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8 mois de lutte pour les personnels du collège toulousain

Bellefontaine. Ministère et rectorat forcés de reculer, les enseignants cessent leur grève de la faim

Avis Cunningham Classé REP + à la rentrée 2014, enseignants et personnels du Collège Bellefontaine, à Toulouse, ont entamé une grève, fin novembre 2014, pour exiger des moyens et pour dénoncer le discours du ministère sur les nouveaux dispositifs d’Education prioritaire. En janvier, les cours ont repris, mais le chef d’établissement, en lien avec sa hiérarchie, a monté des dossiers de toute pièce pour accabler les grévistes qu’il a classé en fonction de leur implication dans le conflit : meneurs, suiveurs, victimes. Le 22 mai, des procédures disciplinaires ont donc été lancées contre six enseignants pour les muter d’office, une procédure rarissime dans l’Education nationale. Les personnels, constitués en Collectif du 22 Mai, ont multiplié, depuis, les actions, contre cet acharnement répressif ayant reçu l’aval du rectorat académique et couvert par le ministère. Laure, professeure de SVT, a ainsi entamé une grève de la faim, rejointe, par la suite, par sa mère, Annick, puis par deux collègues, Bakoly et Claire.

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Il aura fallu cette mobilisation, largement passée sous silence par les médias et trop peu relayée par les directions syndicales ; il aura fallu, en définitive, ces quarante jours de grève de la faim cumulés pour Laure, Annick, Bakoly et Claire, pour obtenir une médiation d’État, afin que le rectorat finisse par céder partiellement et que des réponses soient apportées au Collectif du 22 Mai. La grève de la faim a ainsi cessé après que le 17 juillet Laure et Annick ont été transportées, sur avis médical, à l’hôpital.

Des dossiers disciplinaires vides

Les dossiers disciplinaires des six collègues injustement incriminés ont été effacés et le motif de « mutation dans l’intérêt du service » supprimé pour les six professeurs. En revanche, seule Laure aura la possibilité de réintégrer Bellefontaine à la rentrée 2015. Les mutations sont maintenues pour les cinq autres enseignants, et ce malgré l’effacement des dossiers, ce qui conduit à une situation absurde : si les dossiers sont vides, comment justifier ces mutations, sauf à vouloir sanctionner d’anciens grévistes ? L’administration et le rectorat sont contraints de reculer dans leurs sanctions, mais refusent de reconnaître l’injustice et l’arbitraire des procédures de mutation, sous peine de perdre la face. Jusqu’au bout, le rectorat a joué la carte de la division de la lutte, en individualisant la grève de la faim de Laure qui, pourtant, a toujours porté la revendication de la réintégration de l’ensemble de ses collègues ainsi qu’un traitement collectif des dossiers.

La hiérarchie continue à s’acharner, malgré un recul partiel

La principale revendication n’ayant pas été gagnée par tous, il est difficile de parler d’une victoire totale. En revanche, l’effacement des dossiers disciplinaires et du motif de « mutation dans l’intérêt du service » a pu être arrachée à la rectrice. D’autre part, dans le contexte répressif actuel contre les travailleurs comme les jeunes, les petites victoires sont d’autant plus grandes, notamment quand des professeurs parviennent à gagner partiellement, malgré la période des vacances scolaires sur lesquelles pariait l’administration pour laisser pourrir le mouvement à Bellefontaine. Le rapport de force était, par ailleurs, d’autant plus difficile à construire que les principales directions syndicales se sont contentées d’un timide soutien, notamment du côté du SNES, le principal syndicat des enseignants. C’est cet appui résolu de la part des organisations censées nous défendre qui a certainement manqué pour annuler les mutations.

Leçons d’une solidarité en marche

Pourtant, le Collectif du 22 mai a su faire preuve de créativité dans son combat, et la détermination des personnels de Bellefontaine a été exemplaire. Le Collectif n’a pas seulement relayé, au jour le jour, son combat à travers sa page facebook, mais il a su également mener à plusieurs reprises des expériences communes avec d’autres secteurs en lutte contre la répression afin de batailler pour la convergence en tant que levier important pour faire pencher le rapport de force. C’est ce qui a eu lieu lors du meeting-concert toulousain contre la répression des mouvements sociaux, en juin, où Laure et ses collègues ont pu prendre la parole, mais aussi à l’occasion du rassemblement du jeudi 16 juillet organisé avec des étudiant-e-s du Mirail contre la venue de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement Supérieur et la Recherche, mandaté par sa ministre de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem, qui pressentait un accueil salé, à Toulouse.

La campagne de solidarité qui a été lancée, avec des selfies de soutien envoyés depuis la France mais aussi de l’étranger,a été l’occasion de renforcer la détermination des enseignants en lutte. Le Collectif a également organisé différentes actions pour populariser la campagne et interpeler directement la Ministre en lui écrivant et en se rendant devant l’Assemblée nationale, puis en participant, le 13 juillet, au « Bal des réprimé », à Paris.

Et d’un combat à poursuivre

En donnant la parole aux grévistes et en les soutenant dans leurs actions, Révolution Permanente a, depuis le début, essayé de contribuer à leur campagne et à faire connaitre leur combat. Car, par delà notre soutien à Laure et à ses collègues, cette campagne porte sur notre droit à faire grève et à manifester. À ce titre, la lutte de Bellefontaine pour l’annulation de l’ensemble des sanctions à l’encontre des six enseignants toulousains s’inscrit dans un cadre plus large de lutte contre la répression pour faits de grève et pour avoir manifesté, qu’il s’agisse du cas de Gaëtan, de celui Gari et Oscar, deux enseignants du collège Gay-Lussac, de Colombes (92), « également menacés de sanctions disciplinaires, ou encore de celui de Yann Lemerer, postier du 92, révoqué de La Poste pour son activité syndicale.

« Nous avons montré au Rectorat et au Ministère que, malgré les vacances, nous ne nous sommes pas laissé intimider par de telles procédures, ont souligné les grévistes de Bellefontaine, en mettant un terme provisoire à leur mouvement. La continuité de notre action est un signe fort à l’adresse du ministère. Quelles que soient les circonstances, les enseignants ne cèderont jamais à l’intimidation et feront toujours valoir leurs droits. Dans tous les cas, à ce jour, un fossé s’est creusé entre le ministère et le monde enseignant ». Que ce message soit repris, dès la rentrée, par l’ensemble des personnels de l’Education en butte à la réforme des rythmes scolaires, à la réforme du collège et aux logiques austéritaires que continuent à porter les socialistes, voilà le meilleur casse-tête de vacances que l’on peut souhaiter à la ministre, à Valls et à Hollande pour cet été.


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