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International

Argentine. Mobilisation massive contre le FMI et en mémoire des victimes de la dictature

Ce 24 mars les Argentins sont sortis dans la rue massivement pour exiger mémoire, justice et vérité pour les victimes de la dictature. À 46 ans du coup d’Etat, le combat reste présent et les manifestants ont également fait entendre leur refus des nouveaux accords avec le FMI –qui s’inscrivent dans la continuité de ceux qui ont été contractés pendant la dictature.

Lucia Nedme

25 mars 2022

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Ce « sont 30 000 raisons » qui ont poussé les Argentins à sortir dans la rue ce jeudi. C’était en effet l’anniversaire des 46 ans du coup d’Etat en Argentine qui a conduit à une féroce dictature et ce sont plus de dizaines de milliers de personnes qui se sont réunis dans la « Plaza de Mayo » pour exiger vérité et justice. Pour les manifestants, la journée était l’occasion de faire œuvre de mémoire pour les 30 000 personnes qui ont été détenues et/ou qui ont disparu pendant la dictature, mais également l’occasion de dénoncer le nouvel accord que le gouvernement argentin a passé avec le Fond Monétaire International (FMI), dans la continuité de celui passé par le régime dictatorial.

La mobilisation était appelée par la coordination «  Encuentro Memoria, Verdad y Justicia  » [Rencontre pour la Mémoire, la Vérité et la Justice], qui a décidé de faire un appel indépendant du gouvernement, qui a lui manifesté de son côté. Le Parti des Travailleurs Socialistes -le parti frère de Révolution Permanente- expliquait ce choix dans un communiqué : « Ce 24 mars, nous marchions encore une fois aux côtés de ‘Encuentro Memoria, Verdad y Justicia’ de manière indépendante du gouvernement, car nous refusons que celui-ci instrumentaliste cette date historique de lutte, et ce d’autant plus qu’il est désormais prêt à co-gouverner avec le FMI  ».

Justice, mémoire et vérité : le 24 mars une date historique de lutte

Ce 24 mars, comme chaque année, des figures emblématiques des mères de la place de Mai - une association des mères argentines dont les enfants ont disparu pendant la dictature- dont Mirta Baravalle, Elia Espen et Nora Cortiñas, se sont retrouvées dans la rue. Cette dernière a pris la parole pour rappeler la mémoire de tous les disparus : « Fils et filles, camarades, si les 30 mille disparus étaient là aujourd’hui, il y aurait beaucoup de choses qui n’auraient pas eu lieu, car ils seraient à vos côtés, luttant de toutes leurs forces. Et c’est sûr qu’ils n’accepteraient pas le FMI ! » A ces paroles, la place s’est emplie d’applaudissements et de slogans : «  Dehors le FMI ! ». Dans cette mobilisation, on retrouvait également des personnalités reconnues pour leur lutte pour les droits humains et les droits démocratiques ainsi que des familles de victimes de violences policières comme Cristina Castro, mère de Facundo –mort après avoir été vu pour la dernière fois en train de monter dans une voiture de police. La mobilisation a été massivement suivie dans les principales villes du pays comme Córdoba, Mendoza, Tucumán, Neuquén, Rosario et San Salvador et partout étaient également au rendez-vous des figures des forces politiques de gauche et d’extrême-gauche ou du syndicalisme combatif.
Le communiqué officiel lu à la fin des manifestations, rappelait les conséquences terribles de la dictature, mais aussi la lutte exemplaire qu’ont mené les Argentins pour exiger vérité et justice.

La dictature a été sanglante et le régime a été à l’origine de milliers de cas de tortures, d’assassinats de militants et activistes et de l’ouverture de plus de 600 centres clandestins de détention. C’est face à la multiplication des disparitions que le « mouvement des Mères de la place de Mai » s’est mis en place, elles manifestaient chaque semaine en silence.
Après la dictature, les gouvernements qui ont suivi, ont cherché à amnistier les responsables. Mais si le 24 mars est une date historique de lutte, c’est qu’elle commémore le combat mené pour la justice et à la mémoire des disparus. C’est grâce à cette mobilisation qu’en 2003, les lois d’impunité ont été annulées permettant de rouvrir les procès contre les responsables et d’en faire emprisonner 1 044 qu’en 604 autres procès sont toujours en cours. Mais le combat n’est pas fini, les archives ne sont pas toutes ouvertes et les pactes avec le FMI qui attaquent les classes populaires se poursuivent.

46 ans après la dictature, le FMI toujours main dans la main avec l’Etat

Dans la manifestation résonnait également un puissant cri de rejet du FMI. En effet, ce dernier, au lendemain du coup d’Etat en 1976, a débloqué des fonds et les a remis au régime dictatorial de Videla. En contrepartie, il a exigé de la dictature, une loi sur les institutions financières, signant l’assujettissement économique du pays et un avenir de misère pour la population. Or, ces lois sont toujours en vigueur et le gouvernement a signé récemment un nouvel accord avec le FMI promettant d’intenses mesures austéritaires. Cet accord est une attaque qui va soumettre les populations à plus de pauvreté, des salaires plus bas et va réduire encore les budgets pour la santé et l’éducation. Pour donner une idée, les 2 800 millions de dollars que l’Argentine payera en remboursement de dette au FMI, représentent 65 000 logements populaires et 325 000 postes de travail. C’est pour toutes ces raisons, pour affirmer qu’il n’est pas possible de négocier la dette avec le FMI qu’un appel à manifester en toute indépendance du gouvernement a été lancé.

« Aujourd’hui, comme chaque 24 mars, nous occupons la place pour dire haut et fort qu’on n’oublie pas, on ne pardonne pas, qu’on ne se réconcilie pas. Nous n’abaissons pas un seul de nos drapeaux, et c’est pour cela que nous dénonçons que ceux qui ont collaboré et bénéficié du coup d’Etat génocidaire, sont les mêmes qui aujourd’hui ont poussé au nouvel accord avec le FMI. La dette a fait un bond exponentiel aux premiers jours de la dictature et il y a quelques jours le gouvernement et le macrisme nous ont promis une nouvelle attaque. Nous savons que les projets du FMI, ce sont les travailleurs qui en font les frais, c’est pour cela que nous affirmons qu’il y a 30 000 raisons de lutter contre le FMI. Nous partirons d’ici avec un autre point d’appui pour continuer la lutte et la résistances dans les rues, contre le FMI et leur plan d’ajustement, qui ne passeront pas sans lutte  » - affirmait dans ce sens Alejandra Arreguez, militante du PTS-FITU.

Tant que les complices et les fondements mêmes de la dictature seront encore en vie, tant que la soumission et les attaques contre les travailleurs augmentent, la lutte fera de même : voilà le signal envoyé dans la rue ce jeudi ! Après 46 ans, la lutte se poursuit en Argentine avec une nouvelle génération combative qui n’entend pas se laisser marcher dessus par le FMI.


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