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Crise écologique

COP26 : l’hypocrisie capitaliste face à l’urgence climatique

Le rapport du GIEC et la conférence de Glasgow soulignent la gravité de la crise climatique et le cynisme des gouvernements capitalistes. Face à cette situation, quelles sont les alternatives stratégiques pour freiner la destruction de la planète ?

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Du dimanche 31 octobre au 12 novembre se tient la COP 26- à Glasgow, en Écosse. Une conférence régie par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques établie en 1992, pour la coopération internationale en matière de climat. Cette édition, la plus importante en termes de délégations, est décrite par les médias comme "la COP de la dernière chance", notamment parce qu’elle intervient dans un moment marqué par l’intensification de la crise climatique liée au réchauffement de la planète, et par la pandémie, deux phénomènes qui sont des conséquences de l’impact du capitalisme sur la nature. De plus, la conférence se tient quelques semaines après la publication du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, qui a confirmé la gravité de la crise climatique.

Rapport du GIEC : alerte rouge et nécessité d’un changement urgent

Le 9 août, la première partie du sixième rapport du GIEC (AR6), intitulée "Climate Change 2021 : the Physical Science Basis", a été publiée, impliquant 234 auteurs, qui ont étudié 14 000 publications scientifiques depuis 2016. La deuxième partie sur les "impacts" sera publiée en février 2022 et la troisième partie sur l’"atténuation" en mars. Le contenu de ces deux rapports, qui a fait l’objet de fuites, permet de prendre la mesure de la gravité de la situation.

La première partie du rapport fournit avant tout les preuves scientifiques qui confirment la gravité de la crise climatique. Les doutes ne concernent que l’étendue de la catastrophe. Même dans le premier et le plus optimiste des cinq scénarios (SSP1-1.9), dans lequel les émissions de dioxyde de carbone (CO2) sont réduites à zéro d’ici 2050 et qui prévoit que la température moyenne de la planète ne dépasse pas les 1,5°C en 2040 et qu’elle se maintienne ensuite entre 1,2 et 2°C jusqu’à la fin du siècle, les conséquences climatiques sont catastrophiques. D’après ce scénario, le plus optimiste donc, les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les fortes précipitations, les inondations, les vagues de chaleur, les sécheresses, les moussons ou encore les méga-tempêtes se multiplieraient ; la fonte des glaciers et l’élévation du niveau des mers seraient irréversibles pendant des millénaires, affectant toutes les régions et tous les écosystèmes du monde, avec des conséquences désastreuses pour la vie sur Terre. Le deuxième scénario, (SSP1-2.6), également optimiste, dans lequel le réchauffement reste juste en dessous de 2°C, comporte des dangers encore plus extrêmes. Les trois autres sont plus conformes aux tendances actuelles du capitalisme, mais menacent directement l’existence même de l’humanité : le cinquième (SSP1-8.5,) notamment implique un réchauffement de 3,3 à 5,7°C, absolument catastrophique.

La fuite du contenu des deux autres parties du rapport est également significative et percutante. Selon l’Agence France-Presse qui a reçu la fuite, le projet de la deuxième partie, intitulée "Impact", avertit que ces chocs climatiques majeurs "modifieraient radicalement l’environnement et élimineraient la plupart des espèces, ce qui pose la question : est ce que l’humanité n’est pas en train de semer les graines de sa propre disparition ?". Le document indique que " La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. […] L’humanité ne le peut pas." Le rapport conclut que « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernements, plaident enfin les climatologues de l’ONU. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. » Il convient de noter que, non seulement les scénarios "optimistes" de baisse des températures présupposent le déploiement d’hypothétiques technologies de capture du CO2 incertaines, voire controversées, mais aussi que cet appel au changement est lancé aux mêmes gouvernements capitalistes qui nous ont mis dans cette situation, ce qui est profondément cynique.

Mais cela signifie-t-il pour autant qu’il n’y a pas d’issue ? Pas du tout. Cela signifie que tout doit être fait pour éviter d’atteindre la limite de 1,5°C. Il reste du temps mais la catastrophe se rapproche. Surtout, le rapport montre la contradiction entre les mesures nécessaires et urgentes pour y parvenir et les besoins du système capitaliste (1). L’ébauche de la troisième partie du rapport - qui a fait l’objet d’une fuite -, consacrée à l’atténuation et encore inachevée, insiste sur le fait que les hypothétiques améliorations technologiques qui permettraient une décarbonation relative, ne seraient pas suffisantes pour rester sous la barre des 1,5°C. Une transition sociale vers d’autres formes de production et de consommation est nécessaire. Selon CTXT, le média qui a divulgué ce document fourni par Scientist Rebellion, le document en question indique qu’aucune nouvelle centrale à charbon ou à gaz ne devrait être construite, et que les centrales existantes devraient réduire leur durée de vie" et ajoute : "certains scientifiques soulignent que le changement climatique est causé par le développement industriel, et plus spécifiquement, par la nature du développement social et économique produit par la nature de la société capitaliste, qu’ils considèrent donc comme non durable". Outre l’arrêt immédiat de l’extraction des combustibles fossiles, il est nécessaire de modifier l’ensemble de la matrice énergétique mondiale, de repenser les villes et les transports, de réduire la consommation de viande et de diminuer radicalement la production de matières plastiques. En d’autres termes, une transition vers un système véritablement durable est nécessaire. Le document insiste également sur le concept "d’injustice climatique" comme élément central du problème : "les 10 % d’émetteurs de CO2 les plus importants (à savoir les 10 % les plus riches de la population mondiale ) contribuent à 36 à 45 % des émissions de gaz à effet de serre, tandis que les 10 % les plus pauvres n’y contribuent qu’à hauteur de 3 à 5 %". Elle insiste également sur la nécessité d’une "transition juste", dans laquelle "les travailleurs, les communautés en première ligne et les secteurs vulnérables ne soient pas laissés pour compte sur la voie de la réduction des émissions de carbone".

Ce qu’il s’est passé depuis la convention-cadre des Nations unies de 1992 illustre les tendances contradictoires du capitalisme. Depuis le protocole de Kyoto en 1997, 50 % des émissions totales de CO2, dégagées depuis le début de l’ère industrielle en 1750, ont été libérées dans l’atmosphère, et 10 % au cours des sept dernières années ! Autrement dit après le sommet de Paris de 2015, les plus fortes augmentations des émissions de CO2 de l’histoire du capitalisme ont été enregistrées. En d’autres termes, 30 années perdues pour affronter le réchauffement climatique, gagnées par les entreprises capitalistes pour continuer à faire du profit. Depuis 1977 par exemple, Exxon Mobil, la plus grande entreprise pétrolière et gazière du monde, calcule précisément les implications climatiques de l’accumulation de CO2, comme l’ont prouvé des documents internes, tout en faisant du lobbying pour discréditer les preuves.

Les propos du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, témoignent de la gravité de la situation : le rapport du GIEC est "un code rouge pour l’humanité", a-t-il déclaré. Mais s’assurer que la COP26 soit à la hauteur de la tâche est une toute autre question.

Continuer le business as usual et les discussions hypocrites ?

Selon les Nations Unies, les objectifs de la conférence de Glasgow sont les suivants : 1) empêcher une augmentation de la température mondiale de plus de 1,5°C, grâce à des "réductions audacieuses et rapides des émissions" et à des engagements à Net zéro ; 2) augmenter le financement international de l’adaptation en vue de la transition, pour qu’il représente au moins la moitié du montant total consacré à l’action climatique ; 3) respecter l’engagement existant de réunir 100 milliards de dollars de financement climatique chaque année, afin que les pays en développement puissent investir dans les technologies vertes et protéger la vie de leur population contre l’aggravation des impacts climatiques.

Mais avant Glasgow, la réunion du G20 avait donné le ton et montré qu’il n’y avait rien à attendre de ce type de sommet : seuls 12 pays se sont engagés à ne produire aucune émission... d’ici 2050 (la Chine et l’Arabie saoudite seulement de manière formelle et uniquement en 2060). Alors que ces émissions devraient être réduites de moitié d’ici à 2030, elles devraient donc encore augmenter de 15 %. Les puissances ont également adhéré pour la première fois au mécanisme néolibéral de l’utilisation "d’incitations et de mécanismes de tarification du carbone" comme outil possible contre le changement climatique.

Comme le note le Guardian, "personne ne peut reprocher à cette COP de manquer d’un arc narratif clair. Le lancement des annonces a été habilement scénarisé pour donner l’impression de progrès". Une belle mise en scène.

Parmi les principaux pollueurs, Joe Biden, président du deuxième pays le plus émetteur, a prononcé un discours grandiloquent mais obscurci par le coup porté à son cheval de bataille, le Clean Electricity Performance Program (CEPP), par un sénateur de son propre parti, lobbyiste de l’industrie des énergies fossiles. Narendra Modi, le Premier ministre indien (5ème position), a promis que son pays convertirait la moitié de son schéma énergétique aux énergies renouvelables d’ici à 2030 et réduirait à zéro les émissions d’ici à 2070. La Chine, la Russie et le Brésil (troisième et quatrième pays au classement des émissions) étaient quant à eux absents.

Cette semaine, les participants à la COP 26 ont fini par signer un engagement pour mettre fin à la déforestation... d’ici à 2030. Le petit détail qui ruine le coup de com’, c’est qu’un engagement similaire avait déjà été signé en 2014, ce qui n’a pas empêché l’agrobusiness de continuer son chemin, donnant même naissance à la pandémie de Covid-19 par la destruction des écosystèmes et par la libération de virus par zoonose (dans le cas de l’Argentine, l’un des plus gros responsables de la déforestation, il existe même une législation antérieure que l’agrobusiness esquive sans problème).
Un engagement à réduire les émissions de méthane a également été signé par 100 pays, dont les États-Unis, le Brésil et l’Argentine (dont le gouvernement a mis sous le tapis la loi sur les zones humides, l’un des principaux foyers d’émissions de méthane, avec l’élevage). En ce qui concerne le charbon, 40 pays (dont la Pologne, un grand consommateur) se sont engagés à mettre fin aux centrales au charbon entre 2030 et 2040, mais les États-Unis, la Chine, l’Australie et l’Inde, les principaux consommateurs et exportateurs, ne l’ont pas fait [2].

Dans les rues de Glasgow, vendredi et samedi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé pour réclamer une action urgente. Greta Thunberg est lapidaire : "ce n’est un secret pour personne que la COP 26 est un échec [...] beaucoup commencent à se demander ce qu’il faut faire pour que les gens au pouvoir se réveillent [...] Mais soyons clairs, ils sont déjà réveillés. Ils savent exactement ce qu’ils font [...] Il semble que leur principal objectif soit de continuer à lutter pour le statu quo. Il ne s’agit plus d’une conférence sur le climat, mais d’un festival de greenwashing des pays du Nord. Une célébration de deux semaines de business as usual et de blabla". Jusqu’à présent, les faits lui donnent raison.

Énergies renouvelables et capitalisme "vert"

La COP est également devenue un lieu de négociations commerciales pour la transition "verte". Le cas du gouvernement argentin, qui a annoncé pendant la COP qu’une société minière australienne, Fortescue, produira de l’hydrogène vert en Patagonie, est un exemple de ces manœuvres. Une objection à la nécessité de mesures anticapitalistes vient du côté des énergies renouvelables. Comme le souligne Daniel Tanuro, [agronome, militant écosocialiste en Belgique et auteur de L’impossible capitalisme vert, ndlr] au cours des vingt dernières années, la part des énergies renouvelables a augmenté en moyenne de 13,2 % par an et, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), plus de 80 % des investissements énergétiques y seront consacrés au cours de la prochaine décennie. Mais c’est un mensonge de dire que l’élimination des combustibles fossiles est en progression : entre 2009 et 2019, la part des énergies fossiles n’est passée que de 80,3 % à 80,2 % ; la part du charbon n’a diminué entre 1999 et 2019 que de 0,3 % en moyenne par an ; tandis que le gaz naturel a augmenté de 2,6 % et le pétrole de 1,5 % (2014-2019). Les énergies renouvelables ne couvrent qu’une partie d’une consommation énergétique frénétique marquée, entre autres, par les chaînes mondiales à flux tendus, qui poursuivent l’extraction maximale de la plus-value en exploitant une main-d’œuvre bon marché partout sur la planète et en produisant anarchiquement des biens de consommation obsolètes. Même la spéculation prend des formes d’utilisation de l’énergie aussi irrationnelles que le minage de bitcoins. La consommation militaire et les modes de transport irrationnels et luxueux (avec, à l’extrême, les voyages éclairs de Jeff Bezos dans l’espace) sont d’autres sources de consommation et d’émissions. La moitié des émissions de l’aviation provient des 1% les plus riches de la population mondiale.

Le cas de la Chine, la plus grande puissance émettrice avec les États-Unis, illustre la contradiction entre l’entreprise de transition écologique et l’accumulation capitaliste : ce pays est le plus grand producteur de cellules photovoltaïques et a annoncé des objectifs de décarbonation (atteindre le pic en 2030). Si Pékin a dit vouloir cesser de construire des centrales à charbon à l’étranger, face à la demande d’électricité pour son industrie manufacturière, la Chine a augmenté la production nationale de charbon face à la hausse du coût du gaz russe et prévoit de construire 43 centrales dans différentes parties du monde.

Le cas des États-Unis n’est pas très différent, Biden ayant déjà abandonné tout flirt avec le Green New Deal et ayant accordé plus de 2000 nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière sur les terres publiques et tribales au cours des six premiers mois de l’année (avec un plan visant à accorder 6000 permis d’ici la fin de l’année). Pendant ce temps, l’armée impérialiste américaine consomme plus de combustibles fossiles et émet plus de gaz polluants que 140 pays réunis.

Dans l’ensemble, l’ONU elle-même estime que 15 pays (dont les États-Unis) prévoient de plus que doubler la production de combustibles fossiles d’ici 2030 par rapport à l’accord de Paris : 240 % de charbon en plus, 57 % de pétrole en plus et 71 % de gaz en plus [3].

Un mois avant le début de la COP 26, les organisateurs avaient annoncé que les grandes compagnies pétrolières ne participeraient pas au sommet, ce qui a été pris comme une victoire pour les secteurs écologistes qui réclamaient leur exclusion. Cependant, selon Friends of the Earth Scotland, des entreprises telles que British Petroleum, Chevron, Equinor, Rio Tinto et d’autres ont réussi à se faufiler dans le cadre d’un "business hub" mis en place au sein même du sommet. Une façade pour le commerce des émissions de gaz à effet de serre et des systèmes de compensation douteux.

Le cas argentin : greenwashing, négation du rôle de l’agrobusiness et fausses solutions

Quelle est la place de l’Argentine dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Comme le soulignait récemment le journal Página 12, citant le site web carbonbrief.org, l’Argentine se voit attribuer 8,6 gigatonnes d’émissions de CO2, soit moins que d’autres nations périphériques comme le Mexique (20,6) ou la Pologne (28,1) et loin derrière les États-Unis (402) ou la Chine (241,8), mais si l’on tient compte de l’utilisation des terres, elle se classe au 14e rang des émissions historiques, avec 23,7 gigatonnes supplémentaires émises (soit un total de 32,3 gt).

"L’Argentine est le sixième pays du monde en termes de terres cultivées, avec 39 millions d’hectares. Selon les données officielles, le pays fait partie des dix pays ayant subi la plus forte perte nette de forêts sur la période 2000-2015. La région la plus touchée est le parc de Chaqueño, le deuxième foyer de déforestation de la région après l’Amazonie", rapporte le journal. Cela se heurte frontalement aux affirmations négationnistes du rôle de l’agrobusiness par le ministre Julián Domínguez, qui a tweeté que "les systèmes agrobusiness dans notre pays font partie de la solution et non du problème". En effet, selon les données officielles, l’agro-bioindustrie est le principal producteur de gaz à effet de serre du pays : 9,8 % sont dus aux changements d’affectation des sols, 21,6 % à l’élevage et 5,8 % à l’agriculture.

Les propos du ministre J.Dominguez ne sont pas anodins : la BBC a également dénoncé les tentatives de l’Argentine et du Brésil d’éliminer des données scientifiques du sixième rapport du GIEC sur le rôle de la consommation de viande dans les émissions de GES, ainsi que d’autres tentatives de pays comme l’Arabie saoudite, le Japon et l’Australie concernant les combustibles fossiles [4].

Le gouvernement d’Alberto Fernandez tente de dissocier les responsabilités du réchauffement climatique de la matrice extractiviste qu’il promeut, qui comprend non seulement l’action agro-industrielle susmentionnée, mais aussi l’exploitation des hydrocarbures - y compris offshore - en allouant des millions de subventions publiques à la fracturation du gisement de Vaca Muerta (considérée par l’ONU elle-même comme une "bombe à carbone"), aux méga-mines polluantes et même aux méga-porcheries pandémiques, exploitées conjointement avec les partenaires chinois. L’annonce de la production d’hydrogène vert avec Fortescue pendant la COP 26 participe de la même logique d’exportation de matières premières pour répondre aux paiements illégitimes et illégaux de la dette au FMI. La proposition de "transition juste" du parti présidentiel fait appel à "l’échange de la dette financière contre la dette écologique", un mécanisme néolibéral qui repose sur des solutions de marché qui sont non seulement totalement insuffisantes, comme l’a montré le GIEC, mais qui sont fondées sur la marchandisation de la nature et la reconnaissance de mécanismes coloniaux tels que la dette. Illégitime et illégale, cette dette pourrait être souverainement annulée, comme le propose le Front de Gauche des Travailleurs (FIT-U), dans le cadre d’un plan global, en affectant une partie de ces ressources à une transition énergétique et agro-écologique, qui constituerait un exemple mondial. Mais rien de tout cela n’est compatible avec les plans du gouvernement et le dévouement dont fait preuve Joe Biden. Au contraire, ils voient une opportunité commerciale d’approfondir la matrice extractiviste.

La COP 26 est un pur "bla bla", mais quelles sont les stratégies concurrentes ?

Face à la crise globale imposée par le changement climatique, le capitalisme oscille entre deux stratégies : d’une part, une campagne de déni des preuves scientifiques. Si cette campagne négationniste est de moins en moins prise au sérieux, elle n’en est pas moins constante, comme en témoignent les années de l’administration Trump aux États-Unis ou celles de Jair Bolsonaro au Brésil. La deuxième stratégie, déployée sommet après sommet, est l’idée d’un capitalisme "vert" ou "durable", soutenu par des accords internationaux avec peu d’engagements réels. Cette écologisation du capitalisme repose sur la reconnaissance de la dégradation de l’environnement et de la nécessité de récupérer une partie du "capital naturel" comme stratégie pour améliorer le niveau de croissance économique. Le capital naturel apparaît comme un concept qui étend le capital économique en attribuant une valeur monétaire à un écosystème ou aux "services" que les écosystèmes fournissent à la vie humaine. Selon ce mode de pensée, la nature a une véritable valeur d’échange et la création de crédits ou d’échanges de carbone au prix de la "non-pollution" est logique. Ce n’est donc pas une coïncidence si les sommets tels que la COP 26 sont dominés par les grandes entreprises capitalistes et les gouvernements des principales puissances polluantes de la planète.

Le discours vert se concentre sur la nécessité d’incitations fiscales pour réaliser une transition énergétique, il masque le fait que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est permise la plupart du temps par des délocalisations de la production vers les pays périphériques. Les mesures dictées par les sommets et les agendas "verts" des gouvernements ne sont appliquées que tant qu’elles n’affectent pas les affaires et les intérêts des grandes entreprises, le commerce mondial, et la production capitaliste. L’hypocrisie est poussée à l’extrême : comme nous l’avons souligné, plusieurs des objectifs de réduction des émissions convenus reposent sur la promesse de la création future de technologies permettant de récupérer efficacement le CO2 de l’atmosphère à grande échelle, parmi d’autres technologies d’adaptation et d’atténuation qui ne font que révéler la volonté des grandes entreprises de poursuivre leurs activités en attendant une solution miracle. L’oxymore du "capitalisme vert" occulte la réalité : il est impossible de résoudre la crise climatique sans affecter les bénéfices des entreprises. L’essence du capitalisme est l’expansion du profit et l’accumulation à tout prix. Même si ce coût implique la destruction matérielle de la planète.

Les déclarations de Greta Thunberg sur la COP 26, celles des mouvements tels que Fridays for Future et d’autres mouvements de jeunesse, prennent tout leur sens à ce stade : "Il devrait être évident que nous ne pouvons pas résoudre une crise avec les mêmes méthodes que celles qui nous y ont mis en premier lieu". Il s’agit d’une dénonciation correcte du système capitaliste comme cause de la crise écologique actuelle. Cependant, ces mouvements manquent toujours d’une stratégie pour la surmonter. Nous ne pouvons pas réduire une revendication sur le sort de la planète à une simple dénonciation et demande aux représentants politiques capitalistes de prendre des mesures urgentes. Face à l’irrationalité du capitalisme et aux gouvernements qui ne défendent que les intérêts des entreprises, il est clair qu’il faut prendre des mesures drastiques et urgentes en planifiant rationnellement l’économie mondiale ou, comme le dirait Marx, en "introduisant la raison dans la sphère des relations économiques".

L’imposition de ces mesures ne peut être possible que si la planification de l’économie est entre les mains de la seule classe qui, en raison de sa situation objective et de ses intérêts matériels, a la capacité de diriger le reste des secteurs opprimés à éviter la catastrophe : la classe ouvrière. Comme le montrent des exemples moléculaires mais très significatifs, tels que la grève emblématique des travailleurs du pétrole de Grandpuits contre le géant Total en France. La classe ouvrière, dans toute son hétérogénéité - qui inclut ses différentes nationalités, les peuples indigènes et la lutte des femmes contre l’oppression patriarcale - a la force sociale pour mener à bien une alliance des travailleurs, des secteurs populaires et de la jeunesse pour mettre fin à la double aliénation du travail et de la nature imposée par le capitalisme et pour aller vers une planification réellement démocratique et rationnelle de l’économie.

[1] Comme le souligne l’économiste Michael Roberts :"le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie, le World Energy Outlook 2021, montre que nous savons ce qu’il faut faire, en détail et à un coût raisonnable. Mais il n’existe aucune volonté politique de la part des gouvernements, liés comme ils le sont à l’industrie des combustibles fossiles, aux secteurs de l’aviation et de l’énergie, et au secteur de l’énergie.

[2] Jonathan Watts, “Cop26 week one : the impression of progress – but not nearly enough”, The Guardian, 6/11/2021.

[3] Brad Plumer, “Fossil Fuel Drilling Plans Undermine Climate Pledges, U.N. Report Warns”, New York Times, 20/10/2021.

[4] Justin Rowlatt et Tom Gerken, “COP26 : Document leak reveals nations lobbying to change key climate report”, BBC News, consultado el 5/11/2021 en https://www.bbc.com/news/science-environment-58982445.


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