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Réforme des retraites

Après la journée massive du 19 janvier, quelles suites dans la jeunesse ?

Après la journée massive de mobilisation le 19 janvier, la question de savoir si la jeunesse entrera dans la bataille ou non est dans tous les esprits. De fait, alors que la naissance d’un mouvement dans les facs et les lycées pourrait changer la donne et contribuer à faire reculer Macron, c’est à ça qu’il faut s’atteler dès cette semaine.

Antoine Weil

23 janvier 2023

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Après le grand succès du 19 janvier, où plus de 2 millions de manifestants et des grèves ont paralysé le pays pour une journée, la question des suites à adopter pour gagner reste en suspens. Pour réussir à faire reculer Macron, la mobilisation de la jeunesse, encore embryonnaire en ce début de mouvement, est un enjeu décisif.

Une journée de grèves et de manifestation massive dans le monde du travail, avec de nombreux cortèges jeunes

La journée de jeudi a été l’occasion d’une démonstration de force du monde du travail : dans les transports, dans l’éducation, dans l’énergie mais aussi dans de nombreuses entreprises du secteur privé, on a constaté un taux de gréviste considérable, qui évoque le mouvement victorieux de 1995.

Plusieurs cortèges jeunes ont rejoint la manifestation interprofessionnelle partout en France. A Paris, à Toulouse, ou à Bordeaux par exemple, plusieurs centaines d’étudiants et lycéens affichaient leur détermination pour faire échouer cette réforme qui prévoit de les faire travailler pendant au moins 43 ans avant leur retraite. Dans le même sens, plusieurs dizaines de lycées étaient bloqués jeudi matin.

Ces premiers signes d’activité dans la jeunesse constituent des éléments encourageants, d’autant qu’ils s’appuient sur des Assemblées générales tenues au cours de la semaine, se donnant l’objectif d’organiser et d’élargir la mobilisation sur les lieux d’études.

Pour autant, la mobilisation de la jeunesse, débutée il est vrai dans une période d’examen, reste pour l’instant encore embryonnaire, loin des mouvements de 2016 et 2018 qui avaient vu plusieurs milliers de jeunes affronter la loi Travail puis ParcourSup. Pour faire reculer le gouvernement sur les retraites, un des principaux défis pour le mouvement est donc de construire la mobilisation de la jeunesse.

S’emparer du mouvement pour faire reculer Macron sur les retraites, et sur le reste

Comme nous l’écrivions récemment, les raisons ne manquent pas pour que les jeunes sortent dans la rue. Quand l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail se situe à 22 ans et 7 mois, l’allongement à 43 années de cotisation assure un départ à la retraite toujours plus tardif. Pour une jeunesse qui connaît avant tout le chômage (qui touche 16% des jeunes), la précarité, et la sélection limitant l’accès aux études supérieures, le futur que promet la macronie revient en réalité à perdre sa vie à la gagner. Dans le même temps, le marché du travail les mettra en concurrence avec leurs familles et leurs proches plus âgés, qui ne pourront pas partir à la retraite avant 64 ans.

Si dans ces circonstances il est vital pour les jeunes de se battre contre la réforme des retraites, le gouvernement a déjà prévu d’autres terrains d’attaque pour faire payer la jeunesse. Généralisation du SNU, sélection renforcée en master, réforme des bourses : Macron veut discipliner les jeunes dès le début de son second mandat. Et c’est la réforme des retraites, « mère des batailles » pour l’exécutif, qui est censée lancer le quinquennat, et donner à un gouvernement entravé par une majorité relative la force de mener les attaques suivantes. A ce sujet, les médias bourgeois sont clairs : reculer sur les retraites signifierait d’ores et déjà l’échec du mandat de Macron. Infliger dès maintenant un revers à Macron est donc le meilleur moyen d’enrayer cinq années d’attaques contre la jeunesse.

Face à un président largement détesté, il s’agit plus que jamais de saisir l’occasion pour lui faire payer sa responsabilité – et son mépris – face aux problèmes qui touchent la jeunesse, symbolisé encore récemment par sa déclaration « qui aurait pu prédire la crise climatique ? ». Après un été de catastrophes naturelles qui a justement renforcé l’idée que l’avenir serait marqué par les effets de la crise climatique, on nous promet de travailler jusqu’à 64 ans au moins… alors que le monde dans lequel on vivra en 2060 s’annonce sans cesse plus inquiétant. De ce point de vue, la lutte contre la réforme des retraites peut constituer un premier pas pour refuser le futur que prépare Macron, et les capitalistes avec lui.

La jeunesse a donc tout à gagner à se mobiliser maintenant. Dans le monde du travail, ce n’est pas seulement la réforme des retraites qui a poussé des dizaines de milliers de travailleurs à se mettre en grève et à sortir dans la rue. Ce sont plusieurs années de crise sanitaire, de casse des services publics, de bas salaires et d’explosion des prix de l’alimentation et de l’énergie sous le coup de la guerre en Ukraine qui, toutes additionnées, ont provoqué un ras-le-bol général. De la même manière, dans la jeunesse, la réforme des retraites constitue l’apogée de plusieurs années d’attaques successives contre la jeunesse, entre Parcoursup, la baisse des APL, la précarité grandissante et l’explosion des difficultés psychologiques. Se mobiliser contre la réforme des retraites, c’est se mobiliser pour renverser Macron et pour imposer un autre projet de société. Une perspective redoutée par le gouvernement.

La mobilisation de la jeunesse changerait la dimension du mouvement actuel

Une note des renseignements généraux rendue publique par France Inter alerte en effet sur les risques d’explosion sociale, notamment si les jeunes rejoignent les manifestations organisées par les syndicats. Interrogé par La Tribune , l’historien Stéphane Sirot abonde en ce sens, estimant que « la jeunesse qui rentre dans un mouvement le rend souvent incontrôlable, et ils sont nombreux ceux qui ont fait reculer les gouvernements ».

Une possibilité qui inquiète l’exécutif, et qui éclaire la répression qu’ont déjà dû affronter les premiers manifestants, avec des élèves gazés par les forces de l’ordre au lycée Hélène Boucher à Paris et l’envoi de CRS à Strasbourg pour déloger des étudiants d’un amphi alors qu’ils organisaient une Assemble Générale.

Toujours dans le but d’étouffer la mobilisation de la jeunesse, les médias dominants commencent à adopter un discours moquant les jeunes mobilisés contre la réforme, alternant entre mépris et condescendance. On a ainsi pu voir Olivier Truchot déclarer sur RMC que les étudiants « feraient mieux de rester travailler », quand Ivan Rioufol sur CNEWS répondait à Lorélia, militante au Poing Levé, que la jeunesse était dans une « grande dépression » pour déjà s’intéresser à sa retraite.

Si la possibilité que les étudiants et lycéens rejoignent massivement les manifestations inquiète la bourgeoisie, il est certain que si elle se concrétisait, cela changerait les coordonnées du mouvement actuel. En rejoignant en nombre les cortèges des journées de grèves interprofessionnelles et en organisant des blocages et occupations décidées en Assemblée Générale, la jeunesse pourrait ainsi faire monter encore d’un cran le rapport de force contre Macron. En renouant avec le meilleur de la tradition du mouvement étudiant, qui a permis les victoires de 2006 contre le CPE, de 1986 contre la loi Devaquet de sélection à l’université, et surtout les manifestations et grèves massives de mai 68, le mouvement étudiant pourrait constituer une force d’entraînement et de radicalisation pour le monde du travail, dans un contexte où 80 % de la population et 93 % des actifs sont opposés à la réforme.

À l’inverse, les manifestations organisées le samedi par certaines composantes de la NUPES autour de la France Insoumise à l’instar de la journée du 21 sont loin de porter la perspective de s’organiser sur les lieux d’étude, ni d’arrêter la production. Ce type de marches le week-end en parallèle des dates des directions syndicales et en marge des lieux de travail n’a rien d’inédit : c’est ce que LFI a fait pendant les ordonnances XXL en 2017, la grève des cheminots en 2018 ou les grèves pour les salaires à l’automne 2022.

Loin d’être une marche de 150.000 jeunes – plutôt autour de 30.000 manifestants, dont une minorité de lycéens et d’étudiants , le 21 janvier représente en réalité une promotion de la stratégie de LFI au sein du mouvement des retraites : la rue comme pression sur le Parlement plutôt que la grève et le blocage de l’économie. Mais la mobilisation de la jeunesse peut apporter bien plus qu’un appui passif aux débats à l’Assemblée.

Dans l’histoire de la lutte des classes, les étudiants et les lycéens ont joué un rôle central pour étendre, radicaliser les mouvements et déstabiliser les gouvernements. À l’inverse d’une stratégie de pression et de, la jeunesse doit renouer avec le meilleur du mouvement étudiant : l’alliance avec le monde du travail.

Dans les lycées et les facs : s’organiser en AG pour préparer le 31 et la grève reconductible

Alors qu’une intersyndicale large participe aux journées interprofessionnelles, les personnels administratifs et les professeurs des universités étaient largement mobilisés le 19 janvier, et une part importante de cadres peuplait les réunions syndicales préparant la grève sur les facs.

Ces conditions constituent un appui à la préparation du 31 sur les universités, et amoindrit les possibilités de répression administrative, que l’on a vu au printemps avec des établissements systématiquement fermés face aux AG. Surtout, la forte présence d’enseignants mobilisés rend possible le fait de banaliser des cours pour se rendre aux manifestations ; des motions ont été votées en ce sens dans les conseils centraux du Mirail à Toulouse et de l’université Bordeaux Montaigne à l’initiative du Poing Levé.

Dans le même sens, le mouvement peut compter sur une inter-organisation jeune particulièrement large. Chose rare, des cortèges emmenés par la Fage ou par des regroupements locaux d’association étudiantes ont défilé le 19 janvier dernier. Là encore, il faut s’appuyer sur ces possibilités pour mettre sur pied des Assemblées générales les plus larges possibles.

Si de nombreuses conditions sont ainsi réunies, les prochains jours vont être décisifs pour impulser une dynamique sur les lycées et universités, notamment au travers de la construction d’Assemblées Générales massives. Les Assemblées Générales sont l’outil traditionnel du mouvement étudiant pour s’auto-organiser, convaincre les étudiants de se mobiliser pour massifier le mouvement, adopter des revendications claires, avoir une expression en propre vers l’extérieur et organiser les départs en manifestations et potentiels blocages.

D’autre part, il va falloir se coordonner entre établissements et entre secteurs en vue de la journée du 31 janvier, prochaine date appelée par l’intersyndicale nationale. Alors que certains secteurs ont d’ores et déjà prévu de reconduire la grève le jour suivant, une mobilisation massive de la jeunesse pourrait donner l’élan suffisant pour prolonger la reconduction de la grève les jours suivants, et si possible jusqu’au retrait de la réforme.

Partout où il existe, les militantes et militants de Révolution Permanente, à travers leur collectif de jeunesse Le Poing Levé, se donnent pour tâche d’organiser et de massifier la mobilisation. Contactez-nous et rejoignez-nous !


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