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Entre corruption et renforcement de l’arbitraire du pouvoir judiciaire

Brésil. Retour des manifs de droite au milieu d’une crise politique interminable

Le Brésil n’est plus synonyme de fête, plages et football. En tout cas, en terme de politique, le pays est devenu plutôt synonyme de « crise politique permanente », interminable. Cela s’ajoute au caractère structurellement corrompu de la caste politicienne brésilienne. C’est effectivement encore à cause de la corruption que, dimanche dernier, les secteurs les plus conservateurs et réactionnaires de la société brésilienne ont repris les rues de plusieurs grandes villes. Cortèges plus petits mais discours toujours aussi droitiers.

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La semaine dernière, les députés brésiliens ont adopté une série de lois dites « anti-corruption » mais dont la version initiale a été amendée. Ces amendements allaient dans le sens de limiter certaines prérogatives du pouvoir judiciaire concernant notamment les enquêtes anti-corruption. C’est une mesure qui cherchait clairement à protéger les politiciens des partis dominants qui sont tous, sans exception, embourbés dans des affaires de corruption.

Cette manœuvre des députés brésiliens répond à une dispute par en haut où le pouvoir judiciaire veut s’attribuer de plus en plus de pouvoirs pour interférer dans la vie politique, mais toujours dans le sens de favoriser les intérêts et les plans des capitalistes locaux et du capital international. Comme affirme Diana Assunção dans Esquerda Diario : « d’une part les politiciens putschistes cherchent de la stabilité pour le gouvernement de [Michel] Temer sur la base de l’impunité de tous les corrompus. D’autre part, le STF [le Tribunal Suprême Fédéral] et les membres de l’opération Lava-Jato [opération anti-corruption du pouvoir judiciaire] veulent protéger leurs super-pouvoirs. Cependant, ils sont tous unis pour appliquer le plan d’austérité contre les travailleurs ».

En ce sens, on peut dire que ces nouvelles manifestations de la « droite sociale » (dans le sens de la « droite de la société », pas forcément liée à des forces politiques de droite) sont l’expression du soutien au « parti Judiciaire » contre l’ensemble des partis dominants, y compris ceux de droite (PSDB, DEM). Autrement dit, un soutien au pouvoir judiciaire qui mène depuis plusieurs mois des enquêtes (sélectives) contre la corruption au Brésil, qui a joué un rôle central dans le Coup d’Etat institutionnel contre Dilma Rousseff, et qui maintenant voudrait s’arroger de nouveaux « super pouvoirs » pour « arbitrer » la vie politique brésilienne.

Certains analystes estiment que les amendements des députés visant à se protéger des enquêtes judiciaires sont liés aux prochaines « auto délations » de Marcelo Odebrecht, grand patron du groupe de BTP du même nom embourbé dans le scandale de corruption du géant du pétrole brésilien, Petrobras. On ne connaît pas encore les noms des politiciens qu’Odebrecht citera mais on s’attend que les révélations impliquent tous les partis du PT de Dilma et Lula à la droite du PSDB en passant par le parti de Temer le PMDB. Comme dit un éditorialiste dans le journal Folha de São Paulo par rapport aux déclarations d’Odebrecht : « le ‘‘Lehman Day’’ de la politique brésilienne arrive (…) Le cartel [des entreprises du BTP] c’est le scandale de tout le monde (…) Le cartel finançait les campagnes de tout le monde (…) Bon courage à tous, on se voit dans la phase suivante de la crise. Cela va être laid ».

Quant aux manifestations, elles ont été visiblement moins importantes que celles de l’année dernière où des centaines de milliers de personnes avaient pris les rues. Par contre, les revendications restaient très à droite, voire plus droitières encore. Des pancartes et banderoles exigeant une « intervention militaire », des slogans homophobes et anti-IVG étaient présents partout dans les cortèges. Les organisations qui convoquaient se sont illustrées par leurs positions très à droite et libérales, anti ouvrières et anti-populaires comme le Mouvement Brésil Libre (MBL), dont le leader a été élu conseiller municipal à São Paulo pour le parti de droite DEM. 

Comme on voit, dans cette crise par en haut toutes les options présentées sont réactionnaires et ne répondent en rien aux besoins des travailleurs et des classes populaires : soit renforcer les pouvoir d’une institution arbitraire et antidémocratique, dont les membres n’ont été élus par personne et entretiennent des liens profonds avec des cercles patronaux et impérialistes, le pouvoir judiciaire ; soit permettre à la caste politicienne de continuer à jouir de la totale impunité dans ses affaires de corruption.

Les centrales syndicales comme la CUT, liées au PT de Lula et Dilma, refusent de se mettre en ordre de bataille pour résister aux attaques contre les conditions de vie des masses. D’ailleurs, le PT a voté avec les autres partis pour garantir l’impunité des politiciens. Cependant, depuis plusieurs mois la jeunesse se mobilise contre les attaques du gouvernement qui prétend geler les dépenses sociales, notamment en éducation et santé, pendant les 20 prochaines années : des milliers de personnes ont manifesté contre cette mesure à Brasilia la semaine dernière. C’est celle-là, la voie à suivre.


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