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Appel à don pour un docu sur l’amphi Z, emblème de la lutte pour la régularisation des sans-papiers

L'amphi Z à Lyon est un lieu emblématique des luttes pour la régularisation et le logement des sans-papiers. Une association lance une souscription pour réaliser un documentaire sur leur vie et leur lutte entre répression, immense précarité au travail et résistance.

Mica Torres

19 juin 2020

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« On vit ici, on reste ici »

« L’amphi Z », c’était un grand bâtiment qui appartenait à la métropole lyonnaise, ancien centre de formation des pompiers, aujourd’hui détruit. Pendant deux ans, le lieu a été squatté par des mineurs isolés, demandeurs d’asile et familles précaires. Aujourd’hui, à travers un documentaire de la réalisatrice Jordane B. soutenue par l’association Tillandsia, ces derniers veulent raconter leur expérience.

En novembre 2017, suite à l’expulsion par les forces de l’ordre d’un camp informel en face du centre de la gare Part-Dieu, des demandeurs d’asile, mineurs isolés et familles précaires se retrouvent à errer dans la métropole. A la suite d’une rencontre avec des étudiantes de l’université Lyon 2 et sans aucune solution d’hébergement, ils sont accueillis dans l’amphi C du campus de Bron, occupé par des étudiants qui luttent alors contre l’IDEX, projet de mise en concurrence des universités.

Sous la pression des occupants, la présidente de l’université Lyon 2 négocie avec la préfecture pour trouver une solution de relogement. Cette dernière en voie d’expulser l’amphi C, propose alors une solution de relogement pour une semaine dans un gymnase, qui se trouve être dangereusement proche du centre de rétention de St-Exupéry.

L’ensemble des occupants et leurs soutiens refusent et s’engagent alors dans une recherche de solutions pour reloger la centaine de personnes bientôt expulsées. La grande majorité des occupants étant demandeurs d’asiles, mineurs isolés, précaires devraient être pris en charge par la préfecture ou par l’OFII, et dans le cas spécifique des mineurs isolés, par la métropole et la protection de l’enfance.

L’amphi Z a été choisi car quelques années plus tôt, il avait été réquisitionné par la préfecture dans le cadre de plan grand froid et disposait d’installations ; douches et électricité permettant l’accueil d’un grand nombre de personnes. Les familles accueillies alors avaient été expulsées dès la fin de la trêve hivernale et les installations sabotées par les « délogeurs » pour éviter toute tentative de ré-installation. Les bâtiments étaient restés vides pendant de nombreuses années.

Pendant les deux ans d’occupation, les habitants et soutiens ont constamment essayé de négocier avec la métropole et l’État, en soutenant que la majorité des occupants, étant en demande d’asile procédure normale, devaient être pris en charge par les pouvoirs publics. Ils n’ont eu pour réponse que le silence et la mauvaise foi de ceux-ci.

Le 11 septembre 2019, l’amphi Z est évacué par les forces de l’ordre alors que 150 personnes y vivent. Encore une fois des centaines de personnes se retrouvent à la rue. Le week-end avant l’expulsion, deux soutiens et deux habitants sont reçus par la préfecture, cette dernière leur garantissant qu’il n’y aurait pas d’expulsion sans solution de relogement. Finalement seulement deux familles seront relogées. Des nouveaux squats seront ouverts et accueilleront les habitants expulsés de l’Amphi Z. Aujourd’hui, la grande majorité de ces lieux d’accueil précaire sont expulsables le 10 juillet 2020. C’est par exemple le cas des squats « Quai Arloing » ou encore de l’Espace Communal de la Guillotière (ECG). Selon Jordane B., militante et réalisatrice du documentaire, il y aurait un millier de personnes, logeant dans des squats, menacées d’expulsion d’ici septembre 2020 à Lyon.

Cette réalité questionne les promesses de Julien de Normandie, ministre chargé de la ville et du logement. Ce dernier, alors que vont être annoncées début juillet les mesures quant au report de la trêve hivernale, assure que des solutions de relogement seront assurées. Ceci alors que depuis des années, les travailleurs sociaux dénoncent un manque de places criant et l’inertie de l’État. Outre les effets d’annonce et en l’absence de moyens supplémentaires alloués aux services sociaux, les promesses du ministres résonnent désespérément vide de sens.

Selon l’INSEE, Lyon dispose de 8,4% de logements vacants dont un certain nombre appartenant à la métropole. Il y a deux ans, en réponse aux réquisitions sauvages de bâtiments, la métropole lyonnaise a débloqué un budget de 1,5 millions d’euros pour surveiller des bâtiments vides et inutilisés depuis des années.

Des travailleurs sans contrat et sur-exploités

Même si on leur refuse tout accès à des conditions minimales d’existence, la grande majorité des habitants de l’amphi Z sont des travailleurs qui font tourner la société. Ils le revendiquent avec force. Mis dans une situation de précarité extrême où leur statut ne leur permet pas d’obtenir des contrats de travail décents, les personnes sans-papiers, dublinés [Un "dubliné" est un migrant faisant l’objet d’une procédure de transfert ou "réadmission" vers un autre pays européen, là où ses empreintes ont été enregistrées pour la première fois. En général, les Etats européens se renvoient la balle pour savoir qui doit prendre en charge une personne en demande d’asile, ce qui laisse ces derniers dans des zones de « non droit »] ou demandeurs d’asile sont contraintes d’accepter des emplois précaires et dangereux. Beaucoup travaillent au noir dans le bâtiment, la restauration ou sont livreurs Deliveroo. Ils n’ont d’autres choix que d’emprunter les papiers d’un livreur français à qui ils reversent une partie de leurs gains.

Un lieu symptôme de la politique de non-accueil de l’État français

L’amphi Z et la situation de ses habitants exilés mettent à nu l’immonde politique d’immigration de l’État français. Ils démontrent comment des personnes en procédure de demande d’asile qui devraient, selon la loi, être protégées par l’État sont livrées à elles-mêmes. Ils illustrent également un exemple symptomatique des choix de l’État français, celui du manque criant de places en CADA (centre d’accueil pour les demandeurs d’asile) et de la défaillance du dispositif de protection des mineurs alors que la construction d’un nouveau centre de rétention a été annoncée à côté de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry. L’objectif est d’augmenter la capacité d’accueil de ces prisons pour étrangers de 35% sur l’ensemble du territoire français. L’ouverture est prévue pour 2022 et représente un budget de 12,5 millions d’euros. Ceci est la source de contrats juteux pour des entreprises telles que Eiffage, Thémis-FM, Sodexo, Spie Batignolles qui se partagent le marché pour leur construction et gestion future.

Un logement pour tous, régularisation de tous les sans- papiers !

Beaucoup de luttes se sont menées autour de l’amphi Z, lieu de rencontre et de solidarité. L’expérience de vie et de lutte de ce squat a donné lieu à la constitution d’un collectif de sans-papiers indépendant. La création de ce collectif correspond au développement d’une expression revendicative en propre. Les principales revendications que ces derniers portent sont les suivantes : à minima le droit au travail et l’accès au logement en tant que demandeurs d’asile, mais plus largement la régularisation de tous les sans-papiers ainsi que la réquisition des logements vides. Il a également permis l’ouverture de l’Espace Communal de la Guillotière, lieu dont le projet est au cœur de la défense du droit au logement dans un quartier du 7ème arrondissement de Lyon qui subit la gentrification de plein fouet.

Soutenez le projet de documentaire !

Ainsi pour documenter leur histoire, l’association Tillandsia lance un appel aux dons qui permettra après des mois de tournage bénévole, d’assurer les frais de post-production. Voici le lien de la cagnotte en ligne : Participation financière pour le film Amphi Z - On vit ici, on reste ici !


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