginaire où tous les héros sont réunis et interagissent. L’initiative n’est pas nécessairement mauvaise, mais le résultat est plus que pauvre : au lieu d’avoir une somme d’histoires cohérentes individuellement, c’est-à-dire des films ayant une réelle unité narrative, on se retrouve avec une sorte de série comme on pourrait en voir à la télé, sauf que les épisodes font 2h30 et coûtent 180 millions de dollars. Le scénario de ce nouvel opus est plus que chaotique : l’essentiel du film est composé de combats sans intérêts, où la douzaine de super héros s’affronte sans enjeu. Si l’idée originelle des studios était de faire s’entretuer les héros dans un film à grand budget, ils n’ont pas réussi à y placer une raison valable. On finit par ne faire qu’une différence entre ces personnages superficiels et creux : peuvent-ils voler ou non ? Le reste importe peu en réalité. Le film en arrive à se moquer de lui même quand Spiderman arrive et qu’un homme-oiseau souligne qu’on ne sait plus quoi trouver comme déguisement…

Tout comme la grande majorité des films de son espèce, Captain America est très réactionnaire et conservateur.
Il est d’abord réactionnaire dans sa conception du pouvoir : le pouvoir est forcément le produit d’une lutte au sommet, ici entre des instances supérieures, qu’elles soient super héro-ine-s ou institutions internationales. Il n’est cependant jamais posé la question de la légitimité de qui décide de ce qui est « juste » : d’un côté, des super-héros qui s’arrogent le monopole de la définition « du bien et du mal », qu’ils défendent par la force physique ; de l’autre, des institutions supra-étatiques comme l’ONU dont la légitimité auto-proclamée est remise en cause. Finalement, la solution proposée en dernière instance est celle d’un « héros » nationaliste viriliste, comme James Bond dans Spectre qui ramène l’ordre dans le Royaume d’Angleterre après avoir affronté une internationale du crime.

De plus, les personnages féminins sont relégués à un second plan et méprisés. Pour la veuve noire, il s’agit d’une accusation systématique de double jeu, construisant l’image de la femme instable en qui on ne peut avoir confiance. Wanda Maximoff, qui possède tout de même le pouvoir d’altérer les champs de probabilité, ne peut pas faire de choix elle-même : le film la place systématiquement dans des situations où les personnages masculins décident pour elle. D’ailleurs, dans les deux camps qui s’affrontent, les deux chefs de file sont des idéaux-types d’individus masculins dominateurs. Le premier, Iron Man, incarne la figure du chef d’entreprise qui a réussi (dans la vente d’armes, quand même !), responsable, qui cherche à « raisonner » les autres personnages pour les mettre dans le droit chemin ; figure paternaliste par excellence, qui dit à la petite Wanda Maximoff de rester sagement à la maison quand les hommes se battent…. Le second, Capitaine America, incarne plus la figure du militaire tête brûlée, qui tire plus sa légitimité de sa force physique que de son cerveau, le dragueur de la bande qui serait sûrement le mec bourré qui te drague en boite.

Le film est finalement fondamentalement méprisant pour ses spectateurs : il ne propose aucune problématique (la seule question évoquée, celle de la mise sous contrôle de l’ONU des super héros, est traitée plus que superficiellement), ne construit aucun personnage et ne lui donne qu’une montagne de coups de poings qui finissent par être plus ridicules qu’autre chose. Le fait que ce genre réussisse à drainer tant d’investissement et fasse tant de recette montre bien que l’industrie du cinéma (car c’est bien d’usines uniformisantes dont on parle) ne cherche plus qu’à créer des produits consommables par le plus grand nombre, en considérant que ce plus grand nombre ne peut pas trop réfléchir. Captain America : Civil War est au cinéma ce que McDonald est aux restaurants : attendu, dégradant intellectuellement, d’un mépris de classe sans nom. C’est une coquille vide, une allégorie de la vacuité.


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