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Fuera machistas

Bizutage sexiste dans un internat à Madrid : les étudiantes espagnoles se mobilisent dans les facs

Une action de « bizutage » machiste et misogyne orchestrée par des étudiants d’un établissement privé rattaché au campus universitaire Complutense à Madrid a pris une ampleur nationale. Des étudiantes de l’université appellent à sortir dans la rue dénonçant ces actes comme étant l’expression plus générale du caractère réactionnaire et anti démocratique de l’institution.

Cécile Manchette

10 octobre 2022

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« Salopes, sortez de vos terriers comme des lapins »

La vidéo a pris une ampleur nationale dans l’État espagnol, et obligé l’ensemble de la classe politique à se prononcer. Dimanche 2 octobre, des étudiants en internat au Colegio Mayor Elias Ahuja à Madrid, un établissement privé, religieux et exclusivement masculin, rattaché au campus universitaire Complutense, ont organisé une action de bizutage machiste et misogyne à l’adresse des étudiantes du Colegio Mayor Santa Monica situé en face.

Des dizaines d’étudiants postés à leurs fenêtres ont ainsi crié en chœur : « Salopes, sortez de vos terriers comme des lapins. Vous êtes toutes des putains de nymphos. Je vous promets que vous allez toutes être baisées ! ».

La vidéo a ensuite été publiée sur les réseaux sociaux, puis sur les chaînes de télévision et a suscité immédiatement une indignation générale, poussant le centre universitaire à se saisir de l’affaire, et les responsables politiques à se prononcer publiquement. Une enquête judiciaire a également été ouverte.

Condamnation unanime de le classe politique : l’hypocrisie de la droite et de l’extrême-droite

Alberto Núñez Feijóo, chef du Parti populaire (PP), le principal parti d’opposition de droite, a qualifié ce qui s’est passé d’ « inadmissible », et le parti d’extrême droite Vox, qui défend l’abolition de la loi sur les violences sexistes, a également condamné les événements. Toutefois, l’un de ses dirigeants, Javier Ortega-Smith, a nuancé cette position en insistant sur le fait que les étudiants de la vidéo n’ont pas eu « l’intention de blesser ou de nuire ».

En effet, ces politiciens qui ont souvent fait leur formation dans ce type de centres universitaires privés et religieux, savent que cela fait partie des « traditions » répandues dans ce genre d’établissement. Quand l’année scolaire commence, les pratiques de bizutage commencent elles aussi. L’une d’entre elles consiste à scander des propos misogynes depuis les fenêtres du bâtiment. Une pratique que les élèves plus anciens enseignent aux nouveaux et qu’ils doivent reproduire chaque année. Des étudiantes du Colegio Major Santa Monicas ont d’ailleurs pris la défense des étudiants en ce sens : « ces insultes sexistes ne nous offensent pas. Les pauvres, c’est une tradition ».

Parmi les pratiques réactionnaires et « traditionnelles » des étudiants du Colegio Mayor Elias Ahuja, l’ambassadrice d’Allemagne à Madrid a rappelé que des étudiants du même établissement avaient réalisé à plusieurs reprises les années précédentes des saluts nazis.

Une lutte contre les violences sexistes et les institutions réactionnaires à mener en indépendance des directions universitaires

Cet événement doit être analysé en lien avec l’institution dans laquelle il est survenu et plus généralement aller de pair avec une remise en question de l’idéologie dominante et du fonctionnement des universités actuelles.

En effet, comme le rappelle nos camarades madrilènes de Pan Y Rosas, le Colegio Mayor Elias Ahuja est un établissement privé, religieux et élitiste à laquelle accède les enfants des classes supérieures et de la bourgeoisie. Pablo Casado, ancien président du PP, a lui-même étudié dans cet internat, et a écrit un texte à l’époque qui révèle la vision que ces étudiants ont d’eux-mêmes ainsi que le climat dans lequel ils évoluent. Dans cet article il décrit la « particularité et l’originalité » des résidents du Colegio Mayor, qu’il définit comme « une espèce très évoluée, avec une masse cranio-encéphalique bien supérieure à celle des autres troupeaux voisins ». Il compare alors les étudiants à des « loups » à la recherche de « proies », et plaisante ainsi sur « la chasse » aux étudiantes à laquelle se livre les étudiants : « Il est ainsi devenu un chasseur féroce et infatigable de viande fraîche, contrairement aux autres troupeaux rivaux qui, par manque d’habileté et d’aptitude à la chasse, ont été contraints à un régime strictement végétarien ».

Ces étudiants sont donc élevés à la fois dans un climat où ils apprennent le mépris des femmes ainsi que le mépris de classe, sans oublier la haine raciale.

Le président du gouvernement actuel, le socialiste Pedro Sánchez, a condamné ces « comportements machistes » tout en dénonçant la banalisation de la « culture du viol ». Des étudiantes, dont nos camarades de Pan Y Rosas, souligne que la dénonciation de l’action misogyne assortie d’une expulsion de l’établissement voire d’une sanction judiciaire à l’encontre d’une poignée de ces étudiants, comme le soutient le gouvernement de coalition de gauche, ne mettra pas un terme aux violences sexistes. Cela limite la lutte contre le patriarcat à une série de sanctions contre des cas individuels.

Il faut aller plus loin et remettre en cause l’existence même de cette institution, et du système de fonctionnement des universités qui de par leurs prix exorbitants excluent des milliers de jeunes des études universitaires, et qui de par leur fonctionnement anti démocratique soumettent l’université aux intérêts des classes dominantes, du patronat, et reproduisent le machisme au sein de l’institution.

Enfin, nos camarades étudiantes de Pan Y Rosas, soulignent à quel point il est illusoire de penser que les organes de direction actuels de l’université, qui compte en leur sein des directeurs d’entreprises ou des politiciens du PP, soient en mesure de gérer les agressions contre les femmes.

Ainsi, les étudiantes, mais aussi les personnels de l’université, sont invité.es à se mobiliser ce lundi au cri de « fuera machistas » Dehors les machistes !


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