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Avec la loi « urgence coronavirus » Macron remet en cause les 35h et les congés payés

Alors que le gouvernement présentait ces mesures comme provisoires, la loi « urgence coronavirus » voté au Sénat remet en cause les 35h et limite le droit aux congés payés sans aucune date limite.

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Le Sénat a voté dans la nuit de jeudi à vendredi, la loi dite d’adaptation au coronavirus à 252 voix pour, 2 contre, et 90 abstentions. Ce texte, qui acte le report des élections municipales « au plus tard en juin », constitue une attaque importante contre les droits des travailleurs, tant sur le plan social que démocratique. Cerise sur le gâteau, présenté dans le cadre d’un plan d’urgence contre l’épidémie de coronavirus, et donc comme provisoire, le texte voté ne comporte aucune date limite et s’appliquera donc bien après la période de confinement. Macron et son gouvernement instrumentalisent donc la crise sanitaire, pour faire les cadeaux dont ils rêvaient au patronat.

Sur le temps de travail hebdomadaire, le texte voté permet d’abord « aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical. » La formulation est floue et la ministre n’a donné que de « très faibles précisions » selon Marianne qui précise que « pour le reste, un "décret" listera les métiers concernés ».
« Il peut s’agir de l’alimentation, de la production de matériel médical par exemple » s’est contentée de déclarer Muriel Pénicaud. Une mesure qui vise donc à faire payer la crise économique latente, conséquence du ralentissement de l’économie, inhérent à la crise sanitaire, aux travailleurs, en leur d’imposant non seulement d’être obligé de travailler sans protection sanitaire efficace, mais en plus de travailler plus pour gagner moins, et surtout pour que les patrons et actionnaires gagnent plus, comme l’a défendu la sénatrice Les Républicains, Sophie Primas.

Ensuite concernant les congés payés, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a expliqué devant les sénateurs que « il ne s’agit pas de supprimer les congés payés, mais d’utiliser une prérogative de l’employeur dans le code du travail en supprimant le délai de prévenance, normalement de quatre semaines, pour six jours ouvrés seulement. » Une mesure pour permettre aux entreprises d’imposer aux salariés de prendre leurs jours de congé pendant le confinement, et ainsi d’éviter de recourir au paiement du chômage partiel tout autant qu’à investir dans du matériel de protection sanitaire pour que les salariés continuent à travailler. Pour le patronat et le gouvernement c’est gagnant-gagnant, puisque cette semaine encore le MEDEF avait fait du bruit en s’inquiétant du nombre croissant de salariés qui refusent de continuer à travailler sans protection en risquant la contamination, tandis que c’est Muriel Pénicaud qui est montée au créneau pour menacer les salariés du BTP de ne pas leur accorder le paiement du chômage partiel pourtant promis au début de la crise.
Mais là encore, pas de limite de temps, et la mesure restera en application une fois la crise sanitaire terminée. Une bonne manière pour le gouvernement de remettre en cause le droit aux congés payés, puisqu’en plus de la suppression du délai de prévenance, le texte voté par le sénat prévoit que le gouvernement pourra « modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail » par ordonnance, c’est-à-dire abaisser le nombre de congés payés acquis par mois, aujourd’hui de 2,5 jours.

Enfin, dans le sillage de l’état d’urgence instauré après les attentats de 2015, la loi d’urgence sanitaire met en place un nouveau régime d’exception : l’état d’urgence sanitaire qui donne « pouvoir au premier ministre de prendre par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires ». Initialement prévu pour un mois renouvelable par le parlement, les sénateurs ont voté pour « une durée de deux mois », le rapporteur arguant de la difficulté de « revenir devant le parlement » dans le contexte actuel.

Pour faire respecter ces mesures, et notamment le confinement en vigueur, des sanctions pourront être appliquées, notamment des amendes de quatrième classe (135 euros), et des forces de police seront déployées comme en attestent déjà les 100.000 policiers et gendarmes mobilisés par le ministère de l’Intérieur pour verbaliser celles et ceux qui ne respectent pas le confinement dans les quartiers populaires, mais aussi contre les travailleurs qui refusent de travailler en s’exposant au virus. En effet, le texte prévoit qu’en cas de refus des réquisitions demandées, la sanction pourra s’élever à une peine de six mois de prison et 10 000 € d’amende. Or la formulation qui présente ces réquisitions « de tout biens et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire », justifiées, notamment par le besoin de taxis et de masques, est suffisamment floue pour permettre de réquisitionner par la force, et dans un futur proche, les travailleurs eux-mêmes, qui exercent massivement leur droit de retrait.

Si le gouvernement se cachait derrière un prétendu caractère provisoire de ces mesures, on se rappelle que l’état d’urgence instauré suite aux attentats avait finalement été intégré dans la constitution, et aujourd’hui l’absence d’une quelconque date limite dans le texte voté par le Sénat ne laisse aucun doute quant au fait que pour Macron, elles ont vocations à durer. En ce sens l’état d’urgence sanitaire cherche à étendre les pleins pouvoir du gouvernement pour nous imposer une restriction drastique des droits démocratiques et des attaques antisociales historiques contre le monde du travail.

De son côté l’opposition de gauche au parlement est restée bien muette face à ce texte qui vise en définitive à préparer le terrain à de profondes attaques contre le monde du travail, et qui permettra de faire payer la crise aux travailleurs. A l’instar de Jean-Luc Mélenchon qui déclarait le 12 mars dernier que le temps n’est plus « celui de la polémique », acceptant ainsi de « faire bloc » derrière Macron, les sénateurs de gauche se sont contenté de s’abstenir. Pourtant, pour lutter contre les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la crise actuelle ne pourra se faire que par la mobilisation des travailleurs, loin de toute « union nationale ».


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