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Interdiction des licenciements !

Argenteuil. Les 90 salariés de Semperit en lutte contre leurs licenciements

L’usine Semperit d’Argenteuil, qui emploie actuellement 64 personnes, risque de fermer et d’emporter avec elle les services commerciaux. Explications d’un énième plan social qui risque de mettre 90 familles dans la misère.

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Une usine condamnée par les patrons il y a bien longtemps

Filiale du groupe Semperit, Sempertrans France Belting Technology (SFBT) est actuellement spécialisée dans la fabrication de bandes transporteuses en caoutchouc, des tapis roulants pour les mines de charbon, de cuivre ou de sable. Seulement, le 30 juin dernier, le patron de l’usine a annoncé aux 64 employés un « plan de sauvegarde de l’emploi » qui permettrait de licencier 63 personnes et de garder… le comptable. Une belle façon d’appeler un plan de licenciement qui risque non seulement d’emporter les salariés d’Argenteuil, mais aussi les salariés de la vente qui se trouvent à Levallois Perret, à 10 km de là. Si le patronat cherche à faire accepter ce plan en disant qu’il a « besoin de rationaliser son outil industriel » pour « faire face à la concurrence accrue de ces dernières années », on se rend compte que la délocalisation, qui est prévue vers la Pologne est envisagée depuis de nombreuses années. Car les « difficultés » industrielles ont été inventées de toutes pièces : en 2016, Sempertrans fait 13 millions de bénéfices ; en 2017, ce sont 66 millions d’euros qui devraient aller pour une grande part dans la poche des actionnaires. Pour justifier la perte des emplois d’Argenteuil, la direction du groupe a donc « préparé » le terrain : dès novembre 2016, le site est mis en situation de chômage partiel. Des salariés qui touchaient à peu près 1500 euros par mois se retrouvent à 1100 euros pendant six mois. Cependant, si le chômage partiel a été justifié par un soi-disant « manque de commandes », un salarié nous confie que « en janvier, on a remarqué qu’ils refusaient des commandes. Habituellement, les commandes se font en 10 semaines ; ils ont monté à 20 semaines pour faire reculer des clients  ». Tout ce que demandent les salariés c’est pourtant 2 millions d’euros d’investissement, surtout pour mettre aux normes les machines. Une goutte d’eau face aux 40 millions investis dans l’usine polonaise et par rapport aux 66 millions de bénéfice sur l’année 2017.

Doigts coupés et chaleurs épouvantables : les conditions de travail dans l’usine la « plus dangereuse du département »

La mise aux normes des machines apparaît comme l’une des priorités : les conditions de travail sont tout simplement épouvantables, et l’usine est particulièrement détériorée.

C’est simple ; à un moment donné, l’usine était la plus dangereuse du département, celle où il y avait le plus d’accidents de travail. Aujourd’hui, s’il y en a moins, c’est surtout parce qu’il y a moins de salariés, nous explique un syndicaliste de la CGT.

La visite de l’usine fait d’ailleurs froid dans le dos : très peu de machines sont sécurisées, et les seules qui le sont l’ont été sous pression de l’inspection du travail. Sur les trois derniers directeurs généraux, deux sont partis après des condamnations de prison avec sursis suite à un accident de travail. Fin 2016, un salarié a vu quatre de ses doigts être broyés dans une machine à cause de procès de production archaïques et dangereux pour les travailleurs. Régulièrement, d’autres accidents arrivent : des fractures ouvertes, des troubles musculo-squelettiques, des doigts perdus… voilà le quotidien de l’usine. Plutôt que de sécuriser l’ensemble des machines, ce qui permettrait de faire tourner l’usine, la direction a préféré fermer l’accès à deux machines particulièrement importantes pour le chiffre d’affaire : « ces deux machines, ce sont les poumons de l’usine ; si elles restent arrêtées, on ne peut que fermer » explique un salarié. Cependant, la direction se refuse à faire les investissements nécessaires, préférant délocaliser en Pologne, où les normes sont moins strictes et la main d’œuvre moins chère.

De plus, les conditions de travail du côté des fours qui cuisent les bandes de caoutchouc sont épouvantables : « pendant le Ramadan, il faisait 46°C à côté du four, dont la température est de 160°C. Il n’y a pas d’aération, pas de courant d’air, on cuit dans l’usine » témoigne un salarié gréviste. Un autre renchérit : « durant la dernière canicule, il y avait des collègues qui perdaient 4kg par jour s’ils ne buvaient pas ! ». C’est donc une usine vétuste que la direction a refusé d’entretenir qui est aujourd’hui sur le point de disparaître.

90 salariés en lutte pour leurs emplois et une convergence des luttes à construire

Durant « l’âge d’or » de l’entreprise, celle ci employait jusqu’à 3000 salariés dans la région, dont 1000 à Argenteuil. Aujourd’hui, ils sont réduits à 64 à Argenteuil et 25 et quelques à Levallois, avec un site près de Béthune (Pas-de-Calais). Face à cela, les salariés cherchent à peser sur les négociations en cours au ministère du travail pour sauver leurs emplois et pousser à empêcher la fermeture de leur usine. « On ne lâchera rien, cette entreprise, c’est notre vie et pour les plus vieux, si on est licenciés, on aura plus rien » témoigne un des plus anciens de la boîte. C’est pourquoi les salariés ont décidé d’entamer un mouvement de long terme, en débrayant tous les jeudis pendant 3 heures et en invitant tous leurs soutiens à venir s’informer du déroulement de la lutte. Une modalité de grève qu’il faudra peut être durcir face à une direction qui ne veut rien lâcher, et qui risque de ne pas être particulièrement inquiétée si le rapport de force en reste là.

Un des atouts que les Semperit essayent de construire, c’est la convergence avec d’autres entreprises en lutte dans leur département. Un rassemblement avait d’ailleurs lieu en même temps que le piquet de ce jeudi devant la préfecture de Cergy. Toute l’Union Départementale de la CGT avait appelé à « rester mobilisés durant l’été ». La convergence avec les autres entreprises en lutte dans le département, notamment TNT, reste cependant à construire. Les salariés peuvent aussi compter sur le soutien des Argenteuillais, qui étaient nombreux à être venus les soutenir, comme un des vestiges du passé industriel de la ville.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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