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Édito

Angers. Un discours souverainiste au service de la défense des intérêts du patronat

Sous pression, le chef de l’Etat a ouvert un nouveau front pour masquer sa gestion catastrophique de la crise. Il appelé à « rebâtir » la « souveraineté nationale », propulsant ses fleurons industriels au-devant de la « guerre » contre le virus. Derrière les apparences, ce discours cherche à préserver les intérêts du patronat pour maintenir coûte que coûte la production.

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En visite à Angers, Macron a tenté de répondre à la polémique qui enflait toujours plus sur le manque de masques et de respirateurs. Sous pression d’une confiance en chute libre, le chef de l’Etat a ouvert un nouveau front pour masquer sa gestion catastrophique de la crise. Après l’armée, le chef de l’Etat a fait un appel ouvert à « rebâtir » la « souveraineté nationale » propulsant ses fleurons industriels au-devant de la « guerre » contre le virus. Derrière les apparences, ce discours cherche en définitive à préserver les prérogatives du patronat pour maintenir coûte que coûte la production. 

Un discours apparemment volontariste pour masquer une gestion catastrophique de la crise

Ce mardi 31 mars, après la conférence de Edouard Philippe et Olivier Véran qui, samedi, annonçait la commande d’un milliard de masques, Macron a tenté de renforcer le discours du gouvernement sur le volet sanitaire. Le président est sous une pression importante à cause de la gestion catastrophique de la crise, qui se dévoile de plus en plus ouvertement au sein de l’opinion publique. Alors que ses dernières annonces avaient été très critiquées par les soignants, l’opposition et même par un secteur de la bourgeoisie - et ce notamment à cause du manque de réponses sur la question du matériel médical -, le chef du gouvernement entendait rectifier le tir, en affichant un discours volontariste à l’occasion de sa visite d’une usine de masques FFP2.

En ce sens, Emmanuel Macron a annoncé viser une production de quinze millions de masques FFP2 par semaine d’ici fin avril et entend développer les capacités de production pour que la France conquière une « indépendance pleine et entière » sur la production de masques d’ici la fin de l’année. Une mesure bien tardive, que Macron a cherché à justifier par des tensions sur les marchés mondiaux.

Prévoyant quand il s’agit des lacrymogènes, avec 4 années de stocks, le gouvernement, à l’heure où le pic de l’épidémie se rapproche dangereusement, ne met pas à disposition des soignants le minimum pour aller au front - soit 40 millions de masques par semaine. On notera d’ailleurs que malgré l’urgence, le gouvernement s’est refusé à imposer une réorientation de la production dans différents secteurs qui pourraient d’ores et déjà produire des masques pour faire face à la situation.

Sur le terrain des respirateurs artificiels, le chef du gouvernement a évoqué la création d’un consortium industriel composé de PSA, Valeo, Air Liquide et Schneider Electric, qui devrait produire « d’ici mi-mai 10 000 respirateurs. » Ces délais sont très tardifs au regard du pic épidémique qui approche dans les jours à venir. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir qu’aux Etats-Unis, actuellement dans l’œil du cyclone, Ford et General Electric Healthcare annonçaient la semaine dernière pouvoir bientôt produire 100 000 respirateurs hebdomadaires d’ici une semaine, dans une usine réorientée à Plymouth. En Grande-Bretagne, Dyson a conçu un nouveau type de respirateur suite à un appel du gouvernement mi-mars, et devrait en produire 10 000 d’ici début avril. Autant de signes que même de ce point de vue-là, Macron reste très largement en deçà.

En France, les initiatives semblent ainsi particulièrement limitées, de même que l’ampleur des réorientations. Ainsi, à l’heure où PSA et Renault cherchent à redémarrer la production de voitures, moteurs et boîtes de vitesse, les initiatives liées à la production de respirateurs ne mobiliseront que quelques centaines de salariés. Ainsi, à PSA Poissy, comme le note le JDD, ce sont « une soixantaine de salariés [qui] seraient missionnés pour cet atelier créé au sein de l’usine qui emploie 4.000 salariés. ». Une véritable goutte d’eau à l’échelle de la situation nationale comme internationale. Goutte d’eau qui pourrait cependant servir de « justification » aux industriels pour imposer la remise en route de la production, comme a tenté de le faire la direction de PSA à Valenciennes sans succès.

Un discours souverainiste pour refonder une unité nationale en déshérence

Tout au long de son discours, Emmanuel Macron a mis l’accent sur la souveraineté nationale. « Nous devons rebâtir notre souveraineté nationale » a-t-il notamment insisté tout au long de son discours en affichant une nouvelle priorité, produire davantage en France : « Pour mener ce combat contre le virus, dans un contexte où toutes les certitudes sont balayées ? (...) nous avons, bien sûr, eu une stratégie de commande, d’importation. Mais notre priorité, aujourd’hui, est de produire davantage en France. Et de produire davantage en Europe. »

Un glissement par rapport aux discours habituels de Macron qui, même en centrant sa rhétorique sur l’« union nationale », avait donné une place importante à l’échelle européenne et au multilatéralisme dans ses premières adresses. Le 11 mars, il pointait ainsi le danger du « repli nationaliste » expliquant : « Ce virus n’a pas de passeport. Il nous faut unir nos forces, coordonner nos réponses, coopérer. La France est à pied d’œuvre. La coordination européenne est essentielle, et j’y veillerai. ». Vendredi dernier, dans une interview à des journaux italiens, il affirmait : « Nous ne surmonterons pas cette crise sans une solidarité européenne forte, au niveau sanitaire et budgétaire ».

Or, si la « souveraineté européenne » a été évoquée, accolée à la « souveraineté nationale », c’est clairement la deuxième qui a marqué cette fois le ton du discours. « Le pupitre d’où s’exprime le Président arbore un bleu-blanc-rouge d’où a disparu toute référence au drapeau de l’UE. L’effacement symbolique sonne ainsi comme la mise en doute de la doxa dominante, voire l’effondrement dont le jeune Président se faisait le mandataire contre les souverainistes et autres populistes. La sémantique duplique à nouveau les éléments de langage déclinés depuis 15 jours : « guerre », « souveraineté », « contrôle », « production », etc. Le « nouveau monde » n’est plus que le souvenir délavé d’une vieille affiche de campagne. À l’épreuve de l’épidémie, la rhétorique de la « transformation » fait place à un appel implicite à la « reconstitution » de l’espace national. » notait sur ce point Arnaud Benedetti, professeur de communication, au Figaro Vox.

Alors que Macron avait voulu se présenter en champion du multilatéralisme, les difficultés rencontrés par l’exécutif semble avoir anéanti ses velléités premières. C’est un tournant majeur pour le macronisme, qui avait fait de la lutte contre le souverainisme et le populisme pour incarner le « progressisme », l’une des clés de voûte de son quinquennat. Avec ce tournant « souverainiste », Emmanuel Macron cherche à donner corps à une union nationale qui bat de l’aile, tout en entraînant le grand patronat qui cherche à se donner bonne publicité - comme en témoignent notamment les nombreuses annonces de dons. Ceux-ci masquent en réalité l’importante colère des ouvriers obligés de travailler dans les entreprises non-essentielles, malgré les risques très importants de contamination. 

Macron revendique ses ordonnances et la continuité de la production non-essentielle

Finalement, si Macron a évoqué l’urgence d’augmenter le matériel médical, il a en revanche fait l’impasse sur les nombreuses entreprises non-essentielles qui continuent de fonctionner ou s’apprêtent à reprendre. Pire, assumant la priorité accordée au maintien du maximum d’activité, Macron a rendu hommage à « ces femmes et ces hommes qui sont au travail avec courage, alors que parfois leurs familles sont dans l’angoisse, (…) c’est un engagement exceptionnel que nous soutenons. ». Sur la production non-essentielle, Macron maintient sa ligne absurde, celle de défendre la continuité d’activité qui expose des centaines de salariés pour préserver les profits du patronat.

Sur le terrain des entreprises, Emmanuel Macron a par ailleurs revendiqué les ordonnances du gouvernement, articulant ces attaques contre les acquis des travailleurs avec sa perspective souverainiste. « Nous avons passé des réformes qui permettent à notre pays d’être plus compétitif, mais il nous faut retrouver la force morale et la volonté pour produire davantage en France et retrouver cette indépendance », a-t-il notamment expliqué.

Attaques contre les acquis sociaux, repli national : voilà les principaux ingrédients de la réponse macronienne à la crise qui se dégagent du discours d’Angers. La suite de la crise sanitaire restera donc marquée par la priorité absolue accordée aux intérêts patronaux, et cette certitude souligne la nécessité de préparer une riposte du monde du travail, résolument internationaliste, qui mette à l’ordre du jour l’urgence de la réquisition des moyens de production utiles à la production de matériel médical, la réorientation de la production en faveur de la lutte contre la pandémie en France mais aussi dans le monde - à l’heure où le Covid-19 commence à se développer en Afrique et en Amérique Latine -, et l’arrêt des productions non-essentielles pour offrir une issue ouvrière à la crise et empêcher que le poids de celle-ci ne retombe à nouveau sur les travailleurs.

Pour appuyer celles et ceux qui se battent pour la fermeture leur entreprise, non essentielle, rejoins la grande campagne pour imposer le #StopProductionNonEssentielle parmi les principales tendances sur Twitter et les autres réseaux sociaux. Cette action massive aura lieu le jeudi 2 avril à 18h : chaque personne compte !


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