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Autriche : le vice-chancelier d’extrême-droite obligé de démissionner après un scandale de corruption

Alors que l’extrême-droite rêve de devenir la première puissance européenne, ce scandale nous montre une fois encore à quel point ces partis ne sont pas anti-système, bien au contraire.

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Crédit photo : Isopix

C’est un coup de tonnerre à quelques jours des élections européennes. Le vice-chancelier d’extrême droite Heinz-Christian Strache a été obligé de démissionner ce samedi après la diffusion d’une vidéo où il propose d’offrir des marchés publics à une femme s’étant fait passer pour la nièce d’un oligarque russe en échange de financement occulte et de la mise au pas d’un journal autrichien. Alors que l’extrême-droite rêve de devenir la première puissance européenne, ce scandale nous montre une fois encore à quel point, ces partis ne sont pas anti-système, bien au contraire.

C’est le choc pour l’extrême droite européenne. Le Vice chancelier autrichien Heinz-Christian Strache a démissionné de tous ses mandats samedi. Pour cause, une vidéo sortie par les journaux allemands Der Spiegel et Süddeutsche Zeitung le montre à Ibiza en 2017 promettre des marchés publics à une soi-distante nièce d’oligarque russe en échange de financement occulte de son parti, le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ). Il souhaite également qu’elle prenne le contrôle du principal journal autrichien, Kronen Zeitung, afin que celui-ci se range du côté du parti d’extrême droite.

Les vidéos originales durent 7 heures. Elles auraient été tournées par 7 caméras cachées dans une villa à Ibiza où une femme, se présentant comme la nièce du magnat du gaz Igor Makarov, l’avait invité. Pour l’attirer, elle a prétendu détenir des centaines de millions d’euros d’argent sale à blanchir à l’étranger.

Alors en pleine élection législative et pronostiqué troisième, Heinz-Christian Strache aurait demandé à cette femme d’enquêter sur ses adversaires qu’ils considèrent comme des « drogués » ou « des homosexuels ». Au-delà de ça, il lui propose de devenir actionnaire majoritaire du plus gros journal autrichien, de virer quelques journalistes afin que la rédaction soutienne le FPÖ . Il était question qu’elle s’empare d’une chaîne publique que Heinz-Christian Strache promet de privatiser.

Il souhaitait également qu’elle investisse sa fortune dans le financement du parti, mais de manière occulte, afin de contourner la Cour des comptes via des versements à une « association d’intérêt public ». Il cite des dons allant de « 500 000 et un million et demi à deux millions » d’euros venant de grands patrons qui souhaitent, d’après Heinz-Christian Strache, des réductions d’impôts. Il cite même des noms comme l’entreprise d’armement Glock, René Benko fondateur de SIGNA - considéré comme le plus grand conglomérat immobilier privé d’Autriche. Forbes le place en 2019, comme la 3ème fortune d’Autriche avec une fortune évaluée à 3,8 milliards de dollars. Il a déjà été condamné à un de prison avec sursis pour tentative de corruption en 2012. En novembre 2018, étrangement, SIGNA a acquis des actions dans plusieurs journaux autrichien, comme Kronen Zeitung et Kurier. Heinz-Christian Strache cite également Novomatic, société internationale de jeux d’argent fondée par le milliardaire autrichien Johann Graf. En échange, il lui promet les marchés publics « remportés aujourd’hui par Strabag ».

A la veille des élections européennes, l’Autriche bascule dans l’instabilité politique

Ce scandale provoque de forts remous en Autriche. Sebastian Kurz s’était empressé en 2017 de faire alliance avec le parti d’extrême droite, aux dépends des sociaux démocrates. Kurz a été contraint d’appeler à de nouvelles élections législatives après cet été. Il aurait souhaité conserver l’alliance avec le FPÖ à condition que le ministre de l’intérieur, le très controversé Herbert Kickl considéré comme la tête pensante du parti d’extrême droite, quitte son poste. Le FPÖ aurait refusé. De fait, les 6 ministres du parti vont quitter le gouvernement. Johann Gudenus, actuel chef du groupe parlementaire FPÖ est la personne qui fait la traduction pour Heinz-Christian Strache dans la vidéo. Il sera peut être contraint de démissionner. D’un point de vue local, les alliances se brisent également comme à la frontière hongroise, où la gauche est alliée avec le FPÖ. Pour autant, le parti d’extrême droite peut compter sur une base électorale conséquente qui lui permettra sans doute de rester l’un des partis les plus influent d’Autriche.

Une épine dans le pieds des populistes et de de l’extrême droite européenne

Pourtant, autre conséquence de ces révélations : la perte de crédibilité pour l’ensemble de l’extrême droite européenne, Salvini et Marine Le Pen en tête. Victor Orban est présenté comme un modèle par Heinz-Christian Strache dans la vidéo. Notamment pour ce qui est du contrôle des média. Comme l’explique Le Monde, il cite également Heinrich Pecina, investisseur viennois qui « a racheté des médias hongrois en difficulté, avant de les revendre à des obligés de Viktor Orban ». Ils se seraient rencontré en 2018. De plus, Strache devait se rendre à Milan où se réunissaient les partis d’extrême-droite pour construire une « alliance des partis souverainistes » au Parlement européen. Avec ce scandale, le parti ne s’y est pas rendu. Le FPÖ est devenu un allié bien encombrant pour eux à un peu plus d’une semaines des élections. Alors que l’Autriche était un modèle pour eux il est devenu en un week-end l’illustration que ces partis sont tout sauf anti-système et ont les mêmes pratiques que les partis traditionnels.

Ce scandale de corruption redonne même un nouveau souffle à la frange « libérale » de la bourgeoisie, qui s’est empressée de se saisir de l’affaire pour justifier sa ligne politique néolibérale « progressiste » contre les « nationalistes » liés aux forces occultes russes, oblitérant de fait les multiples scandales de corruption qui touchent leur propres champions. L’éditorial du Monde se fait l’écho de cette position : « L’onde de choc de ce scandale, cependant, dépasse largement les frontières de l’Autriche. Il confirme les pires soupçons que les gouvernements démocratiques européens ont sur les liens de ces partis d’extrême droite avec les structures de pouvoir de la Russie de Vladimir Poutine : proposer de vendre secrètement des intérêts nationaux au représentant d’un pays dont les tentatives d’ingérence et de manipulation des processus électoraux au sein de l’Union européenne mobilisent tous les services de contre-espionnage relève d’une étrange conception du patriotisme. En démissionnant, M. Strache a tiré les leçons de ces révélations. Ses alliés européens, embarrassés, ont plus de mal. »

En effet, une conséquence directe de ce scandale est de déstabiliser en profondeur l’image « anti-système », fallacieuse, montée par les populistes de droite. L’effondrement de l’alliance autrichienne entre la droite conservatrice et l’extrême-droite qui faisait figure de modèle pourrait avoir des répercussion sur l’ensemble des partis populistes de droite en Europe, comme le souligne l’éditorial du Monde : « L’autre conséquence de la chute du vice-chancelier Strache est l’échec de la stratégie d’alliance droite-extrême droite dont rêvaient MM. Salvini et Orban pour le Parlement européen. Le chancelier Kurz, qui en était le pionnier, a clairement acté cet échec samedi. »

Derrière les luttes de fraction entre différentes franges de la bourgeoisie pour imposer leur agenda néolibéral, une chose est certaine : loin d’être anti-système le FPÖ en est plutôt le débouché et son pourrissement. A l’instar des autres parti d’extrême droite européens, il s’acoquine avec les grosses fortunes et le patronat. En échange de financement, ces partis sont prêts à faire des concessions aux grosses entreprises tout en développant un discours nauséabond portant la faute de la crise aux migrants. Ces derniers sont présentés comme les responsables de tous les maux de l’Europe alors que se sont les capitalistes, les mêmes qui financent le FPÖ, qui sont responsable de la crise.


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