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Pillage impérialiste

Argentine. Alberto Fernandez annonce un nouvel accord colonial avec le FMI

Annoncé ce 28 janvier, le nouveau pacte entre le gouvernement Fernandez et le FMI est un accord colonial visant à faire payer aux classes populaires une dette odieuse.

Julien Anchaing

3 février 2022

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Crédit photo : Eduardo DE MIGUEL, Nina NEGRON / AFP

Le gouvernement Fernandez cherche à vendre le nouvel accord avec le FMI comme un assouplissement des conditions de remboursement du prêt de 44 milliards de dollars effectué par Mauricio Macri en 2018. C’était d’ailleurs le prêt le plus important de l’histoire de l’institution financière à ce moment dirigée par Christine Lagarde, actuelle présidente de la BCE. La réalité de ce nouvel accord est bien plus sombre : il enserre le pays dans l’étau de l’institution impérialiste venue organiser le pillage des ressources financières de l’Argentine et assure que ce sont bien les classes populaires qui paieront la crise. Pire encore, il entérine la légalité de la dette contractée par la droite Argentine en 2018 qui avait accéléré l’endettement du pays avant d’être désignée comme une dette illégale par plusieurs juristes internationaux, notamment proches du FMI.

Loin des messages faussement naïfs d’Alberto cherchant à rassurer sur l’accord en affirmant que celui-ci ne comporte aucun critère de conditionnalité, il s’agit d’un accord colonial organisé par le patronat et les classes dominantes argentines ainsi que l’impérialisme américain.

L’accord resserre l’étau du FMI sur le pays

D’après les détails développés pour le moment par le gouvernement on peut déjà affirmer que l’accord proposé ce 28 janvier est un accord colonial qui entraînera des conséquences sur de nombreuses années. Avec celui-ci, c’est bien l’avenir de toute une génération de travailleurs et des classes populaires qui risque de se concrétiser en une précarité croissante. Les salaires ont déjà perdu depuis 2015 près de 20% de leur valeur nette et la précarité et la pauvreté n’a fait qu’augmenter dans le pays, concernant aujourd’hui près de 45% de la population. Avec ce nouvel accord, le gouvernement argentin fait entrer le loup dans la bergerie : le FMI aura maintenant un droit de regard et le déficit fiscal devra baisser de 3% en 2021 à 0.9% du PIB du pays d’ici à 2024.

Un accord colonial qui continuera à accélérer la fuite de capitaux du pays. Et ce notamment à travers le paiement des dettes privées qui enchaînent historiquement le pays aux fonds « vautours ». On y ajoutera l’évasion fiscale estimée à près de 400 milliards de dollars permettant au patronat de protéger ses profits des impôts publics. La rigueur autour du déficit aura des conséquences très concrètes. Avec cet accord, on paie une nouvelle fois la dette avec de nouvelles dettes, en enchaînant le pays jusqu’à 2032 a minima tout en assurant pour le FMI le droit de regard sur les grandes décisions du pays.

Le FMI a accordé avec l’Etat une réduction du déficit fiscal primaire qui signifie une réduction des coûts de l’Etat (c’est-à-dire les retraites, les salaires des fonctionnaires, les subventions aux services publics, le budget de la santé, de l’éducation…). Ce mécanisme s’ajoutera à d’autres venus déjà attaquer durement les conditions de vie des travailleurs et de la jeunesse argentine : l’inflation massive de 6.5% cette année ainsi que la mise en place de taux d’intérêts supérieurs à l’inflation dans le cadre des crédits à la production et à la consommation.

Avec cet accord, l’Argentine est sur le point de signer son 23ème accord historique avec l’institution financière et fait un pas de plus dans sa décadence économique au profit de ses créanciers, à commencer par les Etats-Unis (principal partenaire financier du FMI). Un long chemin vers la précarisation de la vie des Argentins mais aussi vers la privatisation croissante des grandes ressources du pays, comme l’avait déjà montré la tentative des accords méga-miniers de Chubut déboutés par la résistance des travailleurs et des communautés de peuples originaires locaux.

Le gouvernement de centre-gauche hypothèque le futur des classes populaires

Cet accord de subordination du gouvernement à Washington et au FMI a des conséquences très claires qui laissent présager une accélération de la crise politique du pays. Les élections de novembre dernier avait déjà montré un fort recul du gouvernement ainsi qu’une avancée de l’opposition de droite et l’émergence de l’extrême gauche révolutionnaire comme troisième force nationale. Coupable d’appliquer les plans demandés par le patronat et le FMI, le président Alberto était passé d’un message triomphant en 2019 censé incarner un gouvernement « national et populaire » à une politique austéritaire à laquelle on pouvait s’attendre. Les fortes illusions des classes populaires quant au gouvernement (légitimes après la présidence de Mauricio Macri) s’étaient heurtées à la dégradation de leurs conditions de vie. Elles ont totalement disparu après la répression extrêmement violente d’un campement de familles restées sans foyer à Guernica où près de 750 familles avaient été expulsées par la police de Buenos Aires à la demande d’un grand propriétaire terrien.

Cette crise s’accélère désormais avec le retrait de Maximo Kirchner (fils de l’ex-présidente et actuelle vice-présidente Christina Kirchner) président du bloc du Frente de Todos coalition de Alberto Fernandez. Comme l’explique Myriam Bregman, membre du Parti des Travailleurs Socialiste et du Front de Gauche-Unité « Ce qu’a fait Maximo Kirchner confirme que l’accord avec le FMI est un nouveau pacte colonial ». En effet, la défection suivie de plusieurs crises depuis les élections de membres de la coalition du Frente de Todos montre surtout la fébrilité de l’ancienne présidente Kirchner (centre-gauche) à voir sa base sociale mise en contradiction du fait de la gestion du gouvernement dont elle est membre. Rappelons tout de même que l’attitude des Kirchner et de Maximo n’est en rien une position de résistance, le député ayant lui même rappelé qu’il n’appelait pas à une rupture avec le FMI, mais bien plutôt la défense du capital politique du kirchnerisme conquis au sein des classes populaires.

De son côté la droite et l’extrême droite jouent leur rôle de lèche-bottes du FMI et de Washington entre coup d’éclats théâtraux comme lors du vote du budget 2022 et exigences fiscales au gouvernement. Une attitude qui ne saurait cacher sa responsabilité centrale dans la crise actuelle du pays.

Une dette odieuse, illégitime, illégale et frauduleuse

Tout le régime politique (l’opposition de droite s’étant déjà prononcé en faveur de l’accord), le grand patronat, les bureaucraties syndicales de la CGT, les grands groupes de presse et médias ainsi que les économistes de l’establishment du pays crient haut et fort l’importance d’accepter cet accord, censé être voté en mars par les députés. Ils défendent le pillage du pays et le sauvetage des grands patrons argentins afin de faire payer la crise aux classes populaires.

Le 11 décembre des milliers de personnes avaient déjà pris la rue contre le FMI et l’austérité, appelés par une centaine d’organisations ainsi que l’extrême gauche du Front de Gauche -Unité. La place qu’a pris cette coalition par l’élection récente de 4 députés nationaux ainsi que sa consolidation en tant que 3ème force politique du pays en fait un acteur central pour affronter le FMI et la dette odieuse, illégitime, illégale et frauduleuse qui enchaîne le pays. Une nouvelle manifestation est organisée ce 8 février contre l’accord proposé par le gouvernement où seront présents nos camarades du Parti des Travailleurs Socialistes (organisation reliée à Révolution Permanente).

Non à l’accord et à l’austérité décidés avec le FMI ! Refusons de reconnaître la dette souveraine du pays, nationalisation du système bancaire et mise en place d’un monopole du commerce extérieur. Nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises de service publiques ainsi que les ressources stratégiques du pays !


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