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Grève

Biélorussie. Tortures, violences… Malgré la répression, la mobilisation se maintient

Alors que se multiplient les accusations de torture à l'encontre de l’État biélorusse, plus de 100 000 manifestants sont sortis, ce dimanche 6 septembre, à Minsk et ailleurs dans le pays contre la réélection frauduleuse ce 9 août dernier, de Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans.

Tom Cannelle

7 septembre 2020

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Le mouvement se poursuit

Ce dimanche, plus de 100 000 personnes protestaient contre la réélection corrompue de Loukachenko à Minsk, la capitale biélorusse. Une mobilisation suivie aussi à Brest et Grodno, deux villes de l’ouest du pays. Le mouvement qui a débuté le 9 août continue de faire trembler régime réactionnaire de Loukachenko qui en appelle désespérément au soutien de Moscou. Et en effet, le cortège principal composé en grande partie de femmes et d’étudiants, a acculé le palais de l’Indépendance, résidence de Loukachenko qui était, comme tous les lieux stratégiques de la ville hautement gardé.

« une colonne de centaines de manifestants dans le centre de Minsk »

« La place de l’Indépendance maintenant. Il a commencé à pleuvoir, tout le monde a sorti ses parapluies »

Torture, violences et enlèvements : les manifestants face à la répression de Loukachenko

Ce qui marque très fortement le mouvement contre sa réélection, c’est la réaction extrêmement répressive du gouvernement Loukachenko. Encore ce dimanche : « Au total, 633 personnes ont été interpellées hier pour enfreinte à la loi sur les événements de masse », a indiqué le ministère de l’Intérieur biélorusse. Après les premières manifestations c’est près de 7000 personnes ont été arrêtées, une centaine blessée gravement et trois tuées sous les coups de la police anti-émeute. Les premiers témoignages de manifestants revenant de prison après quelques jours d’emprisonnement commencent à raisonner : plus de 600 personnes ont déposé des demandes d’enquêtes à l’encontre des forces de polices pour des lésions corporelles, 100 autres dénoncent avoir subi des actes de torture. Des chiffres officiels déjà colossaux, sans même parler des violences qui n’ont pas été déclarées. Interviewés par l’AFP, le 14 août, jour de la libération de la plupart des détenus, les victimes racontent l’enfer qu’elles ont subi entre privation d’eau, de sommeil, parfois jusqu’à une cinquantaine dans des cellules prévues pour 4 personnes, battues, torturées à l’électricité, menacées de viol... "On m’a frappé très fort sur la tête (...), mon dos est couvert de bleus après des coups de matraque" raconte Maxim Dovjenko, 25 ans « Ils m’ont brûlé les mains avec des cigarettes » ajoute-t-il.

« Yaroslav Poshovkin, le manifestant, m’a envoyé quelques photos des ecchymoses qu’il a maintenant ? après des jours de coups violents en prison. Les marques de matraque sur son dos semblent laisser des cicatrices.

« La voiture de ce résident de Minsk a été arrêtée par des hommes en noir, maintenant il est dans un état critique. "je suis menotté au lit, sous surveillance »

Aussi l’organisation mondiale contre la torture, la fédération internationale des droits de l’Homme ainsi que Comité Helsinki biélorusse et de Viasna ont adressé au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture dénonçant une « Torture généralisée et arrestations arbitraires de manifestants pacifiques en Biélorussie”. « La torture et les mauvais traitements semblent répandus et endémiques […] Le niveau actuel de brutalité et l’ampleur des abus sont sans précédent, même pour la Biélorussie. » écrivent-ils. Dans le même temps, les figures de l’opposition cherchent à obtenir une condamnation de ces violences et, par voie de fait, la reconnaissance Loukachenko comme illégitime à la tête de la Biélorussie, auprès de la communauté européenne. Une démarche de la principale figure d’opposition qui s’inscrit comme une voie pro-occidentale, s’appuyant de ce fait sur les institutions des plus anti-démocratiques de l’Union Européenne.

La répression ne se fait pas seulement envers les manifestants mais aussi contre les figures politiques d’opposition qui pour la plupart, sont en prison ou, comme la candidate d’opposition, Svetlana Tsikhanoskaïa, en exil. Ce Dimanche 6 septembre, rapporte le site d’informations biélorusse Tut.By des hommes cagoulés à l’image de ceux qui chassaient les derniers manifestants de la place de l’Indépendance, ont enlevé Maria Kolesnikova en pleine rue. Elle est une des principales figures de l’opposition libérale en Biélorussie et principal soutien à Svetlana Tsikhanoskaïa. La police quant à elle, nie être à l’origine de cette arrestation ou détenir Kolesnikova.

Malgré la répression des militants, les travailleurs restent déterminés à destituer Loukachenko

Ainsi, la police de Loukachenko réprime des militants, arrêtant deux dirigeants de la grève Anatol Bokan et Aliaksandr Laurynovich, tous deux présidents de comité de grève, l’un dans l’industrie potassique et l’autre dans la production de véhicule pour l’armée, deux fleurons de l’industrie biélorusse. Une répression féroce qui vise spécifiquement le mouvement ouvrier et qui est en définitive l’expression de son importante participation dans ce mouvement de contestation du régime réactionnaire de Loukachenko.

Nous écrivions le 16 août dernier « la participation de secteurs importants de la classe ouvrière à la contestation du régime de Loukachenko peut marquer une différence très importante par rapport à d’autres mouvements qui ont existé dans la région, qui ont pu être cooptés ou dirigés par des directions bourgeoises pro-impérialistes. Cette possibilité d’entrée de la classe ouvrière dans la colère semble faire peur aux dirigeants de l’opposition, qui appellent leurs partisans à la "modération". », aussi, peut-on noter que, que ce soit l’appel à la « modération » de Svetlana Tsikhanoskaïa ou la répression systématique opéré par Loukachenko, ce que représente de telles arrestations peut signifier que le système et ses représentants traditionnels comme populistes tremblent face à la possible organisation des travailleurs en comité d’usine par exemple dans des secteurs clé de l’économie biélorusse alors même que de larges vagues de travailleurs sortent des syndicats qui sont, dans tous les secteurs essentiels de la Biélorussie, à la botte de l’Etat.

Olga Britikova, 48 ans, dirigeante de la lutte à Naftan, une entreprise de pétrochimie du nord du pays, confie à Politico« J’ai le sentiment que les Biélorusses se sont soudainement réveillés, que nous réagissons maintenant à chaque injustice. Nous ne restons plus silencieux sur des choses sur lesquelles nous fermions les yeux. En ce moment, il y a une énorme solidarité. Si les autorités commencent à faire pression sur quelqu’un, nous nous levons tous pour l’aider. »

Face à cette déferlante répressive et pour conquérir les droits démocratiques qu’ils réclament, c’est en effet aux travailleurs de se réunir, de s’organiser et de prendre en main ce mouvement. C’est à ceux qui font tourner la société qu’incombe le devoir de renverser un ordre anti-démocratique établi sur la force d’une police et d’une prison qui torture.


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