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Édito

Bridgestone. Pour sauver les emplois, sortir du dialogue social et construire la riposte ouvrière

Alors que la direction de Bridgestone est déterminé à fermer le site de Béthune, les directions syndicales restent pour l'heure enfermées dans le cadre du dialogue social. « Accord de méthode » et demandes législatives diverses ne permettront pas de sauver les emplois. L'urgence est, au contraire, à la construction de la riposte ouvrière, par la grève, l'occupation de l'usine et, plus largement, un plan de bataille conséquent contre les suppressions d'emplois.

Julian Vadis

22 septembre 2020

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Si elle a déclenché une vague de déclarations scandalisées généralisée, tout autant chez les personnalités politiques que syndicale, l’annonce de la direction de Bridgestone, en pleine réunion ministérielle, a le mérite d’annoncer la couleur : il n’y a aucune issue à la fermeture du site de Béthune. Une prise de position brutale, condamnant plus de 800 ouvriers, et leurs famille, aux affres du chômage et de la précarité. Et c’est sans compter l’impact direct sur l’emploi qu’une telle fermeture engendrerait pour l’ensemble du tissu économique de la région.

Une ligne claire donc, mais qui paradoxalement ne déclenche pas, au delà de déclarations indignés, un véritable changement de stratégie pour imposer par le rapport de forces la sauvegarde du site et des emplois. Si l’Intersyndicale locale se borne toujours à un « accord de méthode » et à la recherche d’un compromis en misant sur l’appui du gouvernement, mécanisme dénoncé par les ex-Whirpool et ex-Continental, comme Xavier Mathieu, comme étant de la poudre aux yeux menant à la fermeture effective d’usines. En effet, ces « accords » ne permettent pas de « gagner du temps », mais d’enfermer la question sociale dans un cadre de négociations dont les règles sont dictés avant tout par le patronat. Sans rapport de force, impossible d’empêcher, à ce titre, la fermeture du site. Au mieux, ce seront une poignée d’emploi qui seront maintenus.

Pourtant, l’intersyndicale du site semble vouloir jouer ce jeu. Dans un communiqué publié ce 21 septembre, le plan de bataille se résume donc « à la recherche de solutions alternatives » en s’appuyant sur le « soutien » du gouvernement. Un second communiqué, lui aussi paru le 21 septembre, en dit un peu plus. Un « plan A [pour] sauver l’usine en obtenant de l’invertissement », un « plan B [pour] participer aux discussions autour d’un éventuel repreneur, limiter un maximum les suppressions de postes » et un « plan C [pour] accompagner au maximum les salariés dans le cadre de la fermeture de l’usine ». Dans les trois cas donc, aucune mention n’est faites à la possibilité d’une bataille contre la fermeture, privilégiant une tentative de discussion avec la direction, puis une acceptation de la fermeture du site si la direction de Bridgestone, qui a déjà annoncé qu’il n’y aurait pas d’autres issues que celle-ci, allait au bout de la démarche

De leur côté, les directions syndicales nationales brillent soit par leur silence, comme c’est le cas de Philippe Martinez de la CGT, soit par le maintien du cadre du dialogue social à tout prix. C’est le cas de Laurent Berger, invité sur Europe 1 ce 22 septembre. Si le chef de file de la CFDT dénonce le « bras d’honneur » de la direction de Bridgestone, la stratégie se borne à la demande express de dispositifs législatifs encadrant le versement d’aides d’Etat. L’idée serait donc d’exiger aux patrons fermant les usines et ayant bénéficié de ces aides de rembourser. Une stratégie qui s’insère donc dans la logique de demander des « contreparties » aux entreprises, ligne des directions syndicales dans leur ensemble dans les discussions avec le gouvernement et le Medef depuis plusieurs semaines. Si Berger avoue lui même qu’il sera « sans doute trop tard pour Bridgestone », il est aussi clair que cette stratégie, totalement utopiste, ne permettra en rien à freiner la vague de fermetures d’usines que le cas emblématique de Bridgestone annonce.

Rompre le cadre de dialogue social, occuper l’usine et organiser la solidarité ouvrière : Seule voie pour enrayer la spirale des licenciements et fermetures de site

Pourtant, et contrairement à ce qu’affirme, en filigrane, Laurent Berger, la voie de la fermeture, voire de licenciements massifs avec un maintien minimal d’activité, n’est pas la seule alternative pour Bridgestone. Au contraire, le site de Béthune peut aussi être le symbole de la résistance ouvrière, en arrachant une victoire qui changerai radicalement la situation politique actuelle.

Pour ouvrir la voie à une telle alternative, l’heure n’est pas à l’attentisme d’éventuelles solutions d’un gouvernement qui a, à maintes reprises, démontré que sa politique est acquise aux intérêt du grand patronat. Ainsi, rompre tout cadre de dialogue social est absolument essentiel pour commencer à construire un plan de bataille conséquent contre la fermeture du site. Un plan de bataille pour lequel « il vaille la peine de se battre », décidé collectivement en assemblée générale réunissant syndiqués et non-syndiqués autour du mot d’ordre « non à la fermeture » et de 0 licenciement. Alors que la direction assure déjà qu’il n’y a aucune autre issue que la fermeture, il s’agit d’exiger à ce que les livres de compte de l’entreprise, non seulement du site de Béthune mais de l’ensemble du groupe Bridgestone, soit rendu public et que les ouvriers, à qui on ne promet que chômage et misère, est accès à ces informations.

Dans la situation actuelle, et nombre d’éditorialiste expliquent eux-mêmes que Bridgestone n’est que le premier exemple de fermetures de site, il est clair que les ouvriers de Béthune ne pourront gagner seul. C’est pourquoi il est essentiel, dans un premier temps, que l’ensemble des salariés de la branche se solidarisent de ceux de Bridgestone, pour une riposte collective des ouvriers du secteur contre les attaques du patronat, en cours ou à venir.

Loin de toute négociation dans les salons feutrés de Matignon, il est indispensable d’exiger des directions syndicales un plan de bataille général contre les licenciements, les baisses de salaires, les fermetures d’usines et l’exigence de revendications telle que la baisse du temps de travail, seul moyen de lutter efficacement contre le chômage de masse, et la hausse générales des salaires, alors que 9 millions de personne vivent sous le seuil de pauvreté. C’est en effet par ce biais, sous le mot d’ordre du « on touche à un, on touche à tous » qu’il sera possible d’inverser la tendance actuelle, et ouvrir à une réelle alternative de gestion de la crise économique, sociale et sanitaire en cours.


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